70 mars 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 mars 2016

L'écran d'épingles de Michèle Lemieux


En 1972 le cinéaste Norman McLaren eut du nez de faire acheter par l’ONF (Office National du Film du Canada) l'écran d'épingles inventé en France par le couple Alexandre Alexeïeff et Claire Parker en 1930. Jacques Drouin passa récemment le flambeau à la Québécoise Michèle Lemieux, seule réalisatrice d'animation au monde à s'en servir actuellement. Le système fonctionne comme le gadget où il faut enfoncer des épingles pour créer un relief, sauf qu'ici les 240 000 épingles enserrées dans autant de fins cylindres sont de face et c'est leur ombre projetée qui crée le dessin. Pendant le tournage il est impossible de revenir en arrière si l'animatrice se trompe. Elle ne peut qu'être créative pour réparer ses erreurs en allant de l'avant, tout story-board étant impossible à suivre scrupuleusement. Comme dans toute improvisation ce travail long et solitaire où il faut être ambidextre exige de l'imagination, une maîtrise exceptionnelle et un doigté hors pair. Si l'illustratrice de livres renommée a été séduite par ce medium aux possibilités esthétiques extraordinaires, elle a su créer un monde que lui inspirent nos rêveries sur le nôtre et les interrogations métaphysiques qu'il génère, en particulier via la lecture d'Hubert Reeves.


Par une utilisation décalée et humoristique des bruitages, le recours à la valse, certains objets vivants rappelant le Codex de Serafini, les références à l'absurde, son dernier film, Le grand ailleurs et le petit ici, réalisé de 2010 à 2012, s'insère fidèlement dans l'histoire du film d'animation. Il n'en est pas moins original, le support poussant Michèle Lemieux à des extravagances d'une beauté rare.


Du 15 avril au 2 septembre 2016 le Centre Culturel Canadien expose à Paris le travail de Michèle Lemieux, Le tout et la partie, du dessin au film d'animation. J'imagine que l'écran d'épingles qui sera montré à cette occasion est celui du CNC qu'elle a aidé à rénover après avoir œuvré sur celui acquis par Montréal, puisqu'il ne semble rester que ces deux-là parmi les neuf prototypes créés par Alexeïeff et Parker. L'artiste soulève le paradoxe des possibilités de cet instrument archaïque face à celles des nouvelles technologies. Toutes possèdent leur part de mystère qu'il s'agit de maîtriser sans perdre la fragilité du vivant, l'erreur qu'on dit humaine, mais que l'art permet de sublimer.

→ Voir également Alexandre Alexeïeff, L'écran épinglé, DVD Cinedoc

mercredi 30 mars 2016

La mémoire en rappel


La mémoire est fragile, constamment reconstruite au fur et à mesure que les informations s'accumulent dans notre ciboulot, figée à force de se polariser sur un détail ou volatile jusqu'à l'oubli total. Produit du présent, elle forge l'avenir sans aucune certitude du passé. Demandez à plusieurs témoins de reconstituer le moindre évènement après quelques années et il perdra toute véracité au profit d'un puzzle complémentaire ou sujet à d'inexplicables contradictions.
Hier j'écrivais ne pas me souvenir quand et comment j'avais rencontré la créatrice sonore Amandine Casadamont avec qui je viens d'enregistrer un album inaugurant une collaboration des plus excitantes. Or Amandine m'avait rappelé le jour-même en quelle occasion nous nous étions croisés, mais je n'y avais pas fait attention. Hier Laure Milena, dont je me souvenais pourtant qu'elle en était l'initiatrice, me raconte qu'elle avait invité Amandine, avec qui elle travaillait à l'époque, à venir me voir jouer avec Antoine Schmitt, un projet de flux radio et image d'ordi en devenir, qui leur avait beaucoup plu à toutes les deux. Elle nous avait présentés après le spectacle, mais comme souvent en sortant de scène je n'en garde aucun souvenir. Je raconte cette petite histoire parce que Laure ne fut pas la seule à relever ma perte de mémoire... Le 17 avril 2010 Antoine et moi présentions en effet Mascarade à l'Espace Mercoeur à l'invitation des soirées IRL (In Real Life) en avant-première de la création qui ferait l'ouverture du FIMAV (Victoriaville, Québec) en première partie de notre opéra pour 100 lapins connectés, Nabaz'mob.


Les 3336 articles de mon blog, en marge de leur fonction quasi encyclopédique, représentent d'ailleurs un fantastique pense-bête que je consulte régulièrement puisqu'ils me tiennent lieu de journal quotidien depuis bientôt douze ans. De même les images qui les accompagnent dessinent une chronologie que le temps a tendance à dissiper dans sa subjective élasticité. Lundi Françoise, attirée par la musique qui se construisait dans le studio, fit quelques clichés de notre duo après avoir filmé l'enregistrement de deux de nos improvisations. Et chacun, chacune de sortir son appareil pour immortaliser la scène ! Amandine poste une photo sur FaceBook tandis que je cherche à capturer l'envers du décor où l'aiguille brille. Plus tard nous réaliserons ensemble la pochette de Harpon en étalant par terre les vinyles utilisés pendant la séance.
Dans le cas d'improvisations totales ce n'est que le lendemain que je découvre réellement ce que nous avons joué et mixé. J'aime ce faux magma rigoureusement agencé dans un état semi-comateux où nous contrôlons pourtant le moindre de nos gestes. Les scories y sont les garantes du vivant, complicité de l'imprévisible. Nous reconnaissons l'une et l'autre notre goût pour l'écriture cinématographique, dialectique des plans prenant tout leur sens au montage en direct, perspectives sonores jouant de la profondeur de champ, mais aussi profusion des détails offrant quantité d'interprétations selon les auditeurs, énigmes produites par les ellipses, abstractions que seule la musique suscite...

mardi 29 mars 2016

Harpon, nouvel album en duo avec Amandine Casadamont


Il est rare et précieux de rencontrer un musicien ou une musicienne avec qui l'on s'accorde naturellement. C'est comme se faire un nouvel ami. Cela n'arrive pas tous les jours, mais l'intuition des premiers échanges se confirme souvent rapidement dans la pratique. Je ne me souviens plus quand et comment j'ai rencontré Amandine Casadamont, mais elle faisait partie des quelques personnes que j'avais à l'œil, entendre surtout que je lui prête une oreille puisqu'elle est créatrice radiophonique. Le terme est bien vague pour une fille qui manie la fiction et le documentaire sonores avec autant d'audace qu'elle joue les DJ en jonglant avec ses trois platines vinyle. L'année dernière je faisais partie d'un jury qui lui accorda le Grand Prix Phonurgia Nova pour Zone de silence enregistré au Mexique. Lorsque Amandine ne s'y retrouve pas confrontée aux narcotrafiquants elle passe en zone interdite à Fukushima. À ma question si elle était courageuse, suicidaire ou inconsciente, elle me répondit que probablement un peu des trois. Mettre en ondes le silence à la radio c'est évidemment jouer avec le feu. Nous la vîmes plus protégée sur la scène du Silencio improvisant un mix à partir de disques de fiction, de bruitages et musiques variées. Je l'invitai donc à enregistrer ensemble un album au Studio GRRR...


