À Arles tout le monde semble porter un appareil-photo autour du cou. En leur absence un smartphone fait l'affaire. Je n'échappe pas à la règle pour illustrer mes articles et j'épingle Françoise devant un grand tirage de Patrick Willocq.
Au début des années 70, comme Captain Beefheart et son Magic Band arrivent à Orly sans passeports les douaniers les interrogent. "Nous sommes des pèlerins arrivés du XXIe siècle", répond Don Van Vliet. Le pandore pointe l'appareil-photo que porte autour du cou l'un des musiciens : "Ah oui ! Et ça, qu'est-ce que c'est ?". Et l'Américain de répondre que "ça, c'est un membre du groupe". Ils seront refoulés vers Londres d'où ils arrivent.
Retour à d'autres histoires, d'autres aventures. Dans les anciens ateliers de la SNCF, qui abritent entre autres les lauréats du Prix Découverte, Willocq revient au Congo où il a passé son enfance pour mettre en scène des tableaux vivants inspirés des rites pygmées Ekonda. L'intimité des femmes Walé lors de la naissance de leur premier enfant se retrouve transposer en images de bande dessinée, délicieusement impertinentes...


Pendant que nous visitons l'exposition Christian Lacroix sur l'Arlésienne une équipe de télévision s'apprête à interviewer le couturier. À peine une minute après le début de l'entretien, Lacroix, énervé, quitte le tournage. Le réalisateur ébahi nous explique qu'il a pourtant posé une question simple. Comme je lui demande laquelle, il m'explique qu'il lui a seulement demandé de parler de son exposition, sans se rendre compte de l'insulte que représente son ignorance. Les fantômes qui hantent la chapelle de la Charité devaient être outrés de tant d'insouciance et les Arlésiennes de disparaître plus vite que la légende. Dans ces cas-là Orson Welles avait coutume de partir d'un féroce éclat de rire : "Vous n'avez pas une plus petite question ?"


Juste au-dessus, dans l'église Saint-Blaise, Denis Rouvre interroge des Français et des Françaises d'origines extrêmement différentes sur leur identité nationale. Aucun d'entre nous n'échappe à cette perspective. "Qu'est-ce qu'être Français ?" La galerie de portraits éclairés qui se succèdent dans le noir dresse un plan philosophique de notre pays cosmopolite. Chaque réponse fait sens, transformant la brutalité de l'histoire en magnifique carte du tendre. Les voix font vivre les corps au delà de l'écran dont les bords se fondent avec l'obscurité. Lumineux.