70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 27 novembre 2015

Engagez-vous, qu'ils disaient, vous verrez du pays...


Sur le site S'engager tout est bon pour séduire les futurs bidasses : la défense de la patrie en danger, la fraternité d'armes, le dépassement de soi, l'escalier social, la responsabilité environnementale (vous avez bien lu !), l'innovation, etc. Il ne suffit pas de fabriquer des armes, de les vendre au Qatar et à l'Arabie Saoudite avant qu'elles ne rejoignent Daesh, il faut apprendre à s'en servir soi-même (j'ai reçu la proposition par mail !). Si le service militaire obligatoire avait l'avantage de la mixité sociale, cette fois on enrôle les chômeurs. Non-violent, réformé volontaire, je ne regrette rien si ce n'est le danger d'une armée de métier, mais j'aurais compris le service civil. Fort de la prolongation de l'état d'urgence dont on peut déjà constater les bavures, le gouvernement affiche sa détermination guerrière, et il en rajoute dans le cocorico patriotique...


Voilà-t-y pas que le gouvernement français emboîte le pas à FaceBook en suggérant de réaliser des selfies bleu blanc rouge en hommage aux victimes des attentats récents. Quelle hypocrisie à la veille des élections régionales ! Si vous préférez comprendre les racines du mal mieux vaut lire ou écouter le podcast de cette excellente émission de France Inter...

Se regrouper entre soi ou débattre ?


Malgré mes critiques contre FaceBook (c'est moche et mal pratique, flicard et fliqué, pollué par la pub et pratiquant l'évasion fiscale, etc.), cette application m'aide à sortir d'une certaine marginalité politique.
N'ayant jamais appartenu à aucun parti, mais investi dans des activités associatives, je me suis souvent retrouvé isolé au cours de l'Histoire avec mon lot d'interrogations. En 1967 la Guerre des Six Jours contraria tout ce que mes parents m'avaient appris de l'État d'Israël. Ensuite mes doutes sur les choix des organisations politiques, tant stratégiques qu'idéologiques, me poussèrent à opter pour un axe philosophique de réflexion plutôt que des certitudes doctrinaires. Questionner les versions officielles des événements en suivant le vieil adage "à qui profite le crime ?" force les béni-oui-oui à nous affubler du qualificatif de "complotiste". Face à l'absence d'informations, pour ne pas dire la désinformation consistant à occulter les causes derrière un amas de faits divers, j'éteignis définitivement la télévision il y a une quinzaine d'années, privilégiant la lecture du Monde Diplomatique et de livres argumentés. Je pouvais débattre avec quelques amis sans que le ton devienne insultant même si nous n'étions pas toujours d'accord. Il n'empêche que mes doutes sur ce qu'il est coutume d'appeler abusivement démocratie ou mon engagement auprès de quantité de peuples opprimés restreignirent le cercle de mes sympathies idéologiques.
Le développement des réseaux sociaux changea complètement la donne. Malgré le milliard d'utilisateurs de FaceBook il s'est créé en son seing des regroupements en fonction des centres d'intérêt. Certains y partagent leurs émois adolescents, d'autres leurs histoires amoureuses, d'autres s'en servent professionnellement pour toucher les cibles supposées sensibles à leurs projets, d'autres échangent des points de vue sur le monde en se préoccupant de son avenir. En ce qui me concerne je me sers de FaceBook dans la perspective de ces deux derniers points. Cela m'a permis de constater la bascule fondamentale qui s'est produite entre janvier et novembre face aux deux vagues d'attentats. Si je me suis cru obligé de passer quinze jours à justifier mes craintes de l'union nationale représentée par "Je suis Charlie", ces derniers temps le nombre de camarades partageant les mêmes interrogations s'est multiplié considérablement. Il ne s'agit pas de chercher des satisfecits, mais d'échanger des informations sur les sujets qui nous préoccupent, que ce soit les perspectives guerrières ou la protection de la planète. Grâce à celles et ceux qui vivent dans les pays lointains où se déroule tel ou tel évènement, nous apprenons ainsi ce qui s'y passe avant les grands médias et surtout sans le filtre que nos gouvernements exercent sur la presse. Rappelons tout de même que trop souvent les journalistes ont la fâcheuse tendance à répéter ce que l'AFP leur sert sur un plateau plutôt qu'exercer un réel travail d'investigation. D'où mon attachement particulier à Mediapart.
Certains "amis" prennent le terme au pied de la lettre au lieu de comprendre qu'il ne s'agit que de contacts, ambiguïté entretenue par FaceBook qui vous oblige à "liker" les pires horreurs quand leurs rapporteurs en fait les dénoncent. Certains trolls polluent les échanges, d'autres contributeurs prennent la mouche parce qu'on les contredit. Je me suis par exemple fait virer hier par un angéliste cul béni de la liste de ses amis pour lui avoir rappelé que le Dalaï Lama était financé par la CIA, document secret défense déclassifié en 1998 par le département d'État des USA à l'appui. J'avais pourtant évité d'évoquer le passé du Tibet, esclavagiste et tortionnaire. Mais plutôt que d'en discuter sereinement, cet homme que j'avais connu il y a longtemps pour son ouverture d'esprit préféra couper court. La publication sur son mur dénonçait paradoxalement tout amalgame en y opposant dans le même panier l'Abbé Pierre, Mère Teresa, le Dalaï Lama, Gandhi et le Pape ! C'était ignorer les propos douteusement antisémites de l'un, la non-violence conjoncturelle de l'autre, etc. Or le manichéisme m'apparaît contraire à toute réflexion philosophique.
Je récolte ainsi sur FaceBook quantité d'informations, qu'il est nécessaire évidemment de vérifier comme pour n'importe quel support avant de les partager, mais elles font bouger mes idées sur le monde et m'enrichissent grâce à l'apport de chacune et chacun.