Harpon marie mes premiers émois radiophoniques où je zappais les ondes courtes et ma recherche incessante de recréer ce rêve éveillé avec les instruments de mon époque. Les miens associent le plus souvent l'électronique et le geste instrumental, en l'occurrence trois claviers reliés à des banques de sons que j'ai toujours cherché à rendre le plus acoustique possible. Ceux d'Amandine sont ses trois platines vinyle où elles posent divers microsillons quitte à les maltraiter en faisant sauter l'aiguille ou intervenant sur la vitesse. Fondus du disque noir, les scratcheurs sont toujours à la recherche de galettes rares qu'ils remixent pour composer de nouveaux univers. Je lui ai donc prêté ma collection de 33 tours, essentiellement des fictions radiophoniques des années 50 qu'elle a mélangées avec ses drones et bruitages. Nous avons ainsi improvisé six pièces hier matin, mises en ligne le soir-même. J'aime cette urgence que le Net suscite et qui correspond bien à celle de l'improvisation, mouvement réduisant au minimum le temps entre conception et interprétation.


Vous pouvez donc écouter ou télécharger gratuitement Harpon comme les 68 autres albums inédits présents sur drame.org, 928 pièces, 137 heures de musique ininterrompue si vous vous branchez sur Radio Drame en page d'accueil ! De son côté Amandine Casadamont offre aussi ses créations sur son site (mis à jour jusqu'en 2010), puis sur SoundCloud.

lundi 28 mars 2016

Tamia Valmont (Tamia) et Les chants de la terre


Les voix de Tamia sont les perles d'un collier qu'un fil relie magiquement d'île en île. Cette énigme de l'Atlantide révèle tous Les chants de la Terre par un passage secret où le sacré n'a d'autre source qu'une humanité retrouvée, malgré les assauts du temps et la folie des hommes.
Après trente ans d'une carrière internationale commencée avec son étonnante apparition au cours d'un concert mythique au Festival de Châteauvallon en 1972 au sein d'un Unit¹ réunissant Michel Portal, Bernard Vitet, Beb Guérin, Léon Francioli et Pierre Favre, la chanteuse Tamia avait disparu de la scène, et même disparu tout court. En 1977 nous avions partagé maintes improvisations avec Un Drame Musical Instantané² avant que Tamia ne se produise essentiellement en solo, puis en duo avec le percussionniste Pierre Favre (2 disques chez ECM). Son enseignement forma longtemps de nombreux vocalistes. Lorsque Bernard Vitet était tombé malade je l'avais recherchée en vain, le Net ne relatant qu'une homonyme canadienne née une trentaine d'années plus tard. La notoriété de cette chanteuse de new soul poussa notre Tamia à ajouter Valmont à son nom pour éviter toute confusion. Après un passage à vide qui guette tout créateur indépendant, Tamia refait aujourd'hui surface en rééditant son album sorti en 1999 chez Universal (elle a juste changé l'ordre des pièces) et annonce la sortie prochaine d'un tout nouvel opus.
Récemment je reçus donc un coup de téléphone inattendu. Comment ne pas reconnaître ce timbre de voix unique où les harmoniques glissent de syllabe en syllabe ? Nous avons beaucoup parlé, évoquant l'avenir encore plus que le passé. Le lendemain de nos retrouvailles je posai la nouvelle version de son CD Les chants de la terre \ Earth Songs sur la platine comme l'un de ses bijoux étalés comme autant de souvenirs, parures chatoyantes d'un rite païen dont les matières et les couleurs reflètent les voyages vécus ou simplement rêvés. A capella ou accompagnée par le percussionniste Xavier Desandre-Navarre et le multi-instrumentiste Henri Agnel, Tamia revisite les continents et les réinvente en enregistrant sa voix sur plusieurs pistes, convoquant de temps en temps un chœur, sans aucune parole, jouant des possibilités incroyables de la voix humaine, seule divinité immatérielle de ses rituels purificateurs. Nancy Houston, qui s'est inspirée de Tamia pour le personnage principal de son roman Lignes de faille, signe le texte de présentation de cet album merveilleux.

→ Tamia Valmont, Les chants de la terre \ Earth Songs, Eolico 01 (réédition de l'album paru initialement chez Universal)
¹ Michel Portal Unit No, no but it may be, réédité en CD dans une version inédite intégrale, Universal
² Un Drame Musical Instantané, Poisons, GRRR

vendredi 25 mars 2016

Mai 68 et son cinéma


Sur FaceBook Jean-Noël Lafargue (né en 1968 !) écrit : "On dit beaucoup que Mai 1968 n'a rien apporté, mais je prends plaisir à redécouvrir ou découvrir le cinéma post-soixante-huitard qui, au delà du plaisir manifeste à montrer des gens à poil, me semble plus subversif que tout ce qui se fait depuis, et en même temps assez jubilatoire. Il faut que je voie tout Joël Séria, tout Alain Jessua, tout Bertrand Blier (celui que je connais le mieux sans doute)... Et qui d'autre ? Vous avez des conseils ?"
Il faut d'abord rappeler que mai 68 fut une révolution de mœurs incroyable. Nous sommes passés de la blouse grise à l'explosion psychédélique du flower power, les collèges et lycées sont devenus mixtes, l'imagination a été portée réellement au pouvoir (il n'y a qu'à constater les films qui sortaient chaque semaine, les disques que les jeunes consomment aujourd'hui de revival en revival, etc.), la liberté sexuelle ne nous a pas rendu plus heureux mais on en a tout de même drôlement profité (arrivée de la pilule, droit à l'avortement, féminisme, revendication des homosexuels...), la jeunesse s'est politisée (on pensait alors que tout était politique et cela continue), des liens ont été tissés entre étudiants et ouvriers, etc. Les critiques portées contre mai 68 sont totalement déplacées, c'est la réaction contre mai 68 qui a déclenché toutes les déviances absurdes. Les conservateurs n'ont eu de cesse de démonter le mythe d'une génération qui avait cru naïvement pouvoir changer le monde, que ce soit dans la paix et l'amour ou dans la révolution permanente.


