Quantité de disques intéressants arrivent par la poste. La dématérialisation des supports ne règle pas la question du transport des objets physiques pour lesquels la téléportation n'est pas encore au point. Je les expose sur mes étagères en espérant trouver les mots qui ne viennent pas toujours facilement. Ainsi High Fidelity, le solo de trombone de Fidel Fourneyron, est passionnant et courageux, mais forcément un peu rêche, demandant une concentration absolue qui sied certainement mieux au concert. Je ne suis pas fan de jazz proprement dit (je préfère souvent les trucs crades et hybrides !), mais je me suis laissé aller à écouter plusieurs fois Nomade Sonore du sax baryton Eric Séva, ou Dark Wave du grand ensemble Initiative H dirigé par David Haudrechy dont les influences pop sont variées avec en invités Médéric Collignon, Émile Parisien et Vincent Artaud. Comme celui-ci, de plus en plus d'albums intègrent des influences cinématographiques, cousins héritiers du poème symphonique. Le François de Roubaix de Fred Pallem & Le sacre du Tympan reste hélas trop nostalgique pour me satisfaire, j'ai besoin que le revival soit transcendé par une relecture plus contemporaine.


Le premier album de Winter Mass correspond mieux à mes attentes. Des paysages sonores emmitouflent les poèmes de Sayoko. Je ne comprends évidemment pas un mot murmuré par la Japonaise, mais la neige et la nuit m'embarquent pour un voyage où les décors passent souvent au premier plan. La musique composée et conduite par le bassiste Frederick Galiay, qui utilise d'autres instruments comme l'AKS synth et des claviers, oscille entre le sacré et le sacrilège. Cela arrive parfois lorsque des modernes poussent le rituel à la transe, bascule recherchée par les conteurs de rêves éveillés dont les instruments ne produisent a priori ni images ni paroles. Le clarinettiste Jacques Di Donato, aussi aux percussions, est le troisième personnage de ce petit ensemble polymorphe dont la variété de timbres fait oublier la simplicité, décomplexée. Pour quelques morceaux le trio s'est adjoint le flûtiste Jocelyn Mienniel, la clarinettiste Isabelle Duthoit ou le contrebassiste Jean-Philippe Morel.


J'aime ça, comme j'aime ec(H)o-system, le dernier album du poète Steve Dalachinsky avec le duo de rock français The Snobs. J'y retrouve le flow envoûtant que Hal Willner initiait avec les disques orchestrés de William Burroughs. Là où Galiay joue sur la lenteur et l'humidité, The Snobs sèchent l'atmosphère en l'électrifiant. Mais dans les deux cas nous sommes transportés, que l'on comprenne ou pas les paroles. La musique fait passer les intentions, par la diction rythmique et dramatique des poètes tout autant que par la musique qui les accompagne et les porte, traduisant leurs vers dans un langage universel.

Winter Mass, label et distribution Inversus Doxa
→ Steve Dalachinsky and The Snobs, ec(H)o-system, Bam Balam, dist. Musea
→ Fidel Fourneyron, High Fidelity, Umlaut
→ Eric Séva, Nomade Sonore, Gaya, dist. Socadisc / Idol
→ Initiative H, Dark Wave, Neuklang
→ Fred Pallem & Le sacre du Tympan, François de Roubaix, dist. L'autre distribution