J'avais reçu plusieurs films en Blu-Ray, mais la FreeBox refusait catégoriquement de les lire. Je me suis donc fendu d'une nouvelle platine qui lit aussi les DVD et que je pourrai à l'occasion faire dézoner pour regarder ceux achetés en Amérique ou en Asie. Cette opération ne fonctionne hélas pas pour les Blu-Ray, mais comme pour l'instant les miens viennent seulement d'éditeurs français le problème ne se pose pas encore. J'en ai profité pour changer d'ampli, toutes mes connexions se faisant dorénavant en HDMI, ce qui simplifie considérablement l'enchevêtrement de fils. Tout serait si simple si les fabricants de matériel annonçaient la couleur, celle de l'argent évidemment : un lecteur Blu-Ray connecté en HDMI ne peut lire que du 16/9, ce qui signifie que les DVD au format 4/3 sont anamorphosés et que le vidéoprojecteur refuse la commutation. Je suis donc obligé de conserver mon vieux lecteur DVD (connecté en Vidéo, S-Vidéo ou composite) si je veux continuer à regarder l'intégralité de ma cinémathèque, en particulier les films d'avant l'époque où le 16/9 s'est imposé comme unique standard... Je ne suis pas pour autant convaincu par le Blu-Ray lorsqu'il s'agit de films antérieurs à ce formatage commercial. Comme toujours la qualité d'un film ne dépend pas de la technique, et la technique dépend du soin qu'on y a mis. Les tests sont donc variables. Au moins, à défaut de vraiment mieux, ce n'est pas pire, c'est déjà ça ! Asseyons-nous donc confortablement pour admirer quelques perles reçues ces dernières semaines...


Carlotta réédite les chefs d'œuvre Macbeth et Othello d'Orson Welles dans des éditions généreuses. Le premier est un double Blu-Ray avec les versions originale de 1948 (119 mn) et remontée de 1950 (85 mn). L'accent écossais fut remplacé, les bruitages élagués, la musique coupaillée pour tenter de surmonter l'échec commercial de la sortie initiale. Rien n'y fit. Welles continuera à subir les camouflets toute sa vie. Seul Citizen Kane fut un réel succès. Les bonus sont exceptionnels : comparaison des deux versions, relation à Shakespeare, analyse du décor avec croquis et illustrations de Welles, de la musique de Jacques Ibert et du son, de l'image, entretien avec Stuart Seide, quelques minutes du Macbeth vaudou monté par le cinéaste avec des acteurs afro-américains, enregistrement discographique de 1940 avec les acteurs du Mercury Theatre, et un supplément absent de la version 3 DVD que je possédais déjà, une lecture personnelle et passionnée du film par Denis Lavant.

Même qualité de restauration pour Othello avec la version officielle de 1992 sortie également l'an passé au cinéma (article du blog). En bonus : entretien fleuve avec l'historien Joseph McBride et Return to Glennascaul court-métrage de 1951 de Hilton Edwards avec Welles. Dans les deux films d'Orson Welles, chaque cadre est pensé, cohérent avec le sens du récit. On est très loin des histoires platement racontées que le cinéma propose aujourd'hui, formaté par les conventions hollywoodiennes et faussement réalistes. Tout est à réinventer si l'exigence cinéphilique ne veut pas se dissoudre dans la banalité.


Il faut voir et entendre le travail expérimental de Jean-Luc Godard sur Adieu au langage pour comprendre que rien n'est figé, tout peut être remis en question. De la 3D au 5.1, Jean-Luc Godard interroge le médium et s'en moque, brisant les tabous techniques pour que d'autres cinéastes puissent s'en emparer. C'est superbe et cochon, parfois ennuyeux et toujours passionnant. L'octogénaire suisse a beau radoter, il est plus réveillé que la plupart de ses contemporains. À suivre, pour l'exemple... Donc surtout à ne pas suivre, mais s'en inspirer pour jeter aux orties les mauvaises habitudes des faiseurs de films qui rabâchent les logorrhées musicales pontifiantes et redondantes, les portraits convenus, les montages plan-plan et les images de cartes postales kitchissimes !