Mais revenons à la question de Jean-No à qui j'ai cité dans le désordre complet Sweet Movie de Dušan Makavejev, Bof et Themroc de Faraldo, les films de Pierre Clémenti, Les idoles de Marc'O (même si de 1967, j'aurais pu évoquer aussi Les petites marguerites de Věra Chytilová sorti en 1966 et les premiers Forman), L'an 01 de Doillon, Gébé, Resnais et Rouch, les films de Buñuel, Ferreri, Pasolini, Godard, Rivette, Varda de cette époque, Solo et L'albatros de Mocky, Anatomie d'un rapport et Genèse d'un repas de Moullet, La Femme-bourreau de Bonan, L'acrobate de Pollet, La fiancée du pirate de Nelly Kaplan, More de Schroeder, mais aussi Skidoo de Preminger, Head de Rafaelson, Zabriskie Point d'Antonioni, El Topo et La montagne sacrée de Jodorowsky et Easy Rider. J'en oublie des quantités comme les films lysergiques réalisés par les Laboratoires Sandoz !

jeudi 24 mars 2016

Le siège ou Sarajevo survolé


Grosse déception devant le reportage de Patrick Chauvel et Rémy Ourdan, lauréat du FIPA d'or 2016 du meilleur documentaire de création. Alternance d'interviews sur fond noir regard gauche caméra et d'archives sanglantes. D'un côté le syndrome Shoah accumulant les témoignages unanimes, de l'autre des documents à sensation façon Journal de 20 heures. En aucun cas un documentaire, le seul point de vue se résumant au courage réel et solidaire des habitants de Sarajevo face à l'absurdité criminelle d'un ennemi d'ailleurs absent du film. En aucun cas une création, mais un reportage plat et formaté comme tous ceux auxquels la télévision et les festivals de cinéma nous habituent. Pas une once d'explication d'une guerre dont on n'a pas cessé de nous dire qu'elle était compliquée alors qu'en quelques mots il serait facile de resituer le siège de Sarajevo dans son contexte historique. Esquissé le rôle terrible de la FORPRONU dont il faudra bien qu'un jour soit révélée sa complice inaction. Le Fipa d'or 2000 qui avait salué la fiction Warriors de Peter Kominsky produite par la BBC était autrement plus mérité.

Quant à la vie de tous les jours, quotidien incroyable des habitants de Sarajevo pendant le siège qui dura près de quatre ans, constitué de système D, de réflexions philosophiques et d'une inclination indispensable pour la poésie sous toutes ses formes, il faudrait absolument revoir les 120 épisodes de la série Chaque jour pour Sarajevo - Chroniques d'une rue assiégée, en anglais A Street Under Siege, imaginée par Patrice Barrat et coproduite par Point du Jour, Saga et la BBC. Neuf réalisateurs se succédèrent pour tourner autant de très courts métrages de deux minutes diffusés chaque soir dans toute l'Europe avant le Journal. La production avait choisi d'envoyer des réalisateurs et non des reporters de manière à générer un regard autre que celui des journalistes. Parmi ces miniatures, Patrice Barrat, Corinne Godeau, Ramdane Issaad, Philippe Baron, Baudoin Koenig, José Maldavsky, Serge Gordey, Gonzalo Arijon, avec le soutien d'Ademir Kenovic, réalisèrent quelques chefs d'œuvre, mais tous les épisodes font sens et ne ressemblent à rien d'autre. Un hymne à l'humanité qui se moque des brutes épaisses venues faire des cartons le week-end comme on va à la fête foraine. J'étais le troisième à partir dans cet enfer et je réalisai, entre autres, un jour de colère, Le sniper, première fiction tournée là-bas pendant le siège. J'ai beaucoup écrit à mon retour et dirigé le disque Sarajevo Suite avec une quarantaine d'artistes et de musiciens autour des poèmes d'Abdulah Sidran. Le retour à la normalité des Sarajéviens, redevenus semblables à nous avec le temps, m'a permis de rompre le lien pathologique qui me reliait à la ville martyr, mais chaque fois qu'est évoquée cette période historique qui marqua la fin de l'Europe telle que nous aurions pu la rêver et le blanc-seing à toutes les horreurs commises depuis je scrute dans le regard de mes condisciples la leçon qu'ils auraient pu en tirer.


Difficile d'être juge et parti alors que j'appartiens à l'équipe qui reçut en 1994 un BAFTA (British Academy Award of Film & TV Arts) et le Prix du Jury au Festival de Locarno à titre collectif (sur le Net je n'ai trouvé que des extraits montés et tronqués, comme ci-dessus, mais cela donne tout de même une petite idée). Témoin d'une bascule déterminante de l'Histoire, je suis d'autant plus sensible à tout ce qui y a trait, témoignages bouleversants, manipulations odieuses, révélations renversantes, interprétations artistiques. J'ai aussi du mal à confondre une approche anecdotique avec ce que les anecdotes peuvent apporter à un point de vue d'auteur qui ne saurait jamais être neutre ni manichéen. Plus de vingt ans après les évènements, on serait en droit d'attendre un regard neuf !

Que cela ne vous empêche surtout pas de regarder Le siège en replay sur Arte+7 jusqu'au 29 mars et de vous faire votre propre idée !
Photo © Milomir Kovacevic

mercredi 23 mars 2016

Alva Noto & Ryuichi Sakamoto avec l'Ensemble Modern: utp_


J'ai souvent du mal avec la raideur germanique du compositeur de musique électronique Carsten Nicolai dit Alva Noto, mais associé au romantisme japonais de Ryuichi Sakamoto et surtout à la cohésion de l'Ensemble Modern je plane totalement. Le concert enregistré live pour le 400e anniversaire de la ville de Mannheim le 16 novembre 2007 est livré sous deux versions audiovisuelles, en stéréo et en 5.1, l'écran flottant au-dessus de l'orchestre ou bien les visuels de Noto seuls, et sous la forme d'un CD. Le coffret contient également deux petits livrets, le premier avec une introduction de David Toop et des images couleur pleine page, le second avec la partition complète de 72 minutes.
Après avoir écouté l'œuvre deux fois, j'ai eu l'idée de diffuser le CD sur l'ampli du rez-de-chaussée où sont branchées deux enceintes Auratone dans la salle à manger et deux imposantes Technics dans le salon simultanément au DVD sur le système 5.1 du premier étage, sans pour autant chercher un synchronisme parfait. L'expérience est tout bonnement hallucinante, surtout dans l'escalier !
Utp_, pour piano, orchestre de chambre et électronique est un modèle de musique minimaliste, un trip zen où les instruments acoustiques dressent un pont avec les click et boom électroniques. Les points et les lignes prennent de l'épaisseur. L'indétermination de nombreux paramètres de la partition donne vie à l'artificiel, faisant vibrer les corps sonores dans le silence de l'air. Le robot est devenu androïde.


