Si j'attends d'avoir terminé les trois livres envoyés par les éditions Le Mot et le Reste je risque de ne jamais en parler, or cet éditeur est l'un des rares à s'être spécialisé, entre autres, dans les ouvrages sur les musiques qu'on dit actuelles et sont plutôt du domaine populaire, même si elles ne touchent souvent qu'un public restreint. Jazz, rock, folk, musiques du monde, etc. sont évoqués par des auteurs consciencieux, soucieux de partager leurs passions avec les lecteurs qui, spécialistes ou novices, ont forcément des lacunes. Les livres recèlent donc quantité de biscuits pour l'hiver, de pistes révélant des trésors cachés, d'ouvertures sur d'autres mondes.
Je me souviens ainsi avoir chroniqué Folk et Renouveau de Philippe Robert et Bruno Meillier, Great Black Music de Philippe Robert, Revolution in The Head de Ian MacDonald sur les Beatles, Field Recording d'Alexandre Galand. Mais je dois avouer que la perspective de lire quelque chose sur mon travail ou celui d'Un Drame Musical Instantané m'incite à feuilleter pas mal des publications parues au Mot et le Reste, comme dans L'underground musical en France d'Éric Deshayes et Dominique Grimaud ou Musiques expérimentales de Philippe Robert. Pensant que mon roman augmenté USA 1968 deux enfants évoquait parfaitement la période fondatrice des années 60, je leur ai suggéré d'en publier la version papier, mais ne leur tiens pas rigueur de ne pas même m'avoir répondu, connaissant les lourdeurs des échanges en matière de production dans notre pays. J'ai par contre été surpris de voir chroniquer le premier album du Drame, Trop d'adrénaline nuit, dans le récent Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire (1967-1981 Chansons expérimentales) de Maxime Delcourt, et ravi que Jean-Yves Leloup rappelle le rôle initiateur du Drame pour les ciné-concerts dans son recueil d'articles Musique Non Stop (Pop mutations & révolution techno).
Dans le premier Maxime Delcourt évoque le terreau sur lequel j'ai grandi, des chansons militantes de mai 68 aux tentatives expérimentales où la voix se mêlait aux improvisations les plus hirsutes. Colette Magny, Brigitte Fontaine, Catherine Ribeiro en étaient les marraines. Delcourt embrasse les essais inventifs dans le domaine des variétés (Manset, Ferrer, Gainsbourg, Ferré, Christophe, Annegarn, Thiéfaine...) autant que chez les marginaux, créateurs de l'underground (premiers groupes pop français, Higelin à ses débuts, Hedayat, Marcœur, Berrocal... Et quantité de moins connus qui font tout l'intérêt de l'ouvrage !). La discographie sélective occupe la moitié du bouquin, deux pages par disque sur le modèle de nombreux ouvrages de la collection, tandis que la première partie trace une ligne chronologique soulignant l'implication politique des protagonistes soutenus par des labels de disques fortement impliqués.
Dans le second Leloup rassemble des articles précédemment publiés dans des revues et magazines, somme de sujets reflétant l'état de notre société au delà de la musique elle-même. Il aborde ainsi comment la musique participe à la résistance, que ce soit en France ou récemment dans les pays arabes, comment les cultures des pays du sud influencent le Top 50, les rapports de la musique aux autres arts, en particulier numériques, le potentiel des ciné-concerts... Également passionné par la musique électronique il se demande si la platine est un instrument, si l'ordinateur a révolutionné le folk, si la K7 est l'ancêtre du mp3, comment Internet transforme notre amour de la musique, etc.
Le troisième est un voyage en 150 albums dans le Rock Psychédélique de 1966 à nos jours. Pour qui aime planer c'est du long courrier. David Rassent évoque les expériences lysergiques du LSD à l'origine du genre. Si le Swingin' London a la part belle, le mouvement est évidemment localisé sur la côte ouest des États Unis. Il s'étendra plus tard à l'Europe avec la scène progressive et le Krautrock. Les ramifications les plus récentes m'apparaissent plutôt comme des réminiscences nostalgiques, le flambeau étant dans les faits repris par la techno avec de nouvelles substances hallucinogènes. Là encore, comme tous les ouvrages de la collection, les deux pages consacrées à chaque album se terminent par des suggestions "dans le même esprit", et les amateurs découvriront quantité de musiciens dont ils ignoraient probablement jusqu'ici l'existence.

→ Maxime Delcourt, Il y a des années où l'on a envie de ne rien faire, 1967-1981 Chansons expérimentales, Ed. Le Mot et le Reste, 288 pages, 21 €
→ Jean-Yves Leloup, Musique Non Stop, Pop mutations & révolution techno, Ed. Le Mot et le Reste, 224 pages, 19 €
→ David Rassent, Rock Psychédélique, un voyage en 150 albums, Ed. Le Mot et le Reste, 368 pages, 25 €