Depuis mardi matin Véolia a coupé l’eau du squat occupé par 160 Africains dans l’ancien local de Pôle-Emploi du 72 rue René Alazard à Bagnolet.
Le 14 avril la Justice leur avait accordé un nouveau suris de 3 mois, mais les techniques pour les déloger et les jeter à la rue sont très perverses. Le maire socialiste de Bagnolet Tony di Martino a signé l’arrêté précisant en petite ligne « Travaux de terrassement (suppression de prise en charge) » - c’est joliment dit - et les travaux étaient annoncés pouvant durer jusqu’au 13 mai. Personne ne s’est inquiété. Il n’aura fallu que deux heures à la société Véolia pour creuser un trou à côté du regard, couper le tuyau raccordant le bâtiment à l’arrivée d’eau et reboucher l’ignominie avec leurs grosses machines. Le soir-même, lors d’une réunion de quartier le maire de Bagnolet assurait en public ne pas être au courant (il avait pourtant signé, le 14 avril, le jour de leur passage au Tribunal, drôle de coïncidence !) et ses chargés de cabinet assurèrent que l’eau serait revenue le lendemain d’une manière ou d’une autre. Mais quand le soir fut venu l’eau ne l’était toujours pas.
Les Africains, dont j’ai parlé dans un précédent article, tous anciens travailleurs chassés par la guerre en Lybie, sont allés marcher jusqu’à la mairie où on leur a répondu que Véolia n’avait pas pu passer aujourd’hui parce qu’on lui avait barré le passage, or personne n’est venu, c’est un mensonge pur et simple. Mensonge de Véolia à qui le propriétaire du lieu, Natixis (si si, vous avez bien lu, Natixis), a commandé de couper l’eau selon son « droit » ou nouveau bobard de la mairie ? Allez savoir… Cette fois la mairie a promis devant l’assemblée des jeunes hommes en colère que Véolia viendrait remettre l’eau entre 11h et 13h30 aujourd'hui jeudi et qu’après nouveaux travaux l’eau serait rendue aux Baras dernier délai à 16h30.
À 200 mètres de la Porte des Lilas 160 hommes sont privés d’eau depuis près de 48 heures. Ils savent tous, d’un côté comme de l’autre, que l’eau c’est la vie. Il leur est arrivé d’en manquer, dans leurs pays en période de sécheresse, dans l’embarcation qui les mena jusqu’à Lampedusa pendant un voyage de cinq jours dont ils sortirent indemnes grâce aux dauphins qui leur montrèrent le chemin vers la terre (ce n’est pas une image, c’est la réalité), mais que dans un pays civilisé comme le nôtre on leur coupe sciemment le tuyau qui les raccorde à la vie, ils ne peuvent le concevoir.

Photo : Laurent Jamet