Reçu du Japon à un prix extrêmement décent en comparaison à d'autres propositions, la troisième fois est enfin la bonne après que j'ai commandé deux fois le CD+DVD et que ses vendeurs successifs aient annulé l'envoi pour avoir pensé le posséder à tort. Les objets épuisés atteignent parfois des prix délirants utp_ est souvent proposé entre 60 et 90 euros.
Mais ce n'est rien à côté des catalogues d'exposition récemment recherchés sur le Net. Travaillant avec Jean-Hubert Martin à l'exposition Carambolages dont j'ai composé toute la partition musicale, j'ai craqué pour nombreux ouvrages, seules traces de ses précédentes interventions muséographiques. Il m'a fallu fouiner pas mal pour les trouver à des prix raisonnables, mais j'ai dû abandonner en ce qui concerne l'original des Magiciens de la Terre proposé à plus de 1000 euros ! J'ai par contre enrichi ma bibliothèque de beaux exemplaires de Une image peut en cacher une autre, La mort n'en saura rien, Altäre, Le château d'Oiron et son cabinet de curiosités, Africa Remix, Dali, Le Maroc contemporain, Ilya et Emilia Kabakov... En ce qui concerne Le Théâtre du Monde j'ai eu l'immense joie de recevoir le somptueux catalogue de l'exposition originale australienne intitulée Theater of the World, grandes reproductions pleine page et surtout intégralité du projet initial... Internet, via des sites comme Leboncoin, eBay, Discogs, etc., permet de trouver quantité de choses que l'on pensait inaccessibles, et parfois pour des sommes dérisoires, d'autres fois honteusement spéculatives.

mardi 22 mars 2016

Iconoclash, toujours !


Il est intéressant de revoir treize ans plus tard le petit film que Françoise Romand avait réalisé sur l'exposition Iconoclash organisée au ZKM en 2002 par Bruno Latour et Peter Weibel. Les interrogations sur l'importance des images au travers des siècles n'ont pas changé. La réalité est d'autant plus difficile à cerner que les nouvelles technologies rendent les manipulations de plus en plus invisibles. La critique des images s'exerce au milieu d'un capharnaüm qui brouille les cartes en s'accompagnant d'un storytelling toujours aussi persistant. La simplification tend à faire croire à une complexité camouflant la simplicité des intérêts du pouvoir sur la crédulité des masses. La spirale où nous entraîne notre désir d'apprendre trouve dans l'art une résolution certes plus satisfaisante qu'en politique, mais aussi troublante que dans les sciences. Le point de vue passionnant de Latour se réfère à des siècles de christianisme où les hommes se sont entredéchirés sur ces questions d'images et sur leur destruction. L'effacement est intimement lié au dessin comme la déchirure au dessein.


Iconoclash renvoyait dos à dos les iconophiles et les iconoclastes, sans que les uns se distinguent radicalement des autres, les deux mouvements procédant généralement de la même intention. Si l'inconscient ignore les contraires, la question de l'image ou pas renvoie non à son affirmation ou à sa négation, mais à son sujet, l'image, toujours aussi puissante depuis que les êtres humains s'en sont emparés. La religion, la politique, l'art et les sciences exploitent la crise de la représentation pour fédérer les communautés dans le progrès et la régression. Les artistes exposés, de Rembrandt à Boltanski, sont forcément dans le blasphème ; c'est le rôle de l'art de bousculer les idoles, quitte à les remplacer périodiquement. Les meneurs d'opinion cherchent au contraire à entériner des concepts, à installer des certitudes. Si la fonction des uns est d'interroger ce que l'on voit, celle des autres est d'apporter les réponses avant que l'on ait le temps d'y réfléchir. L'art est bien le dernier rempart contre la barbarie.

lundi 21 mars 2016

Cambriolages à Bagnolet


La misère grandissante, comment éviter les cambriolages ? Dans notre quartier ils se multiplient depuis trois ou quatre ans. Ce sont des jeunes qui opèrent très rapidement, dans les pavillons de préférence ; les rez-de-chaussée sans vis-à-vis sont particulièrement ciblés. Ils cassent une vitre ou bien la porte si elle est de mauvaise facture, ils brisent le bas d'une fenêtre lorsqu'elle est en PVC et la tordent pour entrer. Ils cherchent de l'argent et des bijoux, en leur absence se rabattent sur le petit électro-ménager (appareil-photo, ordinateur, tablette, smartphone...), ils ne prennent pas le temps de tout foutre en l'air. Retournant les tiroirs, ils négligent les étagères, la cuisine, la salle de bain, etc. L'opération doit durer moins de cinq minutes. Les voleurs prennent néanmoins des risques incroyables pour un résultat le plus souvent minable, pénétrant même dans des domiciles en présence de leurs occupants. Leur heure de prédilection était jusqu'ici entre midi et 16h, mais les derniers larcins ont eu lieu le matin tôt et le soir. Les coffres des automobiles ne sont pas épargnés. La plupart du temps ce ne sont pas les objets volés, mais la mise à sac et le viol de son intimité qui sont le plus pénible. Sentiment d'insécurité produisant une paranoïa incontrôlée. Certains riverains installent des barreaux, des alarmes, des caméras. Les petits voleurs choisissent toujours les habitations les moins protégées. Il faut que ça aille vite, très vite.
Le cynisme des gouvernements européens n'arrangera rien. La corruption au plus haut sommet de l'État montre un exemple déplorable auprès de toute la population. Les plus démunis ne s'embarrassent pas toujours d'une conscience morale. Les pauvres volent aussi les pauvres. En nous enfonçant dans une crise savamment organisée, la misère ne peut que s'amplifier. D'un côté la délinquance en col blanc échappe aux Fourches Caudines de la Justice, de l'autre la prison est la meilleure école du crime. Aucune solution aux cambriolages ne paraît satisfaisante. Nous ne pouvons nous barricader comme des assiégés, ni nous reposer sur une police de proximité détruite par le pouvoir. L'État fait des économies à des postes indispensables et soutient les banques, modèles d'une escroquerie légale. Nous devons renverser le système qui crée des inégalités si flagrantes et ne propose qu'une répression inefficace face aux conséquences qu'il a engendrés. L'issue ne peut être que politique.

dimanche 20 mars 2016

Politique de proximité


Au Tenori-on, avec Antonin Tri Hoang au sax alto en ouverture de la soirée de soutien au Collectif Baras vendredi soir à Bagnolet. Suivirent Blick Bassy, Etienne et Léo Brunet, Nanda la Gabona, Jah Nool Farafina, Dié... La fête, très réussie, draine un public varié, laissant espérer que la solidarité avec ces anciens travailleurs de Libye chassés par la guerre entreprise par la France porte ses fruits... Considérés par l'État français comme des sans-papiers, ils sont corvéables à merci, exploités, et vivent dans des conditions précaires inacceptables...
Photo © Corinne Dardé

vendredi 18 mars 2016

Et même, si je pouvais me tourner les pouces...


