70 décembre 2014 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 31 décembre 2014

Scotch comme une image


Je ne peux pas faire abstraction du quotidien et refaire le monde chaque matin comme si je regardais la Terre vue de la Lune.
Le vétérinaire a rarement vu un chat aussi sage. Scotch lui rendait visite pour une inquiétante protubérance de la truffe déjà dépigmentée depuis quelques mois. Il l'a mis au régime, lui a prescrit des antibios et une pommade en espérant que son nez dégonfle. Si cela ne marche pas, c'est beaucoup plus ennuyeux. On verra bien. Rien ne sert de s'alarmer trop tôt. Après non plus. Que peut-on faire ? Scotch ne bouge pas pendant la piqûre. Il a attendu tranquillement le résultat de l'analyse, debout sur la table bleue. Elle n'est hélas pas concluante. En attendant il faut tout de même lui faire avaler chaque jour un épais comprimé gros comme une pièce de cinq centimes et lui frotter le museau avec la pommade. L'été prochain il faudra le protéger avec de la crème solaire. Ce n'est pas une blague.
Le froid est tombé. Le prix du fuel aussi. Moins 35 pour cent. L'État en a profité aussitôt pour augmenter les taxes sur le pétrole. En réalité le prix du baril est descendu au delà de la moitié, mais les requins ont préféré accroître leurs profits. Nous avons rempli la cuve, acheté du gros sel en prévision du gel, sorti les couvre-oreilles. Il paraît que c'est la concurrence du gaz de schiste qui est à l'origine de la baisse. Les Américains bousillent leur sol et pour une fois nous profitons de leur connerie.
Pas de trêve de Noël. J'enregistre les sons et la musique des dernières applications pour iPad des Éditions Volumiques. Ambiance de steppe et musique interplanétaire. J'attaque bientôt Le Monde de Yoho, une aventure de pirates qui me pousse à regarder successivement Cutthroat Island de Renny Harlin, Anne of the Indies de Jacques Tourneur, Blackbeard the Pirate de Raoul Walsh. Wikipédia en relate quantité d'autres.
Entre temps je mixe le concert du Triton avec Médéric Collignon et Julien Desprez, poursuis mon enquête sur le quotidien des jeunes musiciens pour un grand mensuel, approfondis l'étude sur le design sonore du métro du Grand Paris, assiste Françoise pour le montage de son dernier petit film sur une musique enregistrée avec Alexandra Grimal, etc. Le quotidien habituel. Le soir on fait de gros câlins à Scotch pour le remettre de ses émotions...
Bonne fin d'année !

mardi 30 décembre 2014

Powerplant : 24 Lies Per Second


Deux ou trois générations de musiciens assument avec brio l'héritage des premiers minimalistes américains, fringants octogénaires toujours en activité, mais dont l'inventivité n'est plus à la hauteur de leurs heures de gloire. Après Terry Riley, Steve Reich et confrères, John Adams ou les fondateurs de Bang On A Can, Julia Wolfe, David Lang et Michael Gordon tournent déjà autour de la soixantaine. Tous ont développé des langages personnels s'échappant de la doxa répétitive, d'où le glissement progressif vers le terme de minimalisme, lui-même très limitatif par rapport à la réalité de leurs œuvres. Certains pourraient même être taxés de maximalistes, ce qui n'est pas fait pour me déplaire ! Je reviendrai ultérieurement sur Bang On A Can pour avoir récemment écouté une trentaine d'albums, majoritairement parus sur le label Cantaloupe Music, mais j'ai besoin de temps pour débroussailler le style des uns et des autres, d'autant qu'apparaissent à côté du trio fondateur quantité de voix originales tels Arnold Dreyblatt, Glenn Kotche, Ken Thomson, Bobby Previte, Florent Ghys, Michael Harrison, Evan Zyporin et des ensembles comme Icebreaker ou So Percussion.
Le percussionniste Joby Burgess associé au sound designer Matthew Fairclough et à la vidéaste Kathy Hinde forment le groupe anglais Powerplant. Leur dernier album, 24 Lies Per Second, rassemble des pièces très diverses, mais qui ont en commun l'héritage de leurs aînés. D'autant que l'on y découvrira une version pour percussion de Piece For Tape de Conlon Nancarrow et une œuvre de jeunesse inédite de Steve Reich, My Name Is, à une époque où le compositeur ne craignait pas la surchauffe des méninges de l'auditeur ! Dans l'extrait vidéo joint on découvrira un instrument de prédilection de Joby Burgess, le xylosynth fabriqué par William Wernick. Il s'agit d'un xylophone midi dont le prix comparativement devrait intéressé plus d'un percussionniste. Pour Chain of Command Graham Fitkin a échantillonné les voix de George Bush Jr et Donald Rumsfeld évoquant Guantanamo, l'Irak et Abu Ghraib. L'effet répétitif et de reconstruction des phrases renvoie à la torture endurée 24 heures sur 24 par les prisonniers.


Powerplant mélange les percussions avec les traitements électroniques dans une optique toujours rythmique. Dominic Murcott répond à la pièce de Nancarrow qu'il a arrangée en y adjoignant de l'électronique live tandis que Max de Wardener s'inspire de films de Michael Haneke. Ci-dessous un extrait de Im Dorfe inspiré La pianiste. Sur le site de Powerplant on trouvera d'autres vidéos dont une déconstruction de Chain of Command.


Rien d'étonnant à ce que le premier album de Powerplant ait été Electric Counterpoint autour de Steve Reich et Kraftwerk, car s'il porte le titre de la pièce arrangée de l'Américain le nom du groupe est la traduction de celui des Allemands. Les singles qui l'avaient précédé étaient nettement plus technoïdes. On retrouve également Joby Burgess au sein de l'Ensemble Bash (A Doll's House) ou avec le compositeur Gabriel Prokofiev dont il est le soliste pour le Concerto for Bass Drum. NonClassical, le label de Gabriel Prokofiev (petit-fils de Sergueï), a l'intéressante particularité de proposer des remix dont tous les sons sont issus des disques originaux sans apport extérieur, tel The Art of Remix.

lundi 29 décembre 2014

Identification émotionnelle et solidarité transversale


Pourquoi ai-je refoulé mes larmes à la projection du film Pride réalisé par le Britannique Matthew Warchus ? J'ai reniflé et me suis essuyé la figure en espérant que mes voisins ne m'avaient pas vu céder à l'émotion. La plupart des pleureurs et des pleureuses se cachent ou s'excusent alors que leurs sanglots expriment une franchise épidermique plus saine que la crainte d'être assimilés à des midinet(te)s. Le phénomène d'identification au cinéma renvoie toujours à des aventures vécues. La reconnaissance de situations qui nous ont marqués est la clef de cette subjectivité qui parfois oppose les spectateurs sans comprendre les raisons des uns et des autres. Tout le cinéma narratif repose à la fois sur le vécu et les fantasmes de chacun. L'effet d'étrangeté brechtien de certains films ou l'analyse critique a posteriori peuvent permettre de prendre quelques distances, mais l'émotion ne se dissipera heureusement pas pour autant. Je pleure donc au cinéma lorsque je reconnais des situations enfouies dans ma mémoire et qui sont probablement fondatrices de ma personnalité. J'ai déjà évoqué ici les retrouvailles de deux personnes après une très longue période qui me renvoient à la séparation après des vacances pénibles loin de mes parents lorsque j'étais enfant. Quelle que soit la qualité du film ce genre de scène me fait toujours le même effet...
Dans Pride la solidarité d'un groupe d'activistes gays et lesbiens anglais avec les mineurs gallois lors de la grève de 1984-1985 me renvoie à mon adolescence où les clivages interprofessionnels s'effaçaient devant la nécessité d'être ensemble. Seule la grève générale provoqua de véritables bouleversements, pas seulement face au gouvernement, mais dans les consciences de tous. Les replis communautaires et professionnels isolent les revendications avec peu de chance de les faire aboutir. À tour de rôle les uns et les autres se critiquent sous prétexte des enquiquinements que produit telle ou telle grève. Les citoyens ont du mal à se sentir concernés par d'autres problématiques que les leurs, au nom de la liberté ! Cette liberté a perdu tout son sens sous le poids de l'individualisme forcené.


L'alliance improbable entre les jeunes activistes LGBT et les ouvriers du nord ne fit hélas pas fléchir Margaret Thatcher, mais elle fit avancer la reconnaissance des droits des gays et lesbiennes. La comédie de Matthew Warchus est un bonbon anglais avec des acteurs formidables comme seuls les Anglo-Saxons savent soigner la véracité de leurs personnages. Leur secret est de travailler leurs rôles ! Comme d'habitude les films grand public, spécialement les comédies, sont souvent boudés par la critique qui supporte mal de céder à ses émotions. On en pleurerait.