Toujours en Blu-Ray, même si tous ces films sont également disponibles en DVD, Thunderbolt and Lightfoot que la traduction française condamne en l'appelant Le canardeur. Thriller plein d'humour, road movie au travers des grands espaces du Montana, le premier film de Michael Cimino est une petite merveille de 1974 restaurée en 2K. Le cinéaste pastiche la renommée de Clint Eastwood qui vient de faire un carton avec Magnum Force et laisse faire ses premières armes à l'épatant Jeff Bridges. Là encore l'édition discographique offre des suppléments formidables invisibles en salles : entretien avec Cimino expliquant son intérêt primordial pour les personnages avant d'entamer la rédaction du récit et une analyse de Jean Douchet.


Necronomicon de Christophe Gans, Shu Kaneko et Brian Yuzna justifie plus sûrement le nouveau support, à l'image de ce qui se tourne aujourd'hui. Ce film d'épouvante de 1993 présente trois histoires fantastiques de H.P. Lovecraft filmées par chacun des trois. Un DVD rempli à ras bord de suppléments accompagne le Blu-Ray. J'avais oublié que j'avais contribué à son film de promotion lorsque Christophe Gans était étudiant à l'IDHEC. Je joue en effet du synthétiseur sur Silver Slime et le livret de Necronomicon reproduit un petit texte que j'ai écrit en souvenir de ce jeune homme passionné, fondateur de HK Magazine, qui réussira à donner corps à ses rêves : « En sortant de l'Idhec, en 1975, je trouvai illico un poste de second assistant réalisateur sur un film de Jean Rollin, Lèvres de sang. J'ai une tendresse particulière pour ce film puisqu'il marqua mon entrée dans le métier et que j'y tiens un petit rôle, très chaste, le temps de deux plans. En 1979, à 27 ans, déjà enseignant à l’IDHEC, en charge de l'initiation à la partition sonore, je deviens responsable des étudiants de première année. Je me souviens avoir croisé Christophe Gans un jour dans les couloirs. Il me demande si c'est moi qui joue dans Suce-moi, vampire. Je reste interloqué car j'ignore tout de ce film. Il m'explique que c'est la version hard de Lèvres de sang. J'éclate de rire et je lui raconte mes aventures avec Jean Rollin. Christophe Gans me parle alors de son engouement pour les films de série B ou Z avec une telle passion que je le "protégerai" ensuite du monde un peu borné de l'IDHEC. Il était évidemment atypique parmi ses congénères plus portés sur les grands cinéastes ou la Nouvelle Vague. J'étais moi-même plus proche de Godard ou Buñuel que des films de kung-fu ou des peplums italiens ! Rien de surprenant donc à ce qu'il m'ait demandé de jouer du synthétiseur sur son film de promo, Christophe est probablement venu me voir chez moi pour que j'enregistre les coups de tonnerre au début et à la fin du film. Son film est nettement plus sympa que nombreux trucs prétentieux qui continuent à se tourner à la Femis. Il n'a pas essayé de composer une carte de visite, mais il s'en est simplement donné à cœur joie en faisant ce dont il rêvait. À la sortie de son premier long-métrage je me souviens avoir été heureux de constater qu'il avait continué dans la voie qu'il avait choisie depuis le début sans céder aux pressions formatives de la profession. Vivre sa passion, quoi de mieux ? Sauf que c'est un métier difficile où les cinéastes morflent toute leur vie ;-)

Macbeth et Othello, coffret Blu-Ray et DVD, ed. Carlotta, 40,11 €
Adieu au langage, Blu-Ray et DVD, ed. Wild Side, 19,99 €
Le canardeur, Blu-Ray et DVD, ed. Carlotta, 20,06 €
Necromicon, Blu-Ray, ed. Metropolitan, 19,71 €