Avant-hier j'écrivais Quand je ne fais rien... en publiant ma newsletter de mars relatant tout ce qui était sur les rails et me laissait enfin libre de mon temps. C'était sans compter l'administration et ses tracasseries à rallonges et répétitions. Lorsque l'on gère soi-même ses affaires, mais cela ne change pas grand chose si l'on doit contrôler quelque délégation, le temps à passer à se faire payer, par exemple, est absolument incroyable. Ainsi la plupart des artistes facturent toujours le nombre de jours travaillés sans compter ceux de la gestion et de la comptabilité, de la relance téléphonique et mail, des envois postaux, etc. Face à moi, les clients avec qui je traite ont des salariés dont c'est la profession et qu'ils doivent payer, eux. Eux (ou elles) dont la spécialité est de tomber malade ou de partir en vacances juste avant d'envoyer le contrat à signer qui bloque tout, ou le chèque qui règle un travail rendu en temps et en heure il y a déjà plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Au lieu de profiter du soleil printanier je lis et relis, imprime et scanne, paraphe et signe, envoie et poste, classe et répond... Ce sont des heures qui ne sont jamais rétribuées de mon côté alors qu'en face les spécialistes sont censés s'affairer. Spécialistes dont le métier est de faire ce que je ne suis pas censé faire, spécialistes dont le métier est de me faire baisser mon prix, spécialistes me demandant quantité de preuves de ma bonne organisation alors que le mien est de faire de la musique, de créer quelque abstraction poétique ou de mettre des mots sur les choses et les non-choses. Si bien que lorsque je ne fais rien, je ne cesse de m'en faire, des cheveux (ça peut toujours servir à mon scalp) et des soucis (y en a toujours, contrairement à ce que ce tic de langage voudrait nous faire croire).

jeudi 17 mars 2016

Ceòl Mòr/Light & Shade du sonneur Patrick Molard


Rien d'étonnant à ce qu'en écoutant les stridences de la cornemuse je sente les esprits de la lande se réveiller et les ombres de la préhistoire sortir de terre comme des menhirs lorsque l'orchestre vient la rejoindre pour interpréter une musique inouïe, transmise oralement de génération en génération. Si le répertoire du Ceòl Mòr fut créé exclusivement pour la cornemuse seule, Patrick Molard eut l'idée de l'étendre à d'autres instruments en utilisant le système gaéllique ancestral chanté du canntaireachd où les notes sont des voyelles et les ornementations des consonnes. En réalisant des arrangements modernes, son frère, le violoniste Jacky Molard, rend imperceptibles les couches du temps, strates d'un monde où le ciel et la mer sont les mêmes qu'antan. La grande histoire s'efface devant la géographie, les petites histoires font place à l'imagination. Le saxophoniste Yannick Jory et la contrebassiste Hélène Labarrière, déjà membres de l'Acoustic Quartet de Jacky, le guitariste Eric Daniel et le batteur Simon Goubert s'imprègnent de ce tissu qui colle à la peau jusqu'à ne plus sentir si l'habit est dessus ou dessous. Dans ces musiques du XVIIe et XVIIIe siècles issues des hautes terres d'Écosse, ressuscitées par l'étude des manuscrits, elle-même enjolivée par une fantaisie grave qui caractérise notre époque, se retrouvent la transe des musiques répétitives et le grain de folie des jours de grande marée. L'air du large est vivifiant, mais il énerve les esprits qui font corps avec les vivants.

→ Patrick Molard, Ceòl Mòr/Light & Shade, CD, Innacor, dist. L'autre distribution, sortie le 1er avril 2016

mercredi 16 mars 2016

Quand je ne fais rien...



Avant de s'envoler pour Bahreïn où elle reprend l'opéra Carmen avec l'Orchestra di Piazza Vittorio, Elsa m'a aidé à mettre en forme ma newsletter. Cette actualité est longue comme le bras. Envoyée par mail, je l'ai reproduite ici parce qu'elle résume bien ma non-activité. Tout ce qui y est annoncé est terminé à mon niveau. Les expositions suivent leur cours, les disques à paraître sont entre les mains des producteurs, les applications pour tablettes bénéficieront de mises à jour... Il n'y a que le blog qui s'écrive au jour le jour, avec une pause vacances prévue au mois de mai où, Françoise et moi, nous nous envolerons pour Naples, Ischia et les îles éoliennes. Repos bien mérité.
Néanmoins, en attendant l'hypothétique coup de fil de Monsieur De Mesmaeker, je classe les archives et prépare l'album du trio El Strøm que nous avons décidé de publier chez GRRR avec Sacha Gattino et Birgitte Lyregaard. Un autre projet personnel me tient à cœur, mais j'ai du mal à m'y remettre sans perspective de débouchés sérieux. On verra cela au retour.
Vendredi prochain à 19h je fais aussi un petit set avec Antonin-Tri Hoang pour soutenir le collectif des Baras qui squattent le 72 rue René Alazard à Bagnolet. Venez ! Il y aura aussi Blick Bassy, Étienne et Léo Brunet, Jah Nool Farafina, Dié... Et les Baras, Africains chassés de Libye par notre guerre, auront préparé le mafé et le tiep !