P.S. : et puis j'ai repensé à l'excellent livre de Didier Eribon, Retour à Reims...

vendredi 26 décembre 2014

Défection du rock en période de crise


Déprime des lendemains de fête familiale, déclins et déclinaisons, quelle idée ai-je eu d'écouter les 100 disques considérés comme les meilleurs de l'année 2014 par Les Inrocks ?
Les clips sont sympas, mais la plupart des albums se ressemblent invariablement. La tendance rock british se maintient, revival sans conviction que les rythmes dansants ne peuvent camoufler. Variétés molles, qu'elles soient françaises ou "internationales". Le monomorphisme des Inrocks, qui furent il y a longtemps ouverts à toutes les musiques, se répand dans un flux popisant inconsistant, regroupement déprimant de clones branchés. Mais branchés sur quoi ? Qu'est-ce que cela raconte ? La complicité de la presse spécialisée avec une industrie en bout de course, incapable de se renouveler par manque d'ambition et de prises de risques, s'affiche sur les 10 pages du site Web des Inrocks.
Perdus au milieu de la foule, Scott Walker, Alt-J, Leonard Cohen, Shabazz Palaces, Dick Annegran surnagent, mais aucun de leurs albums de cette année ne sont néanmoins leurs meilleurs. Vagues frémissements avec Ghettoville de Actress ou Asiatisch de Fatima Al Qadiri, mais il n'y a pas de quoi se relever la nuit. Peut-être Wonder Where We Land de SBTRKT suffisamment divers pour me plaire? Les brouillons montages free de Flying Lotus (petit-neveu d'Alice Coltrane et John par alliance !) n'arrivent pas à la cheville de quantité d'inventions assimilées en France au jazz. Il existe forcément sous d'autres latitudes des rappeurs, des technos, des songwriters, des musiciens issus d'autres terroirs qui renouvellent les genres. Encéphalogramme plat. On oscille entre basses pompantes et nostalgies mielleuses. Les Inrocks évoquent par ci par là un mouvement transgenre, s'économisant d'aller voir du côté des musiques innommables, entendre que les vraies trouvailles obligent à fréquenter les sons sans se préoccuper du tiroir dans lequel les ranger. Les listes consanguines épuisent la veine artistique. On finit au marché du disque, un mouvement commercial comme les publicités qui s'affichent sous les 100 clips illustrant la sélection décriée. Les annonceurs font toujours la loi.
J'avais soif de découverte. Ma curiosité n'est pas satisfaite. Je reste sur ma faim. Un comble pour un lendemain de fête. Burp !

jeudi 25 décembre 2014

Audio Technic Catalog de Vincent Epplay


Pratiquant à la ville comme à la scène "le discours de la méthode" depuis 1980, date de la création du spectacle Rideau !, j'ai toujours adoré les œuvres qui se réfèrent à leur support. Le compositeur Vincent Epplay me comble avec ses travaux de reconstruction sonores où il mixe, filtre, enveloppe, amplifie des disques pédagogiques ou scientifiques, de bruitages et d'illustrations musicales pour créer des œuvres électroacoustiques, créations radiophoniques qui s'écoutent affalé dans un bon fauteuil, la lumière tamisée, avec la boisson de votre choix. Après le 33 tours 30cm Sound Effects (Movie in your head Vol1) et le vinyle 25 cm Le disque contre l'insomnie (Hypnose), le label PPT Stembogem publie Audio Technic Catalog (Notices Methodes & Pédagogies), 33T 30cm augmenté d'un DVD où figurent quatre films .....


Six teasers annonçaient la sortie de l'élégant objet, troisième de la série Sound Library. Epplay s'approprie des disques de test et des manuels audio de règlage de votre chaîne hi-fi, mêlant textes et musique.


L'album est incopiable, car la pochette fait partie du concept, double volet mis en page dans le style des objets originaux. S'il est annoncé qu'il a été "réalisé à 99% avec des disques éducatifs et techniques", des glissements progressifs du plaisir viennent pervertir leur uniformité et leur environnement stérile.


Un ton froid et humoristique colore cette somme de conseils que le temps passé décale au point d'en faire une sorte de voyage dans le temps. Notre fauteuil devient celui d'un voyageur de l'espace. Des tubes nous poussent tandis que l'aiguille creuse son sillon sur la platine...


Les quatre films du DVD qui accompagne le vinyle évoquent le rapport espace-temps. Les courts métrages Rotation, Luxation, Station, Ondulation se réfèrent à la perspective spatiale comme remède universel, à la prévention des accidents du travail, à l'union de l'audiovisuel avec le cosmos et de la fidélité des oscilloscopes. Vincent Epplay effectue là un travail électroacoustique plus flagrant qu'en audio. Il recompose les bandes son comme il le fit avec Moby Dick de Huston, Nanook de Flaherty ou les films de Pierre Clémenti. Pour celles et ceux qui ne possèdent pas de tourne-disques les deux faces du vinyle sont également reproduites sur la petite galette argentée.


Je possède moi-même une collection de vinyles 45T et 33T, disques de démonstration comme ceux utilisés par Vincent Epplay, disques souples promotionnels, cartes postales avec gravure phonographique incorporée à l'image, évocations romanesques, etc. que j'utilisai en scène dès 1970, dont un mémorable concert avec le groupe Dagon à la Fac Dauphine où je trafiquais des publicités en temps réel. J'optai ensuite pour des radiophonies, montages cut joués au bouton de pause d'un cassettophone, sans retraitement ni collage ultérieurs, faisant apparaître l'environnement social sous les paysages sonores extrêmement courts. Ma dernière intervention dans ce domaine est la Mascarade Machine conçue et réalisée avec Antoine Schmitt, avec qui Epplay cosigna son premier enregistrement discographique, un disque infini. Mascarade est une application numérique me permettant par exemple de transformer le flux radiophonique en mélodie en contrôlant l'ordinateur sans le toucher, par des gestes de marionnettiste captée par la webcam intégrée. Mais ce qui compte avant tout est le propos que l'on entend divulguer au public... En 1998, Machiavel était un scratch interactif de 111 boucles vidéo réalisé avec Antoine Schmitt, objet comportemental réagissant au plaisir et à l'ennui, zapping symphonique de bruits et de musiques, mais surtout regard critique et sensible sur la planète...


Digne héritier des expériences de plusieurs générations, Vincent Epplay se retrouve à la croisée de la musique électroacoustique telle que pratiquée au GRM depuis les années 50, des dérivés technoïdes de sa jeunesse et des élucubrations humoristiques des bidouilleurs provocateurs qui savent se moquer de leurs lubies obsessionnelles. En s'étoffant son œuvre se précise, fractale sémiologique où la théorie devient l'enjeu d'une pratique.

mercredi 24 décembre 2014

Notre cadeau de Noël


Les cadeaux que l'on fait aux autres ne les choisit-on pas d'abord pour soi ? Si celui-ci est à l'intention de mes lecteurs ce concert enregistré à Radio France pour l'émission À l'improviste est d'abord celui qu'Anne Montaron et France Musique nous offrent pour Noël. Quarante-cinq minutes en neuf courtes pièces inspirées par le jeu de cartes de Brian Eno et Peter Schmidt marquent le premier concert de la série Un coup de dés jamais n'abolira le hasard : Servez-vous d'une couleur inacceptable (5'00) / Coupez une connexion vitale (4'30) / Acceptez un conseil (4'30), Résistez au changement ouvertement (4'00) / Plus sensuel (6'30) / Faites une liste exhaustive de tout ce que vous aimeriez réaliser et faites la dernière (3'30) / À quoi pensez-vous réellement là maintenant, intégrez (4'00), N'ayez pas peur des clichés (3'30) / Oubliez tout ce qui a été joué précédemment (4'30).


Quelques jours plus tard la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard, la percussionniste suédoise Linda Edsjö et moi-même joueront onze autres pièces sur le même principe à l'Atelier du Plateau (extrait vidéo). Deux semaines encore et ce fut au tour du trompettiste-chanteur Médéric Collignon et du guitariste Julien Desprez de se prêter au jeu... Des films de tous ces spectacles suivront dans les semaines à venir, y compris la reformation d'Un Drame Musical Instantané qui se tint à Montreuil le 12 décembre dernier...

Photo de la balance © S. Noël

mardi 23 décembre 2014

Codex Seraphinianus


En me promenant sur le Net je suis tombé par hasard sur un livre étrange, écrit dans une langue calligraphique intraduisible, illustré de dessins totalement déjantés. J'avais déjà vu la double page du couple se transformant en crocodile, mais le PDF m'a instantanément donné envie d'acquérir l'objet malgré son prix coûteux. L'original du Codex Seraphinianus publié en 1981 par l'éditeur Franco Maria Ricci est inabordable, mais en cherchant bien j'ai trouvé en Grande-Bretagne une très belle édition américaine récente de 370 pages chez Rizzoli, somptueusement reliée et imprimée sur un papier extrêmement agréable au toucher pour 74 euros port inclus. Le texte étant indéchiffrable, un petit fascicule intitulé Decodex et signé de l'auteur est glissé dans la jaquette. Ce sont les seules informations de ou sur Luigi Serafini, la double page où l'on reconnaîtra quelques mots français, portrait esquissé d'Albertine dans La recherche du temps perdu, ne nous apportant pas plus de lumière.


Une petite recherche nous apprend néanmoins que Luigi Serafini est un artiste italien né en 1949, architecte et designer, auteur également de peintures, sculptures et installations (extrait 1 - extrait 2 - Photo). Il est entre autres professeur à l'École d'art Futurarium de Milan, enseignement axé sur les mots et les concepts plutôt que sur les matériaux. Il travailla avec le groupe de design Memphis d'Ettore Sottsass, sur le film La Voce della Luna de Fellini, à la Scala et au Piccolo Teatro di Milano parallèlement aux quatre ans qu'il passa à dessiner son codex. Aujourd'hui il continue à illustrer des livres d'art.


Roland Barthes fut pressenti pour la préface de l'édition originale, mais sa mort prématurée le fit remplacer par Italo Calvino. Dans son œuvre où les métamorphoses sont toujours imprévisibles on reconnaît évidemment l'influence de Jérôme Bosch, et celle qu'il exerça lui-même sur le dessinateur Moebius, le chorégraphe Philippe Decouflé et bien d'autres, auteurs de science-fiction en particulier.


Car le Codex Seraphinianus est "une sorte d'encyclopédie extraterrestre composée de onze chapitres traitant de la nature, des hommes, des minéraux, des mathématiques, de l'architecture et de l’écriture". Si la mescaline a ouvert certaines perspectives à Serafini, il a toujours réfuté son efficacité au moment de dessiner !

lundi 22 décembre 2014

La Revue du Cube #7 = Agir !


