Il fut un temps où les accordéonistes rasaient les murs. L''industrie pop anglo-saxonne en avait fait le comble de la ringardise franchouillarde. C'était évidemment ignorer le swing musette, le cajun ou la richesse de nos terroirs alors toujours vivaces. Le tango laissait passer le bandonéon, mais la valse se cachait soigneusement sous des rythmes à trois temps, alors qu'il est difficile de trouver plus swing. Quant aux classiques, les accordéonistes étaient aussi compassés que leurs collègues guitaristes. Un soir que le producteur Jacques Bidou m'avait fait faux bond avec sa boîte à soufflet pour un concert au 28 rue Dunois, j'ai demandé à Michèle Buirette de le remplacer au pied levé. Le choc fut tel que j'épousai peu après cette fille ouverte au free jazz comme à la chanson française. Le mariage du synthétiseur, autre instrument ostracisé par la plupart des musiciens, et de l'accordéon tenait du cadavre exquis et de la sono mondiale en devenir. Michèle a suivi son chemin, moi le mien, mais je me suis dès lors intéressé à cet imposant instrument à bretelles (un accordéon avec basses chromatiques pèse facilement quinze kilos). De Gus Viseur, avec qui avait joué mon camarade Bernard Vitet, à Guy Klucevsek découvert auprès de John Zorn, l'éventail était assez large pour que je garde une tendresse particulière pour cet instrument complet, orchestre à lui tout seul comme le piano ou le synthétiseur.
Utopian Wind, le nouvel album de Pascal Contet ne pouvait me faire plus plaisir. Virtuose et esprit ouvert à tout ce qui se crée, Contet multiplie les rencontres avec la danse, la littérature, le cinéma, le théâtre, il improvise, les compositeurs contemporains lui écrivent des pièces sur mesure, il ne néglige pas pour autant le répertoire et il adore mélanger tous les styles dans ses concerts. Il joue ici en solo une douzaine de pièces de sa composition, utilisant toutes les ressources contemporaines, mécaniques et sensibles de son instrument. Minimalisme et maximalisme se rejoignent, du faux silence où l'air s'engouffre à la puissance d'un plein jeu dont les graves vous chatouillent l'estomac. L'arc-en-ciel qui se déplie laisse passer une gloire aussi tendre qu'étincelante, me donnant joyeusement envie de lui proposer de jouer ensemble à la première occasion ! Elle se présente aussitôt. Le 12 novembre nous serons donc en trio aux Lilas, dans la nouvelle salle du Triton, avec le saxophoniste-clarinettiste Antonin-Tri Hoang. Youpi !

→ Pascal Contet Utopian Wind, label Plein Jeu, dist. physique Socadisc et dist. numérique Idol