N.B.: si vous souhaitez recevoir la newsletter (avec liens opérationnels !), écrivez à info(at)drame.org

mardi 15 mars 2016

Option utopie


Mes grands-parents et mes parents avaient traversé la guerre, nos enfants n'ont d'autre référence que la destruction systématique de leurs conditions de vie. Ma génération bénéficia d'un rayon de soleil laissant entrevoir l'été au milieu de la rigueur hivernale. Il ne s'agit hélas ici que du monde occidental qui s'est toujours repu des richesses produites par les continents saignés par le colonialisme, puis sa déclinaison ultralibérale que le capitalisme a su leur imposer ; le tiers-monde, comme on appelait les pays "en voie de développement", est toujours exploité jusqu'à la mort, seule échappatoire en dehors de l'émigration qui aujourd'hui est devenue mortelle. Nos aïeux se souvenaient des années noires, nos enfants en ont la perspective. Ceux de ma génération, s'ils n'ont pas cédé au cynisme de leur classe sociale, ont la chance d'avoir appris à rêver. Passé la terreur que nous inspirait la bombe atomique, nous embrassâmes l'été de l'amour (Summer of Love de 1967) et descendîmes dans la rue au printemps suivant. Nous pensions refaire le monde, entre Peace & Love et Révolution. Le Nouvel Obs titrait "La société des loisirs" et l'imagination se voulait au pouvoir. La solidarité n'était pas un vain mot. Nous explosions de couleurs, psychédéliques pour les uns, rouge et noir pour les autres. Nous avons commencé à voyager, avec les substances illicites ou les compagnies aériennes, en 2CV ou en auto-stop. Combien de fois ai-je été hébergé par celles et ceux qui s'étaient aimablement arrêtés sur le bord de la route ! Nous manifestions contre la guerre au Vietnam dont l'issue vit la victoire de l'indépendance, sans nous rendre compte que la troisième guerre mondiale avait déjà commencé, les États Unis tentant d'étendre coûte que coûte leur hégémonie sans répit. Le choc pétrolier de 1974 et la réaction à nos idées libertaires sonna le glas de nos utopies, du moins notre pouvoir à les transmettre aux nouvelles générations qui nous prirent pour de doux inconscients ou des excités de la révolution. Nous jouissons néanmoins d'un avantage inégalable, nous savons qu'un autre monde est possible pour y avoir goûté lorsque nous étions adolescents ou jeunes adultes. Jamais la noirceur du monde nous paraît inéluctable.

lundi 14 mars 2016

Love Streams, un chef d'œuvre de Cassavetes

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Wild Side publie un coffret Blu-ray/DVD contenant un master restauré de l'avant-dernier film de John Cassavetes, Love Streams (1984), accompagné de son second, qu'il répudia pour en avoir perdu le final cut, A Child is Waiting (Un enfant attend, 1963), et du livre L'amour et le vertige, trajectoire d'une rebellion sur la genèse de Love Streams, écrit par Doug Headline. On y trouve également le making of de Michael Ventura I'm Almost Not Crazy, et deux émissions de Cinéma, Cinémas sur le tournage. J'insiste toujours sur les bonus des DVD, archives exceptionnelles qui ravissent les cinéphiles, d'autant qu'elles sont inaccessibles lorsque l'on assiste aux films en salle.
Contrairement à la plupart de ses autres films, Love Streams n'est pas tourné caméra à l'épaule, ce qui ne l'empêche pas de nous donner le vertige, essentiellement grâce aux portraits des deux protagonistes génialement interprétés par l'auteur et sa femme, Gena Rowlands. Sarah et Robert sont des oisifs sans problèmes financiers, deux enfants qui n'ont jamais grandi, en marge d'une société qui ne les y a jamais forcés. Seule, elle a perdu la garde de sa fille ; il ne connaît pas son propre fils, se dissolvant dans l'alcool et les rencontres sans lendemain. Chacun a plus d'amour à donner que personne ne peut en recevoir, mais leurs moments d'absence les rendent impossibles à vivre pour quiconque. Leurs jeux et leurs handicaps rappellent Les enfants terribles de Cocteau et Melville. Leur relation ne devient explicite que tard dans le film, une histoire ancienne qui n'est jamais même effleurée. C'est le passé. Sarah et Robert vivent dans l'instant, impulsifs et égoïstes. Cassavetes, à qui le producteur Menahem Golan laisse les mains libres, insère deux rêves de cette quinquagénaire qui ressemble beaucoup à Une femme sous influence : des pitreries qui ne font rire qu'elle-même et une comédie musicale étonnante avec danseuses et orchestre en direct, scène onirique plus réelle que les délires à répétition qui s'enchaînent sans temps mort. La vie est fragile. Cassavetes est déjà très malade. Il mourra en 1989 des suites de sa cirrhose, à cinquante-neuf ans. Love Streams est un de ses plus beaux films et fait figure de testament si l'on sait lire entre les plans.

dimanche 13 mars 2016

Carambolages : 8. Visite immersive

Si vous avez l'excellente idée d'aller visiter l'expo controversée CARAMBOLAGES au Grand Palais, pensez à télécharger l'appli gratuite avant d'y aller (c'est plus pratique qu'en arrivant dans l'entrée !), lancez le parcours sonore pour charger les 27 séquences que j'ai composées et qui accompagnent les œuvres.
Et n'oubliez pas vos écouteurs !
Visite immersive garantie.


L'appli iOS et Android est également synchronisable avec le catalogue (c'est un accordéon de 19 mètres de long, augmenté de deux fascicules, dans un boîtier aimanté).

Musique composée avec la participation d'Antonin-Tri Hoang et Vincent Segal.

Articles précédents sur Carambolages : 1. Le regard / 2. Synchronisme et mp3 /
3. Suivez le guide / 4. Le parcours sonore / 5. Trois angles / 6. L'origine /
7. N'oubliez pas vos écouteurs

vendredi 11 mars 2016

Ceramix à la Maison Rouge et à Sèvres


On est rarement déçu par les expositions de la Maison Rouge si l'on est en quête de découvertes. Cette fois la Fondation s'associe à la Cité de la Céramique de Sèvres et au Bonnefanten Museum de Maastricht pour monter Ceramix, une gigantesque exposition à la gloire d'un médium trop souvent relégué au rang de bibelot ou de vaisselle. À cheval entre art et artisanat, cela explique évidemment le nombre de femmes artistes qui s'en sont emparées. L'exposition s'étend sur les deux lieux, à la Bastille et à Sèvres où sa présence fera découvrir à beaucoup l'incroyable trésor que recèle la Cité de la Céramique. Si nous avons pu y admirer quantité d'objets fabuleux à travers les âges et les continents, Ceramix se concentre sur l'art moderne et contemporain en commençant par Gauguin et Rodin, glissant vers Picasso, Miró, Dufy et Derain, s'étendant à Fontana et au groupe Cobra, aux Japonais de Sodeïsha, au Funk Art, etc., jusqu'à nombreux artistes toujours en activité.