Comme pour chaque numéro de la Revue du Cube le sujet de son septième est défini par l'édito de Nils Aziosmanoff, un texte plein d'espoir en l'humanité, mais qui occulte le fait qu'en approchant de l'omniscience et de l'immortalité nous jouons avec le feu. Suivant les lois de l'entropie le retour de flamme pourrait nous être fatal ! Qui sait en effet comment les machines de plus en plus intelligentes et autonomes réagiront face à notre absurdité et comment la mort se laissera apprivoiser sans se jouer de notre ambition démesurée ? Jusqu'ici l'humanité a prouvé qu'elle était capable du meilleur comme du pire. Les progrès techniques n'entraînent que peu de changement dans l'exploitation de l'homme par l'homme et son individualisme forcené ; les replis communautaires et le gâchis rappellent les pires moments de notre Histoire...
Raison de plus pour agir affirment les éditions Les liens qui sauvent. Pour la rubrique Perspectives, "dans l'urgence" renchérit Yacine Aït Kaci (alias YAK) et Natacha Quester-Séméon met en avant la responsabilisation individuelle en digne féministe politique tandis que Gilles Babinet émet des doutes sur nos choix futurs et Thibaud Croisy interroge les réseaux sociaux. Les points de vue regroupés en seconde rubrique divergent évidemment. Là où le duo HP Process promeut son manifeste de Poésie Action Numérique, Joël Valendoff prône généreusement l’émergence d’un nouveau paradigme médical. D'un côté Dominique Sciamma pense qu'agir commence par penser, Éric Legale s'en remet aux élites, Flavien Bazenet s'enthousiasme pour les entreprises, Pierre de La Coste promène ses interrogations mystiques sur la liberté, Carlos Moreno rappelle le partage indispensable, Étienne Krieger l'importance du vivre ensemble, Jean-Christophe Baillie vend son jeu vidéo et Franck Ancel son catalogue. D'un autre, Marie-Anne Mariot revendique le non-agir ou lâcher-prise, Emmanuel Ferrand met en valeur la sérendipité et la liberté indispensable du chercheur, Philippe Cayol renvoie à la nécessité de la critique, Roland Cahen soulève avec humour les dysfonctionnements du numérique, Hervé Azoulay condamne la centralisation et les systèmes pyramidaux, Étienne Armand Amato interroge les interactions des mondes virtuel et réel en quasi žižekien (le philosophe Slavoj Žižek titra l'un de ses livres Bienvenue dans le désert du réel d'après un dialogue du film Matrix)... Yann Minh, Janique Laudouar, Marta Grech, Susana Sulic et Philippe Chollet décalent le sujet grâce à des fictions qu'il aurait peut-être fallu disperser parmi les réflexions plus faciles à lire en feuilleton qu'à la suite les unes des autres.
Je n'y échappe pas : mon texte porte le titre d'un livre de Lénine perché tout en haut de ma bibliothèque et qui me trotte toujours dans la tête depuis qu'en 1970 j'ai vu Que hacer ?, film collectif de Saul Landau, James Becket, Raoul Ruiz et Niva Serrano sur l'impérialisme américain autour de l'élection de Salvador Allende au Chili, tressage de fiction et de documentaire...

QUE FAIRE ?

« Je vous apporte la peste,
moi je ne crains rien,
je l’ai déjà… »
Paracelse

Le thème de ce septième numéro me paralyse. Est-ce agir qu’écrire ? Nous ne pouvons pas grand-chose dans nos splendides isolements et je suis seul devant mon écran. Je communique, tu communiques, il communique, nous communiquons… Dans ces vases la quantité de matière grise ne varie pas. Leur transparence est illusoire. Comment sortir de ce bourbier ? Les éditos de Nils Aziosmanoff me donnent chaque fois envie de rêver, mais dès que je creuse je me cogne à la lumière comme un papillon qui s’y brûle les ailes et tout s’éteint au fur à et à mesure que j’avance.

Lorsque les mots se transforment en actes ils sont le plus souvent dévoyés par la réalité. Retournés comme des gants, les concepts sont utilisés contre ceux qui les avaient imaginés ou à qui ils étaient destinés. À la botte du pouvoir financier, l’armée est le principal commanditaire de la Recherche. Nous profitons des retombées commerciales de leurs avancées technologiques. Serions-nous capables de les renverser à notre tour pour que les armes soient transformées en outils ? Ce recyclage systématique est présenté sous les atours du progrès, mais quelles avancées sociales inaugure-t-il ? Les gaz asphyxiants de la première guerre mondiale sont devenus des pesticides, les tanks ont été adaptés en tracteurs, la bombe atomique a laissé la place aux centrales nucléaires… À qui serviront les nanotechnologies, les expériences sur le climat du géo-engineering ? De plus, les ressources que les anciennes et nouvelles technologies nécessitent attisent les conflits. Le gaz, le pétrole, les minerais, les métaux rares sont à la source des pires crimes de masse. La Troisième Guerre Mondiale bat son plein. Le pouvoir politique et financier fait son beurre d’une démocratie qui n’en a que le nom. La manipulation est totale, universelle. Big Brother is Watching You. Une tarte à la crème ? On aimerait bien. La gourmandise est plus sympathique à partager le sucre que la surveillance dont nous sommes les proies. Ensemble ? Les grandes messes rassemblent le monde sous l’accumulation d’images choisies, de flux sonore logorrhéique, d’informations mensongères. Le storytelling n’est pas nouveau. Les religions en ont fait leurs choux gras. Celle du Big Data ne vaut guère mieux. La foi ne sauve que les grands prêtres qui la professent. L’appât du profit dévoie les meilleures intentions. Les révolutions sont toujours brèves. La réaction qui s’en suit est d’autant plus meurtrière. Nous n’avons pourtant pas le choix. Si nous refusons d’aller nous noyer tels les lemmings, nous devons inventer de nouvelles utopies. La question du temps qu’il nous reste reste cruciale. Avons-nous encore le moyen d’enrayer la sixième extinction ? Notre civilisation est condamnée par le gâchis et le cynisme des quelques nantis qui détiennent les moyens de communication, mais certainement pas ceux de la production. Il faut toujours des bras et des jambes pour agir. Les replis communautaires et l’absence de solidarité interprofessionnelle sont les symptômes de notre maladie, et l’exclusion des pays du sud ne peut aboutir qu’à une catastrophe.

Le numérique n’est pas une baguette magique. Ce n’est qu’un outil de notre temps. Pour que ses ressources participent au sauvetage il va falloir commencer par revoir toutes nos institutions. La démocratie représentative a montré ses limites. En France une sixième République se profile, mais la révolution ne peut être que globale. Autour de la planète les riches, si peu nombreux, ont bien su s’accorder. Comment la masse des pauvres qui la font marcher vont-ils le prendre s’ils comprennent qu’ils ne sont qu’une source d’énergie parmi les autres ? Ici on parle d’élire nos représentants au tirage au sort, sans mandat reconductible. Là on évoque le revenu de base pour que le travail ne soit plus l’étalon de notre économie. Où est-elle cette société des loisirs que l’on nous vendait dans les années 70 ?

La Revue du Cube a le mérite de soulever les questions essentielles, celles du rêve. Le réel n’est qu’une illusion. Si nous ne sombrons pas dans le renoncement, si nous acceptons l’altérité comme la solution de nos impasses, si nous ne nous contentons pas d’écrire, mais que nous inventons de nouveaux moyens d’agir, et si nous sommes capables de faire coïncider notre pratique avec nos théories, dans un partage qui nécessitera forcément des sacrifices, alors peut-être nos enfants auront un futur. C’est pour eux, entendre ceux de tous, sans exception, que nous devons nous unir et nous battre. Comme tous les outils à notre disposition, le numérique est une arme à double tranchant. Dans la destruction comme dans la construction notre imagination est sans limite. Alors qu’est-ce qui nous retient d’agir ?

vendredi 19 décembre 2014

Atom Egoyan captif de la critique


Après l'avoir encensé, la presse se déchaîne contre le cinéaste canadien Atom Egoyan sans que j'en comprenne les raisons. Reprocherait-on à l'indépendant d'avoir été récupéré par Hollywood ? La critique tant intello que populaire s'extasie pourtant devant les daubes on ne peut plus conventionnelles de Clint Eastwood ou Steven Spielberg. Après une huitaine de films quasi cultes (Next of Kin, Family Viewing, Speaking Parts, The Adjuster, Exotica, The Sweet Hereafter/De beaux lendemains, Felicia's Journey), Ararat avait marqué une charnière plus classique, défaut de presque tous les films revenant sur les origines arméniennes de leurs auteurs, avant qu'Atom Egoyan tourne des œuvres s'ouvrant au grand public. Where the Truth Lies/La Vérité nue, Adoration, Chloé, Devil's Knot ont subi un lynchage médiatique systématique, d'autant que les journalistes ont la fâcheuse tendance à se copier les uns les autres.
Pourtant on retrouve dans chacun les obsessions et fantasmes du réalisateur, des histoires glauques de famille qui ne ressemblent pas à l'homme charmant qui les réalise. Il nous renvoie ainsi à nos propres zones d'ombre que nous espérons maîtriser pour ne jamais céder au passage à l'acte. Le cinéma s'autorise la catastrophe dans ses projections identificatrices tandis que le réel est supposé respecter le cadre, moral et partagé. Les ressorts psychologiques ambigus, les jeux de miroir et les chausse-trapes qu'il cultive gênent forcément les consciences. Le seul élément qui me froisse dans tous ses films est la musique hollywoodienne illustrative qui les banalise alors que son absence ou un traitement sonore distancié renforceraient le style personnel de leur auteur ; mais cela personne ne l'évoque, vu que cette redondance balourde est justement le point commun, voire la signature, de tout le cinéma américain mainstream et de ses clones européens.
Where the Truth Lies/La Vérité nue est un excellent polar sulfureux où l'on retrouve le voyeurisme et la perversion avec une critique féroce du monde de la télévision. Adoration joue encore sur le mensonge. Autre piège, Chloe est un remake de Nathalie d'Anne Fontaine, pour une fois plus réussi que l'original, grâce à quantité de petits détails du scénario de cette œuvre de commande. Alors c'est peut-être là que va se nicher le quiproquo : Egoyan "cède" à la commande, fuite en avant de tous les artistes qui connaissent le prix de l'attente ou de l'absence. Il met encore en scène nombreux opéras sans prendre de pause. Egoyan s'accapare pourtant chaque fois le sujet en cherchant le bon angle, d'où il regarde le monde de faux-semblants qui nous anime, celui du quotidien que les us et coutumes nous imposent et, pire, celui du cinéma par excellence. Devil's Knot, sur le thème de l'enlèvement d'enfants, peut être regardé comme le coup d'essai de son suivant et dernier long métrage, Captives, plus massacré que jamais par la presse qui le compare bêtement à Prisoners de Denis Villeneuve. Mais cette fois aucun pathos ne vient encombrer le film. L'action est plus clinique que jamais, sans les alibis psychologiques qui justifieraient les actes les plus odieux. L'injustice est flagrante. Le film sort en France le 5 janvier 2015.


