Virginie Rochetti expose ses broderies déjantées au Triton des Lilas jusqu'au 14 juin. On l'a connue scénographe avec Jacques Rebotier, peintre, illustratrice, ordonnatrice d'installations, la voilà brodeuse. Peu importe le support, les créations de la plasticienne sont toujours aussi impertinentes, contre-champ du monde formaté où les usurpateurs font la loi du marché. Ayant acquis une drôle de machine informatique qui enregistre les mouvements du stylet sur la tablette tactile, Virginie Rochetti réalise de petits tableaux caustiques, duo improvisé entre l'artiste et un outil plus ou moins obéissant. Car là où les imperfections humaines déterminent le style, la machine ne connaît que les bugs. Rochetti en use et en abuse avec délectation, jouant des points, traits incisifs, trames de remplissage, motifs rouges, noirs ou crème, laissant à la machine le soin de piquer. L'imagination reste heureusement la prérogative de l'artiste ! Je dévore le rouge vif des pièces de bœuf, que ma propre machine écrit bouf, rature, coupure, piqûre, les fumeuses impénitentes de Vivre tue, les mutations nucléaires de Respirez légendé Ta mère la planète ! Taré ou son Carnival capital, et ci-dessus Le loup et les rouges. Regret d'Anna Sanchez Génard de n'avoir pu exposer la Tapisserie de Bagnolet, fresque brodée de sept mètres de long, mais les petits formats accrochés partout dans le restaurant nous ravissent. L'aiguille relie les points pour dessiner des traits, les traits se serrent les uns contre les autres pour remplir des surfaces en épaisseur, et le fil du récit déroule l'absurdité du monde, ses plaisirs et ses horreurs, la difficulté d'être femme, sa légèreté, l'humour et la créativité transmutant la vie en art, et l'avis en lard. Saignant.