On admirera ainsi des sculptures de Thomas Schütte, Elsa Sahal, Johan Creten, Klara Kristalova, Ai Weiwei, Ni Haifeng, Bita Fayyazi qui se sont entichés de la terre cuite, du grès, du biscuit, de la faïence, de la porcelaine, de la céramique, éventuellement vernissant ou émaillant, pour des œuvres souvent impertinentes en regard de la tradition et des usages. Les avant-gardes se sont engouffrées dans ce matériau aux possibilités inattendues, explosant de couleurs, brutes ou sophistiquées, miniatures ou imposantes. (en photo : Antoni Tàpies et Louise Bourgeois)


Figuratives, abstraites, informelles, mais aussi politiques, érotiques, monstrueuses, les œuvres sont surprenantes. En en exposant 250 de 100 artistes issus de 25 nationalités, Ceramix (9 mars à début juin) révèle un pan méconnu de l'art moderne et contemporain où l'invention est d'autant plus libre qu'elle est restée longtemps et abusivement reléguée à un art mineur.

jeudi 10 mars 2016

Pris dans ses filets


La grippe, mais laquelle, m'a repris dans ses filets. Moins de deux mois après avoir été terrassé par un méchant virus, un de ses cousins mal intentionnés vient de nouveau frapper à ma porte. Quelle drôle d'idée de lui avoir ouvert sans regarder dans le judas ? Ce ne sont pourtant qu'images tordues par la fatigue. Le seul trou où coller mon œil est d'un noir aspirant et le filet est un filtre flou m'empêchant de faire le point. Il aura bien fallu sortir dans le monde pour contracter la maladie. Le pire, c'est que je ne suis pas le seul à replonger une seconde fois, et ce sont presque les mêmes à être barbouillés et perclus de courbatures. Étrange. Peut-être ai-je trop forcé sur la corde et cette semaine post-partum était la porte ouverte à cette harassante glissade ?

mercredi 9 mars 2016

Le bestiaire tropical de Xavier Roux


Entrer dans les serres tropicales du Jardin des Plantes nous propulse illico sur un autre continent. Portés par une douce chaleur nous admirons les arbres, fougères, palmiers qui y poussent régulièrement, mais aujourd'hui nous sommes venus voir Mille et une orchidées. En réalité c'était le dernier jour et nous voulions absolument entendre la musique que Xavier Roux avait composée pour cette exposition magnifique hébergée comme chaque année dans ce lieu magique. Les fleurs embaument et se pâment tandis que, après avoir déambulé enveloppés par les six haut-parleurs soigneusement dissimulés dans la verdure, nous grimpons tout en haut de la grotte pour jouir du meilleur point d'écoute. Je me souviens qu'il y a quarante ans Bernard Vitet avait réussi à avoir les clefs pour y jouer de la trompette le matin avant que la serre s'ouvre au public. Le verre envahi par les plantes produit une acoustique étonnante où les instruments forment un bestiaire incroyable, ou plus exactement parfaitement crédible bien qu'ils ne cherchent jamais la fidélité, mais créent une évocation poétique sensationnelle.


Pour composer Belles exotiques Xavier Roux a utilisé le synchronisme accidentel de trois systèmes stéréophoniques décentrés. Les trois boucles de différentes durées se décalent au fur et à mesure de la journée, renouvelant sans cesse la partition. Les glissés de sa lap steel guitar se mêlent aux sons électroniques pour une symphonie animale dont le silence est l'élément fondamental. Les effets de surprise rivalisent avec ceux de perspective. C'est évidemment très différent de l'album Court-circuit que nous avions enregistré ensemble il y a quatre ans, ou des autres exploits de celui qui se fait souvent appeler Ravi Shardja !

mardi 8 mars 2016

Apéro Boulot Château


Pour cette Journée Internationale des Femmes, aussi condescendante et machiste que la galanterie, j'ai eu envie de ressortir de ses cartons un court métrage apéritif tourné dans les années 80 par Françoise Romand. Portrait d'une entreprise paternaliste de 1800 salariés, il pointe le rôle des femmes dans la société française comme dans celle fondée par Paul Ricard. Les chaînes dansent autour de la bouteille, réunion de "famille" élargie où le syndicat est maison et où les ouvrières sont estampillées Ricard. Il y est question d'héritage et de classes sociales, des perspectives d'emploi des enfants des uns et des autres, et d'une philosophie de l'entreprise où les salariés parlent à la première personne du pluriel pour évoquer leur employeur. Quel pastis !


Le titre de ce petit film livre évidemment une piste sur l'angle choisi par la réalisatrice pour suggérer la manière dont le patronat tient son personnel. Il est facile d'imaginer ensuite comment les élites gouvernent un pays à grand renfort de communication et de bourrage de crânes. Dans Apéro Boulot Château on retrouve le style de Françoise Romand, mise en scène explicite du documentaire, entretiens face caméra, effets de montage où le décor fait partie des protagonistes... Le thème de l'identité y est aussi présent que dans ses longs métrages Mix-Up, Appelez-moi Madame, Vice Vertu et Vice Versa, Passé Composé, Thème Je ou Baiser d'encre. Quel que soit son sujet Françoise Romand n'abandonne jamais la fantaisie, façon habile de prendre du recul avec des évidences présupposées. Ces petits décalages replacent le réel dans la mise en scène sociale qui exploite quotidiennement la naïveté de ses acteurs transformés en spectateurs de leur propre aliénation. La réalisatrice, ici comme dans ses films plus "sérieux", se sert des codes pour les transgresser avec humour, en jouant de sa complicité avec celles et ceux qu'elle filme. Santé !