Contrairement à ce qui a été écrit, Captives n'a rien à voir non plus avec l'affaire Natascha Kampusch. Le thriller joue des strates du temps sans s'alourdir d'effets appuyés pour signifier les flashbacks ou forwards. Ces aller et retours nous perdent certes, mais on n'est pas dans un film français où tout est expliqué dès les premières images. Atom Egoyan nous évite les scènes pénibles dont le cinéma est aujourd'hui friand. S'il les suggère il n'en donne pas le moindre détail, pas la moindre piste que celle sur laquelle chaque spectateur glissera selon son niveau de conscience ou guidé par son inconscient. La machine perverse est parfaitement huilée, s'appuyant sur une technologie que le hacker de base saurait hélas faire fonctionner. Les justifications psychologiques évacuées, cela peut déplaire aux critiques lourdingues voulant trouver explication à tout. Une œuvre est pourtant déterminée par les questions qu'elle suscite. Dans ce paysage froid et enneigé seule la culpabilité a droit de cité, même si ceux qui la portent n'y sont pour rien. N'avez-vous jamais laissé votre enfant seul deux minutes sur la banquette arrière ? Encore une fois, si l'on pouvait regarder Captives sans le sirop symphonique qui le dilue je suis certain que son originalité sauterait au visage. Comme dans d'autres films d'Egoyan les écrans sont des fenêtres vers un ailleurs dont nous sommes incapables de voir qu'il est notre présent. Captives nous fait fondamentalement réfléchir aux mouchards que nous avons innocemment installés chez nous, à notre incapacité de comprendre le crime, à l'amour que nous portons aux êtres proches, à notre complicité avec ce que l'on nous sert comme immuable... De quoi déranger plus d'un critique qui ne peut comprendre que le dogme. Atom Egoyan, même dans ses films hollywoodiens, reste un hors-la-loi.

jeudi 18 décembre 2014

Numéro 3000


Et si je m'octroyais une pause (toute relative !), histoire de fêter le 3000ème billet de mon blog sur drame.org. Avec les machines connectées on se souvient plus facilement des anniversaires, même si c'est le lendemain. C'était donc hier et également le 1083ème depuis que le blog est en miroir sur Mediapart. En marge de la musique et de toutes mes activités artistiques, l'écriture quotidienne est une discipline prenante, d'autant que je dois composer avec ma famille et mes amis, mes loisirs, le sommeil, les tâches ménagères et le temps nécessaire à prendre connaissance des sujets que j'effleure. Ajoutez à cela les articles que j'écris pour diverses revues, je ne sais plus m'arrêter. Il faudrait pourtant que je parte en vacances, loin d'Internet, dans un pays où l'on ne parle pas ma langue, exotique de préférence. J'accepterais avec joie une mission sur la planète Mars. À bon entendeur, salut !

mercredi 17 décembre 2014

Erreur de distribution dans la spatialisation sonore


Nous avions rendez-vous au Palais de Tokyo pour fêter la sortie des GRM Tools Spaces, déclinaison de la célèbre application, cette fois dédiée à la spatialisation sonore, mais Françoise se trompant d'entrée s'est retrouvée à la soirée du Crédit Agricole. Elle dégustait des huîtres, du foie gras avec de la gelée de coing, un œuf aux truffes, un feuilleté d'escargot, cocktail des plus raffinés, tandis qu'en dessous, à la cave du Yoyo, nous attendaient des sandwichs bourratifs. Là-haut, un des dirigeants de la banque félicitait ses troupes en se gargarisant du succès de l'année 2014, prévoyant une année 2015 aussi radieuse. La crise est parfaitement ciblée !
En bas, organisée par l'INA en partenariat avec le magazine Trax, la présentation des GRM Tools par l'ingénieur Emmanuel Favreau, responsable des développements au GRM et plus particulièrement de cette application, fut à la hauteur de leur extraordinaire potentiel, malgré une sonorisation épouvantable. Comme souvent le niveau sonore dépassa les limites de l'entendement, habitude absurde qui rendrait aphone quiconque aurait envie d'échanger le moindre propos avec son voisin ou sa voisine. Ainsi le brouhaha du public essayant de parler avant le concert sur la musique enregistrée ne faiblit pas lorsque c'est le tour des musiciens. Quatre petits sets se succédèrent malgré tout, alternant le meilleur et le pire. Edward Perraud ritualisa sa prestation solo à la batterie (photo). Mimetic me laissa de glace. eRikm scratcha en virtuose quantité de matériaux. Arnaud Rebotini écrabouilla au marteau pilon militaire le jeu électroacoustique de Christain Zanési.
Je désertai la fête après que Jean-Michel Jarre, dont la carrière peut se résumer à 80 millions d'albums vendus, eut reçu un prix offert par l'INA dont l'humour est à souligner puisqu'il s'agit d'un iPad avec dessus enregistrées 30 heures de documents télévisés sur le grand homme dont nombreuses remises de prix à l'intéressé. La séquence où l'usurpateur se vante d'être le premier compositeur à pouvoir sculpter le son n'est pas piquée des vers. Il encensa néanmoins son prétendu maître Pierre Schaeffer qui se retournerait dans sa tombe à l'écoute de tant de louanges, incompatibles avec la réalité musicale des uns et des autres. La suite de la soirée se continua sans nous avec deux DJ, probablement plus technos que concrets. Il y a un écueil infranchissable entre les discours et les déclarations d'intention, et de l'autre côté les démonstrations binaires sur le mode "enfoncez-vous bien ça dans la tête". Dommage que l'INA-GRM ne s'adresse pas à des créateurs électros ou autres, dont l'invention est l'égale des générations de chercheurs qui les ont précédés ! Mais peut-être est-ce l'incompétence des techniciens sonores malgré la qualité du système Nexo qui est la principale responsable de la bouillie avec sub-basses incorporées dont le public est victime dans son apathie léthargique ?
Vraiment dommage, parce que les GRM Tools Spaces méritaient franchement mieux, prêts à fragmenter et disperser les sons, les filtrer et les retarder dans l'espace multicanal, sans compter ses déclinaisons antérieures permettant le morphing, le vocodeur évolutif, les décalages de filtres, les glissandi de timbre, le noising, le tout en temps réel...
Dehors les fumeurs de la banque digéraient leurs boni de fin d'année. Lorsque nous sommes arrivés à la maison Bruno Letort diffusait en différé sur France Musique des extraits de la soirée au Yoyo, sans les décibels ni le tonneau de basses...

mardi 16 décembre 2014

Le cinéma forain, tradition séculaire


Quelle différence y a-t-il entre un film d'auteur (référence au 7ème Art) et un film de distraction (ce que les Américains appellent entertainment) ? Le premier se préoccupe essentiellement de traduire sa pensée pour réaliser une œuvre intègre, le second projette les attentes du public pour lui plaire. Entre ces deux extrêmes se déploient en éventail toutes les nuances, le cinéma étant un mode d'expression et une industrie extrêmement onéreuse. Un film comme Detetective Dee II, la légende du Dragon des mers ayant coûté un milliard à ses producteurs, comment imaginer ne pas rentrer dans ses fonds ? La question de l'argent est incontournable quel que soit le budget. Certains cinéastes ont choisi de tourner exclusivement avec des petits moyens pour rester libres sans trop de pressions économiques. Il n'empêche, ça coûte cher et plus ça coûte, plus les pressions sont fortes.

Il y a quarante ans cet enjeu m'a fait bifurquer vers la musique, mon indépendance me semblant alors la condition sine qua non pour que mes rêves prennent corps. Ma compagne cinéaste incarne ce que je voulais être lorsque je suis sorti de l'Idhec (reconditionnée en Femis par le pouvoir pour des raisons politiques et économiques !) et la raison pour laquelle je ne l'ai pas fait (elle tourne un long métrage tous les quatre ans, ce qui ne peut correspondre avec mes aspirations). Cet exemple est pour moi déterminant et j'y pense tous les matins en me levant avec entrain pour filer travailler. Même siffler sous la douche est jouer de la musique ! Mais au cinéma comme en architecture le plan n'est pas le territoire, et j'ai rencontré trop de réalisateurs malheureux, et non des moindres.

Ce n'est pas le cas de Tsui Hark qui a réussi à tourner une quarantaine de films répondant à l'attente d'un public avide de rêves et de sensations fortes. La série Il était une fois en Chine a remporté un succès considérable, et on lui doit aussi Shanghai Blues, Peking Opera Blues, Histoires de fantômes chinois, Le festin chinois et bien d'autres films où le cinéaste a toujours fait preuve d'invention et de virtuosité. Après une expérience aux États Unis qui ne lui a pas plu il est retourné à Hong Kong il y a quinze ans où il a réalisé Time and Tide... La suite explose sur l'écran avec à l'appui moult effets spéciaux et chorégraphies incroyables que seuls les Chinois savent maîtriser.


