Les analogies fleurissent sur les gravats de la cuisine. La comparer à Beyrouth est exagéré, d'abord parce que c'est censé durer seulement quelques jours, ensuite c'est ignorer les éclats d'obus qui vérolaient les façades comme un gruyère rassis. De plus, il pleuvait lorsque je suis arrivé dans la capitale libanaise et la boue qui colle aux semelles est très différente de la poussière sèche du ponçage. Depuis quinze ans j'avais réussi à repousser les tranchées et les coups de masse. C'était sans compter l'opiniâtreté de Françoise qui me travaille au corps depuis une décennie pour que nous aménagions différemment la cuisine. Tout a commencé par un passage au blanc du premier étage. J'espérais que ce traitement appliqué au rez-de-chaussée suffirait à calmer ma compagne. Que nenni ! Les toilettes martiennes où vivaient des Lilliputiens vert pomme sont transférées dans les archives pour bénéficier d'une fenêtre donnant sur l'allée des sorcières et le bar a sauté, agrandissant considérablement le séjour. Notre espace de création culinaire prend ses aises tout en accrochant la lumière. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Le plan de bataille du mobilier cuisine reste à établir. En attendant, nous nous sommes repliés vers les étages et le garage où nous avons installé un four micro-ondes. J'envoie ces notes depuis le camp retranché du studio de musique où Scotch a pris ses quartiers.