Au début de l'été j'avais lu avec délectation le roman de Gérard Mordillat Rouge dans la brume (Livre de Poche). Au travers d'une lutte sociale il nous rappelle qu'en se battant on n'est pas sûr de gagner, mais qu'en baissant les bras on a déjà perdu. En regardant le documentaire La Saga des Conti réalisé par Jérôme Palteau (ed. Montparnasse) on comprend que Mordillat s'est inspiré des luttes de LIP, Chausson et, plus récemment, Continental, des histoires de solidarité qui donnent du courage pour se battre contre l'absurdité et le cynisme du capital allié au pouvoir de l'État.
Là où Mordillat entre avec truculence dans l'intimité de ses personnages, couples mal assortis que les circonstances vont révéler, mal de vivre, sacrifices que la crise va exacerber, Palteau s'appuie sur le charisme des militants, leur rapide apprentissage de la lutte ou la malice d'un vieux syndicaliste à la retraite. Les acteurs du réel sont si engagés que le suspense est comparable aux ressorts du roman, le combat qu'ils mènent les aidant à se construire. Le capital est sans pitié s'il s'agit de faire profiter ses actionnaires, l'État qu'il soit explicitement ou effectivement de droite tente de laisser pourrir la situation, les syndicats loin du terrain sont endormis, ainsi seuls les hommes et les femmes sur le terrain prennent leur sort entre leurs mains. Dans le monde cruel du travail la grève va générer des vocations et l'invention d'actions stratégiques à mener va permettre d'accoucher de modèles de lutte dont il faudra évidemment s'inspirer pour les luttes à venir.
Ce sont avant tout de belles histoires de solidarité où le doute, la colère et la détermination conduisent à des scènes inénarrables de comédie.