Détective Dee 2 : La Légende du Dragon des mers, son dernier opus, sorti en DVD/Blu-Ray/3D chez Wild Side, préquelle du précédent Détective Dee : Le Mystère de la flamme fantôme aussi flamboyant, est un conte taribiscoté, bourré d'intrigues, et dont le spectacle rivalise avec les meilleures attractions de foire. Car si le cinéma d'art et essai fait réfléchir celui de grand spectacle délasse et nous fait oublier les duretés du quotidien. En fonction des moments n'avons-nous pas besoin et de l'un et de l'autre ? La frontière n'est pas forcément si tranchée, mais il est intéressant de se souvenir que le cinéma est né dans les foires et qu'il est sain que parfois il y retourne. Un film comme celui-ci vaut toutes les montagnes russes, certes sans provoquer les mouvements intestinaux que recherchent les amateurs d'émotions fortes. Détective Dee 2 : La Légende du Dragon des mers nous renvoie à l'enfance où nous rêvions plaies et bosses, mais aussi romances à deux sous et énigmes policières. Calibré pour répondre à ces exigences délicieusement régressives, le film de Tsui Hark est un feu d'artifices où les monstres s'apprivoisent, un cheval galope sous la mer, les guerriers s'envolent, le tout avec une grâce de patineurs. Le cinéaste hong-kongais dessine et mime tous ses plans, imaginant de film en film de nouvelles figures. L'happy end est de rigueur, les gentils roturiers triomphant des vils revanchards, la noblesse restant épargnée malgré son cynisme calculateur et son pouvoir aveugle, car c'est tout de même bien l'argent qui règne ici en maître, sur l'écran et derrière.

lundi 15 décembre 2014

Mon Top 5 des années 70 sur Superfly


Pour le Blog de Superfly Records, Jacques Denis ma demandé "mon Top 5 des années 70 autour du jazz, etc. des années 70 en France". Superfly est à la fois un magasin et un label de réédition de vinyles introuvables, plutôt orienté vers le jazz et la soul, l'Afrique et les Amériques. Je me suis donc prêté au jeu pour suggérer 5 disques qui m'ont marqué personnellement et faire écouter un morceau de chacun d'eux. Ayant écrit le texte en anglais comme il était stipulé, je vous en livre ma traduction en vous renvoyant au site de Superfly pour en savourer la musique. Jacques Denis s'est chargé de récupérer les images de leurs pochettes. Je lui ai précisé que les cinq pièces devaient être présentées dans cet ordre.

Michel Magne "Carillon dans l’eau bouillante"
J'avais 7 ans en 1959 lorsque j'ai découvert Musique Tachiste de Michel Magne, compositeur de musiques de films inventif qui avait demandé à Sempé d'illustrer chaque pièce sur le livret inséré dans la pochette. Ce vinyle marque peut-être le début de ma vocation, un mix entre bruits, électronique et orchestre évoquant chaque fois une histoire.
Catherine Ribeiro "Âme debout"
En 1971 Brigitte Fontaine, Colette Magny et Catherine Ribeiro étaient nos mères de l'invention (Mothers of Invention dans le texte). Dans ce disque je suis également touché par la présence de mon ami disparu Claude Thiébaut qui joue du percuphone, un instrument créé par Patrice Moullet. J'ai toujours joué d'instruments auxquels personne d'autre n'avait recours.
Jacques Thollot "Cécile"
Mort récemment, Jacques Thollot n'est pas seulement un grand batteur, c'était aussi un compositeur très original. J'adore la culture encyclopédique qu'il insuffle à son travail. En France le jazz ne veut rien dire parce qu'il ne swingue pas (it don't mean a thing 'cause it ain't got that swing, référence à un morceau de Duke Ellington sur des paroles de Irving Mills), mais quoi que ce soit de vivant et d'inventif, en relation avec l'improvisation et les traditions européennes, peut être appelé du jazz!
Colette Magny "Répression"
Un de mes tubes favoris de 1971. Années d'or pour la révolution, dans tous les sens imaginables. J'ai eu la chance d'enregistrer et jouer avec Colette il y a vingt ans. Son humour était épatant et sur scène elle possédait un naturel que j'essaie d'adopter autant que possible. Ici Beb Guérin et Barre Phillips étaient tous deux à la contrebasse.
Ilhan Mimaroglu "Tract: A Composition Of Agitprop Music For Electromagnetic Tape Part II"
Une longue pièce pour terminer ce Top 5 de mes jeunes débuts. Même année. Partiellement composée et enregistrée à l'American Center, boulevard Raspail à Paris, un endroit où nous avions l'habitude de nous rendre sans savoir ce qui s'y passait. Jazzmen, rockers, poètes faisaient continuellement des performances. Un Drame Musical Instantané y donna son premier concert. Bakounine, Brecht, Marx, etc. figurent dans le miroir parfait de cette époque.

samedi 13 décembre 2014

Birgé-Edsjö-Lyregaard sur France Musique à 23h


Ce soir samedi à 23h est diffusé notre concert en trio enregistré en public le 10 novembre dernier à Radio France pour l'émission d’Anne Montaron, « À l’improviste ». Je jouais en trio avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard et la percussionniste suédoise Linda Edsjö qui était essentiellement au vibraphone et au marimba. Mon instrument principal était cette fois le clavier, mais, comme on peut le voir sur les photos de Christian Taillemite qui en a publié 15 autres sur le site de CitizenJazz, je m'emparai également du Tenori-on et de machines virtuelles faites maison, d'une trompette à anche et d'un harmonica, de flûtes et guimbardes, d'un ballon de baudruche, etc.
Les cartes que nous avons tirées ce soir-là dans le jeu de Brian Eno et Peter Schmidt furent successivement : Servez-vous d'une couleur inacceptable / Coupez une connexion vitale / Acceptez un conseil / Résistez ouvertement au changement / Plus sensuel / Faites une liste exhaustive de tout ce que vous aimeriez réaliser et faites la dernière / À quoi pensez-vous réellement là maintenant, intégrez / N'ayez pas peur des clichés / Oubliez tout ce qui a été joué précédemment.
Quelques jours plus tard nous jouions le même spectacle intitulé Un coup de dés jamais n'abolira le hasard à l'Atelier du Plateau où les spectateurs tirèrent évidemment des cartes complètement différentes.
Si vous êtes dans l'impossibilité de suivre ce soir la retransmission sur France Musique, sachez que le concert est en podcast audio et vidéo pendant un an sur leur site.

Photo © Christian Taillemite

vendredi 12 décembre 2014

Un Drame Musical Instantané ce soir à Montreuil en sextet


Pas trois, mais six ! Nous serons bien six ce soir au Studio Berthelot à Montreuil. Edward Perraud souffrant, le jeune batteur argentin encore peu connu Francisco Cosavella le remplace au pied levé. Pour Un drame musical instantané que rêver de mieux ?
À l'issue de l'Hommage à Bernard Vitet organisé à La Java l'an passé, avec Francis Gorgé nous regrettions de n'avoir pas pris le temps de jouer ensemble. Hélène Sage, retenue à Toulouse, n'avait pu non plus nous rejoindre. Rendez-vous fut pris pour reformer Un Drame Musical Instantané au moins le temps d'un concert.
Lors de sa création en 1976 Bernard, qui avait 18 ans de plus que nous, répétait que les "vieux" de son âge lui flanquaient les moules. Il évoquait les coquillages incrustés sur les flancs des étraves qui les empêchent de fendre les flots. Histoire de perpétuer les traditions familiales, nous avons invité les jeunes Antonin-Tri Hoang, sax alto et clarinette basse, et Francisco Cossavella, batterie et électronique... Autre fidélité, cette fois à la musique française et ses ramifications symphoniques se concrétisant par un appétit inextinguible pour les cordes, nous serons rejoints par la violoncelliste Hélène Bass qui participa à la création de notre grand orchestre en 1981 dans ce même Théâtre Berthelot, là où Méliès tourna certaines de ses illusions cinématographiques.
Comme fil conducteur de la soirée, la discographie du Drame était tout indiquée puisqu'elle marque de manière indélébile notre histoire. Pas question de la figer pour autant dans le passé. Nous sommes trop attachés à ce quotidien qui se renouvelle sans cesse. Les titres et la couleur de chaque album deviennent le thème de nos improvisations, terme que nous avons rejeté depuis nos débuts pour lui préférer le concept de composition instantanée en opposition à composition préalable. Cela n'empêchera pas Hélène Sage de chanter Baudelaire et Duparc, ou Carton, chansons qui nous rappellent l'ami disparu. Francis Gorgé, avec qui je fis mon premier concert au Lycée Claude Bernard début 1971, accompagnera Hélène à la guitare. L'entr'acte marquera la coupure entre la période vinyle et l'ère numérique. Si nous n'avons jamais joué deux fois le même concert, nous prenions chaque fois un an pour soigner nos albums comme de petits joyaux, disques-concepts et objets peaufinés jusqu'en leurs moindres détails.
Pour mes lecteurs voici donc en exclusivité le programme des réjouissances que seuls les titres peuvent laisser imaginer : Trop d'adrénaline nuit, Rideau !, À travail égal salaire égal, Les bons contes font les bons amis, L'homme à la caméra, Carnage / L'hallali, Sous les mers, Qui vive ?, Kind Lieder, Urgent Meeting...

ENTRÉE LIBRE SUR RÉSERVATION 20h30
Programme complet de la Semaine du Bizarre
Théâtre Municipal Berthelot, 6 rue Marcellin Berthelot, 93100 Montreuil - Métro : Croix de Chavaux - Tel. : 01 41 72 10 35

jeudi 11 décembre 2014

Sur quels bûchers flamberont-ils ?


La polémique actuelle sur les cheminées qui enflamme la presse et les usagers me pousse à sortir du bois. La maire de Paris promeut un arrêté préfectoral interdisant au 1er janvier 2015 les cheminées à foyer ouvert en Île-de-France et la ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie s'y oppose. La querelle de clochers fera certainement long feu, mais elle a le mérite de soulever des questions brûlantes sur la pollution de l'air et les intérêts en jeu. Que Choisir, s'alignant sur les chiffres de AirParif, doute sérieusement des chiffres avancés par le rapport du programme européen Carbosol chargé d'étudier la pollution particulaire en composés carbonés en Europe, et coordonné par le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE, CNRS / Université Grenoble 1). On connaît la puissance des lobbys à Bruxelles et les catastrophes qui en découlent. L'association de consommateurs, d'usagers, de contribuables et de défense de l'environnement joue-t-elle avec le feu ou soulève-t-elle un lièvre sans le nommer ? J'en mettrais ma main au feu, il y a anguille sous roche dans toute cette histoire.
Car si les cheminées peuvent être construites soi-même et si les bûches sont vendues par les sylviculteurs, il s'agit d'artisanat là où l'industrie a tout intérêt à cette interdiction brutale. En effet à qui profite l'obligation de transformer son âtre en insert et à utiliser des granulés ? À TOTAL, tiens donc, gigantesque pollueur planétaire !
Notons que si le bilan environnemental du granulé est meilleur que celui des charbon, pétrole et gaz, il est légèrement moins bon que celui de la bûche, car la production (et le conditionnement en sacs plastique) du granulé consomme plus d'énergie que celle d'une bûche, ceci étant à pondérer par le fait que les granulés peuvent « valoriser » des déchets de bois qui seraient de toute façon produits. En plus il nécessite d'être alimenté en électricité pour fonctionner.
Cela me rappelle les promoteurs de l'énergie solaire qui omettent de raconter comment sont produites les cellules photo-voltaïques et que cet équipement onéreux fonctionne avec des batteries à l'acide ! Ou encore la campagne écologique imposant les ampoules électriques économiques qui se sont avérées plus nocives que n'importe quoi, plus fragiles et quatre fois plus chères. On m'a même vendu il y a quatre ans une automobile "verte" qui roule au diesel ! Les profiteurs font feu de tout bois.
Jean-Yves rappelle qu'il existe une loi, votée juste après-guerre, qui interdit à un bailleur de louer un logement non muni d'un boisseau de cheminée en état de fonctionner, afin que chacun puisse se chauffer en cas de pénurie, guerre, ou catastrophe naturelle. J'ai moi-même été sauvé ainsi lors de coupures de courant qui ont duré plusieurs jours par moins 15. Peu appliquée, cette loi est pourtant toujours en vigueur. Question Préalable de Constitutionnalité ou du moins conflit législatif ?
Combien y a-t-il réellement de cheminées en activité à Paris ? Nous consommons trois ou quatre stères par an. Où les stocker lorsque l'on vit en appartement ? Combien de vos amis profitent de cette convivialité ancestrale ? Il y a certes plus de barbecues en banlieue qu'intra-muros. Cuire des sardines au feu de bois évite que les mauvaises odeurs se répandent dans la maison et c'est tellement meilleur. On nous pousse à regarder les flammes derrière une vitre à l'instar de la télévision ?! Lorsque l'on voit comment l'industrie a zigouillé la planète on essaie de nous faire croire que nous sommes des monstres avec nos particules fines. De qui se moque-t-on ? On avait déjà essayé d'interdire le purin d'ortie. Kokopelli est accusé de diffuser des espèces rares de légumes et de fruits sans les autorisations obligatoires. Les grands groupes industriels font tout ce qu'ils peuvent pour faire passer des lois qui empêchent toute initiative individuelle en nous bourrant le mou de chiffres et d'études réalisées par des laboratoires dont l'indépendance s'avère plus que douteuse. À qui ces lois profitent-elles ? Qui sont ces donneurs de leçon ? Cette polémique ne serait qu'un effet de fumée pour camoufler les hors-la-loi professionnels à grande échelle que je n'en serais pas étonné...

mercredi 10 décembre 2014

En Blu-Ray : Welles, Godard, Cimino, Gans


J'avais reçu plusieurs films en Blu-Ray, mais la FreeBox refusait catégoriquement de les lire. Je me suis donc fendu d'une nouvelle platine qui lit aussi les DVD et que je pourrai à l'occasion faire dézoner pour regarder ceux achetés en Amérique ou en Asie. Cette opération ne fonctionne hélas pas pour les Blu-Ray, mais comme pour l'instant les miens viennent seulement d'éditeurs français le problème ne se pose pas encore. J'en ai profité pour changer d'ampli, toutes mes connexions se faisant dorénavant en HDMI, ce qui simplifie considérablement l'enchevêtrement de fils. Tout serait si simple si les fabricants de matériel annonçaient la couleur, celle de l'argent évidemment : un lecteur Blu-Ray connecté en HDMI ne peut lire que du 16/9, ce qui signifie que les DVD au format 4/3 sont anamorphosés et que le vidéoprojecteur refuse la commutation. Je suis donc obligé de conserver mon vieux lecteur DVD (connecté en Vidéo, S-Vidéo ou composite) si je veux continuer à regarder l'intégralité de ma cinémathèque, en particulier les films d'avant l'époque où le 16/9 s'est imposé comme unique standard... Je ne suis pas pour autant convaincu par le Blu-Ray lorsqu'il s'agit de films antérieurs à ce formatage commercial. Comme toujours la qualité d'un film ne dépend pas de la technique, et la technique dépend du soin qu'on y a mis. Les tests sont donc variables. Au moins, à défaut de vraiment mieux, ce n'est pas pire, c'est déjà ça ! Asseyons-nous donc confortablement pour admirer quelques perles reçues ces dernières semaines...


Carlotta réédite les chefs d'œuvre Macbeth et Othello d'Orson Welles dans des éditions généreuses. Le premier est un double Blu-Ray avec les versions originale de 1948 (119 mn) et remontée de 1950 (85 mn). L'accent écossais fut remplacé, les bruitages élagués, la musique coupaillée pour tenter de surmonter l'échec commercial de la sortie initiale. Rien n'y fit. Welles continuera à subir les camouflets toute sa vie. Seul Citizen Kane fut un réel succès. Les bonus sont exceptionnels : comparaison des deux versions, relation à Shakespeare, analyse du décor avec croquis et illustrations de Welles, de la musique de Jacques Ibert et du son, de l'image, entretien avec Stuart Seide, quelques minutes du Macbeth vaudou monté par le cinéaste avec des acteurs afro-américains, enregistrement discographique de 1940 avec les acteurs du Mercury Theatre, et un supplément absent de la version 3 DVD que je possédais déjà, une lecture personnelle et passionnée du film par Denis Lavant.

Même qualité de restauration pour Othello avec la version officielle de 1992 sortie également l'an passé au cinéma (article du blog). En bonus : entretien fleuve avec l'historien Joseph McBride et Return to Glennascaul court-métrage de 1951 de Hilton Edwards avec Welles. Dans les deux films d'Orson Welles, chaque cadre est pensé, cohérent avec le sens du récit. On est très loin des histoires platement racontées que le cinéma propose aujourd'hui, formaté par les conventions hollywoodiennes et faussement réalistes. Tout est à réinventer si l'exigence cinéphilique ne veut pas se dissoudre dans la banalité.


Il faut voir et entendre le travail expérimental de Jean-Luc Godard sur Adieu au langage pour comprendre que rien n'est figé, tout peut être remis en question. De la 3D au 5.1, Jean-Luc Godard interroge le médium et s'en moque, brisant les tabous techniques pour que d'autres cinéastes puissent s'en emparer. C'est superbe et cochon, parfois ennuyeux et toujours passionnant. L'octogénaire suisse a beau radoter, il est plus réveillé que la plupart de ses contemporains. À suivre, pour l'exemple... Donc surtout à ne pas suivre, mais s'en inspirer pour jeter aux orties les mauvaises habitudes des faiseurs de films qui rabâchent les logorrhées musicales pontifiantes et redondantes, les portraits convenus, les montages plan-plan et les images de cartes postales kitchissimes !

Toujours en Blu-Ray, même si tous ces films sont également disponibles en DVD, Thunderbolt and Lightfoot que la traduction française condamne en l'appelant Le canardeur. Thriller plein d'humour, road movie au travers des grands espaces du Montana, le premier film de Michael Cimino est une petite merveille de 1974 restaurée en 2K. Le cinéaste pastiche la renommée de Clint Eastwood qui vient de faire un carton avec Magnum Force et laisse faire ses premières armes à l'épatant Jeff Bridges. Là encore l'édition discographique offre des suppléments formidables invisibles en salles : entretien avec Cimino expliquant son intérêt primordial pour les personnages avant d'entamer la rédaction du récit et une analyse de Jean Douchet.


Necronomicon de Christophe Gans, Shu Kaneko et Brian Yuzna justifie plus sûrement le nouveau support, à l'image de ce qui se tourne aujourd'hui. Ce film d'épouvante de 1993 présente trois histoires fantastiques de H.P. Lovecraft filmées par chacun des trois. Un DVD rempli à ras bord de suppléments accompagne le Blu-Ray. J'avais oublié que j'avais contribué à son film de promotion lorsque Christophe Gans était étudiant à l'IDHEC. Je joue en effet du synthétiseur sur Silver Slime et le livret de Necronomicon reproduit un petit texte que j'ai écrit en souvenir de ce jeune homme passionné, fondateur de HK Magazine, qui réussira à donner corps à ses rêves : « En sortant de l'Idhec, en 1975, je trouvai illico un poste de second assistant réalisateur sur un film de Jean Rollin, Lèvres de sang. J'ai une tendresse particulière pour ce film puisqu'il marqua mon entrée dans le métier et que j'y tiens un petit rôle, très chaste, le temps de deux plans. En 1979, à 27 ans, déjà enseignant à l’IDHEC, en charge de l'initiation à la partition sonore, je deviens responsable des étudiants de première année. Je me souviens avoir croisé Christophe Gans un jour dans les couloirs. Il me demande si c'est moi qui joue dans Suce-moi, vampire. Je reste interloqué car j'ignore tout de ce film. Il m'explique que c'est la version hard de Lèvres de sang. J'éclate de rire et je lui raconte mes aventures avec Jean Rollin. Christophe Gans me parle alors de son engouement pour les films de série B ou Z avec une telle passion que je le "protégerai" ensuite du monde un peu borné de l'IDHEC. Il était évidemment atypique parmi ses congénères plus portés sur les grands cinéastes ou la Nouvelle Vague. J'étais moi-même plus proche de Godard ou Buñuel que des films de kung-fu ou des peplums italiens ! Rien de surprenant donc à ce qu'il m'ait demandé de jouer du synthétiseur sur son film de promo, Christophe est probablement venu me voir chez moi pour que j'enregistre les coups de tonnerre au début et à la fin du film. Son film est nettement plus sympa que nombreux trucs prétentieux qui continuent à se tourner à la Femis. Il n'a pas essayé de composer une carte de visite, mais il s'en est simplement donné à cœur joie en faisant ce dont il rêvait. À la sortie de son premier long-métrage je me souviens avoir été heureux de constater qu'il avait continué dans la voie qu'il avait choisie depuis le début sans céder aux pressions formatives de la profession. Vivre sa passion, quoi de mieux ? Sauf que c'est un métier difficile où les cinéastes morflent toute leur vie ;-)

Macbeth et Othello, coffret Blu-Ray et DVD, ed. Carlotta, 40,11 €
Adieu au langage, Blu-Ray et DVD, ed. Wild Side, 19,99 €
Le canardeur, Blu-Ray et DVD, ed. Carlotta, 20,06 €
Necromicon, Blu-Ray, ed. Metropolitan, 19,71 €

mardi 9 décembre 2014

Le livre des symboles, réflexions sur des images archétypales


Évitant de m'y prendre au dernier moment, j'ai déjà fait presque tous mes achats de Noël. Plusieurs membres de la famille étant attachés à ces traditions et quitte à engraisser les commerçants, je choisis de faire des cadeaux qui font sens. Le présent est toujours un pont entre deux personnes. Comment faire plaisir tout en ouvrant des portes ou repoussant les murs de nos espaces désirants ? Je me creuse, arpente les boutiques et l'écran. Sûr de mon choix, il m'est arrivé de faire deux fois le même cadeau à la même personne. La honte, mais aussi la certitude que c'était bien visé ! Flânant dans les librairies je vois nombre de bouquins qui me font envie. Il est probable que je n'offre d'ailleurs que des choses que j'aurais aimé qu'on m'offrisse. Du moins, si j'étais une jeune fille, une vieille dame ou un enfant ! De temps en temps je craque et je me fais un cadeau de Noël. Ces derniers temps j'ai ainsi acquis des petites enceintes Bluetooth autonomes intégrant un lecteur de mini-carte USB (parfaites pour une installation, par exemple), un assortiment de chaussettes de toutes les couleurs, des casseroles à fond de pierre et un gros livre illustré que j'avais offert à une amie et qui me faisait envie depuis.
Le livre des symboles, réflexions sur des images archétypales est un guide de 800 pages destiné "aux thérapeutes, aux artistes, aux historiens de l'art et à tous les explorateurs de la vie intérieure" ! Cette plongée encyclopédique fouille les origines du sens que revêtent objets, entités vivantes et concepts existentiels. Des onglets marquent les grands chapitres : création et cosmos, le monde végétal, le monde animal, le monde humain, le monde spirituel. Le choix des images est superbe et les 350 essais nous apprennent quantité de choses oubliées que l'actualité occulte au détriment d'un savoir ancestral composé d'étymologie, de paradoxes, de jeux d'opposition et de voyages dans les terres lointaines. La psychologie, l’art, la religion, la littérature, la mythologie comparée alimentent ma curiosité. Cette somme où chaque article se lit comme un roman enrichit ma collection de dictionnaires, ouvertures sous des angles nouveaux des sujets qui m'occupent.

Le livre des symboles, ed. Taschen, 29,99 €

lundi 8 décembre 2014

Vol à contresens


Parti déposer un colis à la Poste des Lilas j'enfourche mon vélo, évitant deux piétons qui zigzaguent autour de la bouche de métro. De la poche du plus éloigné tombe une épaisse enveloppe entourée d'un élastique. Je crois reconnaître une liasse de billets verts. J'accélère pour rejoindre l'étourdi tout en demandant à l'autre passant de bien vouloir ramasser le paquet. Dix mètres plus loin et quelques secondes plus tard, devant la Mairie, j'explique au premier type qu'il a perdu quelque chose. Un peu ahuri il met du temps à comprendre. Je me retourne en lui expliquant que l'autre... Mais l'autre type a disparu. Depuis l'autre côté de la rue un déménageur me fait comprendre que le voleur s'est engouffré dans le métro. Mon vélo m'empêche de continuer ma course-poursuite. Peut-être que le pauvre gars qui m'explique que ce sont essentiellement ses papiers d'identité aura retrouvé le salopard d'après le portrait-robot que je lui en ai fait, mais j'en doute.
Les temps sont durs. Comment moraliser un paumé lorsqu'au plus haut niveau de l'État règne une bande d'escrocs ? Notre quotidien est façonné par les exemples que livre l'actualité. Menteurs cyniques, goinfres sans scrupules, cumulards bornés, trop de politicards calquent leurs ambitions vénales sur les financiers qui les ont soutenus. À un jeune chauffeur de taxi je demande quel est son but dans la vie ? Il me répond "gagner de l'argent". On ne devient pas riche, on le naît. Il prend la question à l'envers. La seule chance de s'en sortir pour un roturier est de développer sa passion. Au mieux cela finira par payer parce qu'il s'approchera de l'excellence, au pire il se sera épanoui en faisant ce qu'il aime.

vendredi 5 décembre 2014

Un Drame Musical Instantané, le grand retour !


Pour sa résurrection inespérée, UN DRAME MUSICAL INSTANTANÉ (1976-2008) a choisi le Théâtre Berthelot où notre grand orchestre était né il y a 33 ans ! Avec Francis Gorgé et Hélène Sage nous commémorerons une fois de plus la disparition de Bernard Vitet, en invitant des musiciens avec qui nous partageons le goût de l'invention et de l'inattendu. Il y aura des chansons et des compositions instantanées, des instruments étranges et comme toujours une mise en ondes théâtrale dansant d'un pied sur l'autre, entre réel et imaginaire, mélange d'acoustique et d'électronique, un espace de création où sont conviés tous les possibles. Une rencontre historique. De quoi en voir de toutes les couleurs !

Jean-Jacques Birgé - clavier, électronique
Francis Gorgé - guitares, électronique
Hélène Sage - flûtes, voix, idiophones
Antonin-Tri Hoang - sax alto, clarinette basse
Hélène Bass - violoncelle
Francisco Cosavella - batterie, électronique

Vendredi 12 décembre à 20h30
ENTRÉE LIBRE SUR RÉSERVATION
Programme complet de la Semaine du Bizarre
Théâtre Municipal Berthelot, 6 rue Marcellin Berthelot, 93100 Montreuil - Métro : Croix de Chavaux - Tel. : 01 41 72 10 35

jeudi 4 décembre 2014

A Hard Day's Night au cinéma, en Blu-ray, DVD et VOD


En filmant les Beatles pour A Hard Day's Night Richard Lester réalise un hommage au burlesque qui inaugurera toute une série de films incroyables. Il s'en donne à cœur joie avec ces quatre garçons dans le vent qui pastichent leurs propres rôles en se défoulant de la pression inimaginable que le succès leur impose. Lester multiplie les clins d'œil à Keaton, aux Marx Brothers, à Hellzapoppin et Peter Sellers avec qui il a déjà tourné. Sa docu-fiction possède la fraîcheur d'une fantaisie, entrecoupée de séquences musicales en play-back particulièrement exubérantes et entraînantes, les chansons lui conférant un statut de comédie musicale. La caméra danse dans un noir et blanc rock 'n roll que magnifie le montage rythmé à l'aube du Swinging London.
En plus d'une superbe restauration 4K et mixage 5.1, le DVD / BluRay que publie Carlotta offre 3 heures de suppléments passionnants : commentaires des Beatles eux-mêmes, making of, souvenirs de tournage, analyse du style, étonnante filmographie de Richard Lester, explications des références british qui nous échappent, séquence inédite de You Can't Do That, etc.


J'avais découvert A Hard Day's Night à sa sortie en 1964, dans une ville de province du sud de l'Angleterre, Salisbury. Dans la salle de cinéma bondée les filles hurlaient en s'arrachant les cheveux exactement comme dans le film, comme si les Beatles étaient là en chair et en os ! Fiction et documentaire s'interpénètrent jusqu'à déborder l'écran en envahissant l'orchestre et le balcon. Je n'ai jamais retrouvé une telle hystérie, sauf peut-être lorsque quelques années plus tard je fus en charge de George Harrison de passage à Paris après le concert auquel je participai avec lui chez Maxim's ! J'ai déjà raconté l'harmonium que l'on m'arracha des mains parce que je scandais Hare Krishna au lieu d'assurer sobrement le drône de rigueur, mais ce qui m'impressionna le plus vient des fans qui se couchèrent devant les quatre roues de la voiture pour empêcher le chauffeur de Harrison de démarrer. En Angleterre il y avait toujours deux longs métrages pour le prix d'un et ce n'est pas un hasard si le second film choisi en complément de programme était interprété par les délirants Three Stooges. L'humour anglais, absurde et corrosif, transformait John, Paul, George et Ringo en personnages de dessin animé. C'est ce qu'ils deviendront avec Yellow Submarine, mais avant cela, Lester avec Help continuera de filmer, en couleurs cette fois, les délires des quatre garçons de Liverpool. Mais pas seulement...
Car A Hard Day's Night donne furieusement envie de voir ou revoir les films de la première période, délirante voire psychédélique, de Richard Lester : Le knack ou comment l'avoir (The Knack... and How to Get It), Le Forum en folie (A Funny Thing Happened on the Way to the Forum), Comment j'ai gagné la guerre (How I Won the War), Petulia, The Bed Sitting Room, Les Trois Mousquetaires (The Three Musketeers).

Sortie au cinéma et en Blu-ray, DVD et VOD le 10 décembre 2014

mercredi 3 décembre 2014

Chants de la résistance actuelle en Bretagne


La résistance est une constante bretonne. Face à la centralisation ségrégationniste, aux catastrophiques politiques agricoles successives, au désarmement de la flotte de pêche, à la pollution de leurs côtes, à l'implantation nucléaire, à l'interdiction de leur langue, les Bretons ont une longue pratique de la révolte. Loin d'un folklore pétrifié, sa culture s'est renouvelée au gré de leurs insurrections. Lorsqu'elles évoquent le quotidien les paroles des chansons sont souvent critiques. Et la musique est celle de la fête, les fest-noz rassemblant toutes les générations dans une ambiance étonnante pour qui vient d'ailleurs.
Pour son cinquième album, Les vies que l'on mène, le Hamon Martin Quintet montre que les meilleures danses ont tout à gagner à porter des idées fortes et généreuses. À chanter les vers de Sylvain Girault (Katé-Mé, La Dame blanche) ils se sont radicalisés en écho du combat de Notre Dame des Landes (Zim Zoum Zad). L'auteur des Flamboyants et d'Addi Bâ dans les Chroniques de résistance du label nato signe presque toutes les paroles à côté de Marthe Vassalo, Boris Vian et Victor Hugo. Plus la société se désagrège sous les coups portés par une caste immorale et incompétente qui a confisqué le pouvoir et vendu l'État aux financiers, plus il devient nécessaire de s'en moquer et de retrouver le sens, du bon sens et du sens bon. Le Hamon Martin Quintet relève le défi avec humour et entrain.


Sur un rond de Loudéac, un contre-rond, une scottish ou une ridée traditionnels, Mathieu Hamon porte le chant gallo à pleine voix. Quand il n'adopte pas le kan ha diskan,son frère Erwan Hamon lui répond à la bombarde ou à la flûte dans une articulation parfaitement détachée. Ronan Pellen, neveu du guitariste Jacques Pellen, joue du cistre, sorte de grosse mandoline, et le Bigouden Erwan Volant est à la basse électrique. On connaissait déjà l'accordéon diatonique de Janick Martin par le formidable quartet de Jacky Molard. Ils sont parfois rejoints par le tabliste franco-indien Prabhu Edouard ou Girault qui a l'habitude de chanter. Tous galvanisent les énergies en colorant de rouge et de noir la blanche hermine. (Coop Breizh)

mardi 2 décembre 2014

L'essence, le sang et le sens


Aux auteurs des paroles des chansons du formidable disque Chroniques de résistance, son producteur Jean Rochard demande "Pour un artiste, que peux signifier le mot résistance aujourd'hui ?". Sur son excellent blog, dit le Glob, sont également publiés les témoignages de Serge Utgé Royo et Sylvain Girault. Le mien s'intitule L'essence, le sang et le sens :

Aucun artiste digne de ce nom ne peut accepter la loi sans l'interroger. Ce devoir n'est jamais un choix, mais une nécessité. De la société qui l'a engendré à la cellule familiale qui s'en est fait le relais, toutes entretiennent des tabous et des conventions qui sont autant de fondations névrotiques façonnant les individus pour qu'ils se conforment aux modèles fantasmatiques que semblent exiger l'ordre et la morale. Au monde inacceptable que le monstre social et politique à la solde d'intérêts économiques de quelques-uns engendre, les rebelles n'ont d'autre issue que d'en créer de nouveaux. Solidaires et organisés, conscients des dérives que le pouvoir impose par ses lois iniques et criminelles, certains choisissent l'insurrection. D'autres, trop sensibles et viscéralement souffrant de ce que l'absurdité leur impose, n'ont d'autre choix que de se réfugier dans des mondes intérieurs que leur imagination fertile fait naître et parfois exploser aux yeux et aux oreilles de leurs contemporains. Les deux ne sont pas incompatibles, même s'ils ne peuvent s'exprimer qu'en alternance : on peut à la fois agir au sein d'un mouvement d'ensemble et révéler son intime potentiel poétique. Il est probable que sans accès à une expression artistique l'homo artifex, incapable de taire ses pulsions rebelles ou de les dissimuler dans la clandestinité, aurait été poussé à des actions qui l'auraient entraîné vers l'internement ou la mort. Or l'art exprime avant tout le combat désespéré de la vie contre tout ce qui nous tue à petit feu depuis notre naissance.

Face aux dérives inacceptables imposées à la grande majorité des populations par quelques nantis cyniques et des fous suicidaires que le pouvoir a su rendre paranoïaques, face à l'exploitation de l'homme par l'homme et à l'appropriation de la totalité de la planète par cette caste manipulatrice, face à l'oppression quelle que soit sa forme, chaque individu a le devoir de se révolter. L'artiste résiste de manière subtile en usant de techniques circonlocutoires. Au lieu de viser le centre, il tourne autour. Appelons cela des révolutions. Cet art poétique est plus précis qu'aucune science prétendue exacte. Il est indémodable. Aucune date de péremption n’oblitère son objet, il est millésimé. Il peut prendre n'importe quelle forme, pourvu qu'on y reconnaisse la nécessité, car certains s'amusent hélas sans arrière-pensée. Il fait fi des modes qui ne sont que l'œuvre des marchands. Brecht affirmait qu'il n'existait ni forme ancienne, ni forme nouvelle, mais seulement la forme appropriée. Cocteau pensait que toute œuvre est une morale. À l'absurdité du monde, l'artiste répond par l'absurde. Plutôt que résister qui définit une réaction d'opposition l'artiste préférera le verbe créer qui se conjugue à tous les temps.

Aujourd'hui comme hier chaque individu a le devoir de s'opposer à ce qui se joue en sous-main, la mise en coupe réglée de la planète au détriment des peuples, de leurs différences et de tout ce qu'ils ont en commun, mais qu'ils combattent le plus souvent, confinés dans l'ignorance, montés les uns contre les autres. Si l'intelligence ne suffit pas à enrayer l'entropie, ils en viendront à retourner les armes contre leurs bourreaux. Les artistes, soutenus par leurs chants et leur enthousiasme, participeront aux barricades. On bricole comme on peut. Beaucoup mourront. Tout le monde meurt un jour. Si l'on peut vivre debout, on peut aussi mourir debout. La peur est mauvaise conseillère. L'artiste ne craint qu'une chose, que la mort survienne avant qu'il ait fini son œuvre. Or celle-ci ne lui appartient plus dès lors qu'il la livre à la communauté. Par là même, l'inachevé reste une constante incontournable, car seule l'interprétation de chacune et chacun confère à l'œuvre son statut définitif.

En conclusion à ce petit texte qui rend hommage aux résistants de toutes les époques et tous les continents, saluons les artistes qui ne désarment jamais, développant sans cesse de nouvelles utopies qui nous permettront peut-être de vivre un jour en harmonie les uns avec les autres et en accord avec le reste des espèces de la planète.

lundi 1 décembre 2014

Boum! esquissé au Salon du Livre de Jeunesse de Montreuil


Mikaël Cixous a conçu et réalisé Boum! (ex-Au boulot), roman graphique pour iPad dont je crée la partition sonore au fur et à mesure que les images me parviennent. C'est dire que je passe mon temps à revenir sur mes pas. Le son transforme le sens des images sans paroles en ouvrant la porte à des interprétations que nous n'avions pas toujours prévues. Work in progress, il ne sera terminé que le 1er avril, ce n'est pas une blague ! Il a reçu la Bourse Pollen du Livre de Jeunesse de Montreuil, raison pour laquelle nous le présentons aujourd'hui en l'état à un public de professionnels. On feuillette Boum! de gauche à droite, mais rien n'interdit de revenir en arrière. Comme pour les trois précédentes œuvres éditées par Les Inéditeurs, sa couverture sera interactive, mais nous n'avons pas encore la moindre idée de ce que ce sera.


Mon roman augmenté USA 1968 deux enfants était précédé d'un light-show avec un juke-box permettant à chaque utilisateur de recomposer aléatoirement le psychédélisme de ces années d'or en suivant la musique. L'oracle DigDeep de Sonia Cruchon, qui vient de sortir, commence par une plongée vertigineuse qui transforme la musique par les inclinaisons de la tablette. La boîte à papillons de La machine à rêves de Leonardo da Vinci, commande de La Cité des Sciences et de l'Industrie, offrait de choisir à quel rêve nous allions donner naissance pour découvrir le travail de Nicolas Clauss et moi-même, petits papiers sonorisés par un ensemble à cordes tombant dans une fente sur le bord de l'iPad. Sonia, Mikaël et moi avons participé à toutes ses aventures. Nicolas Buquet avait programmé Leonardo, relayé par Mathias Franck pour la suite.
La photographie et l'extrait vidéo ont été réalisés par les Designers Interactifs lors de la présentation des Inéditeurs à *di*/zaïn 18 décentralisé à l’Imaginarium de Tourcoing le 20 novembre dernier.