→ Six films de Françoise Romand sont déjà sortis en DVD, commandables sur son site.

lundi 7 mars 2016

Le plagiat par anticipation


Accompagnant Jean-Hubert Martin dans l'exposition Carambolages qu'il a imaginée pour le Grand Palais, je critique allègrement les textes de nombreux universitaires qui rédigent régulièrement cinq cents pages pouvant franchement se résumer à vingt lignes, et ce dans le meilleur des cas, car dans d'autres il ne reste même pas une seule idée qui leur soit personnelle après qu'on ait réussi à déchiffrer leur pensée confuse. La faute en revient probablement à leur laborieuse scolarité passée qui les poussait à délayer au possible sous prétexte de ne laisser perdre aucun détail, des fois qu'un seul synapse manquant fasse s'écrouler tout leur travail besogneux. Imagine-t-on une thèse dont le poids serait en dessous du kilo ? J'en parle d'autant facilement avec le commissaire de l'exposition que ses propres textes sont d'une limpidité exemplaire, rédigés dans une langue que chacun peut comprendre. Ils fourmillent en outre d'idées, d'exemples basés sur des aventures vécues et les effets de cause à effet s'y révèlent d'un bon sens qui ne saurait mentir. C'est d'ailleurs en lisant son recueil de textes, L'art au large, que mon sang ne fit qu'un tour et que j'osai le contacter pour lui proposer mes services de spécialiste du son en prévision de l'avenir. Devant les cimaises exposant des œuvres a priori disparates, mais liées par une sensibilité, aussi rigoureuse que subjective, à leurs formes ou à ce qu'ils peuvent évoquer en nous, Jean-Hubert Martin me conseille de lire Le plagiat par anticipation de Pierre Bayard. L'écrivain a rédigé l'un des quatre essais du magnifique catalogue de l'exposition aux côtés de Jean-François Charnier et Milan Garcin. Trouver ipso facto un exemplaire du livre de Bayard à la Boutique du Musée m'apparaît sur le moment comme un heureux hasard. À sa lecture je comprends qu'il figure tout simplement une piste menant aux conceptions critiques de Martin.
Mais qui de l'un ou de l'autre est-il le plagiaire ? Publié en 2009 aux Éditions de Minuit, le livre de Bayard figure une clef de Carambolages, alors que la démarche de l'historien de l'art est bien antérieure. Bayard suggère que l'histoire de la littérature et de l'art est faite d'aller et retours entre le passé et le futur, avançant que, s'il est convenu d'analyser l'influence des écrivains et des artistes sur leurs successeurs, l'inverse est parfaitement imaginable, son ouvrage tendant à en apporter les preuves. Ainsi Sophocle aurait plagié Freud, Voltaire Conan Doyle, ou Fra Angelico Jackson Pollock. Ayant bouclé cette facétie littéraire, car Bayard manie l'humour avec le sérieux de l'universitaire, je comprends que sa théorie ne tient la route que grâce au lecteur. Comme Lacan évoquant le cristal de la langue, s'émanciper de la chronologie tient d'un cristal de l'œil (le cristallin ?), redressement inconscient de l'image inversée dès le plus jeune âge, qui réfléchit les époques sans se préoccuper des dates. Notre cerveau assemble alors les connaissances comme les images par des associations analogiques où des bribes du futur viennent s'immiscer dans le passé. Qu'importe alors la sacro-sainte chronologie que les musées nous imposent scolairement quand notre sensibilité dessine des lignes entre des points éloignés (les relier est un petit jeu que connaissent tous les enfants) pour former notre dessein (c'est bien la proposition faite par Martin à chaque visiteur de fabriquer avec des magnets son propre itinéraire sur le mur des réinterprétations situé dans l'escalier qui mène au premier étage du Grand Palais). La démarche de Jean-Hubert Martin joue des incertitudes de l'Histoire en privilégiant les actes prémonitoires des artistes, les voyages au long cours et la modernité des fantômes qui hantent nos musées. Les grands esprits dont on dit qu'ils se rencontrent s'affranchissent ainsi de la chronologie pour dialoguer entre eux et, le plus extraordinaire, avec nous qui les admirons, quelle que soit la distance.

Illustration : projections de peinture du couvent de San Marco à Florence repérées par Georges Didi-Huberman.

vendredi 4 mars 2016

Carambolages : 7. N'oubliez pas vos écouteurs


Le parcours musical de l’exposition Carambolages s’appuie sur la mise en espace des œuvres, chaque cimaise bénéficiant d’une ambiance sonore qui lui est propre. 27 ont ainsi été dénombrées avec Jean-Hubert Martin, incluant « le mur des réinterprétations » entre les deux étages.
Chacune de ces ambiances met en situation la série d’œuvres de la cimaise, offrant à chaque visiteur muni de son smartphone et d’un casque audio de vivre une expérience immersive axée sur la sensibilité. Les choix musicaux et sonores sont complémentaires plutôt qu’illustratifs, laissant à l’imagination de chaque visiteur la liberté de vagabonder.
La continuité sonore joue de l’alternance dramatique tension/détente en encourageant les surprises. Certaines évocations peuvent paraître évidentes, d’autres, plus énigmatiques, sollicitent l’imagination de chaque visiteur. L’effet Marabout, Bout de ficelle… se niche dans des détails renvoyant les séquences les unes aux autres.
Ces ambiances sonores peuvent être purement musicales (j'en ai enregistré quelques unes en compagnie du violoncelliste Vincent Segal et du saxophoniste-clarinettiste Antonin-Tri Hoang), bruitistes (reconstitutions en studio), paysagères ou documentaires (field recording avec traitement électroacoustique).
Techniquement elles sont constituées de boucles stéréophoniques d’environ 1 minute 30 chacune.
Le résultat final est une suite musicale tels les tableaux d’une exposition dont la seule logique est celle de l’imaginaire.


Dans le cadre de ce discours de la méthode que j'ai toujours pratiqué, j'aurais aimé justifier mes choix artistiques, mais cela risquerait de désamorcer les effets de surprise et d'interprétation de chaque visiteur. De même que les titres des œuvres défilent sur des écrans après que l'on ait pu les admirer, donc sans influencer son approche, je reviendrai probablement sur la mienne lorsque l'exposition sera terminée, dan,s quatre mois !
L’application gratuite pour smartphone (iOS et Android), téléchargeable sur le site du Grand Palais et à l'entrée de l'exposition, offre de naviguer par clavier, liste ou plan de l’exposition. La suite des 27 étapes du parcours musical peut ensuite être réécoutée à la lecture du catalogue en suivant les références indiquées sous chaque séquence musicale de l'application. Si vous ne possédez pas de smartphone vous pouvez tout de même en écouter l'enchaînement sur le site de la RMN ou sur drame.org. Mais pour en profiter au Grand Palais pour lequel elle a été conçue, n'oubliez surtout pas vos écouteurs !

Articles précédents sur Carambolages : 1. Le regard / 2. Synchronisme et mp3 / 3. Suivez le guide / 4. Le parcours sonore / 5. Trois angles / 6. L'origine

jeudi 3 mars 2016

Drôle de mélange


Hier après-midi. Quelques minutes d'un drôle de mélange. De gros flocons blancs volaient dans tous les sens. Les feuilles du palmier et les bambous ont commencé à plier, mais le vent les secouait et le soleil les a fait fondre. Le silence s'est effacé sous les gouttes. J'ai imaginé des fruits exotiques, bananes et mangues fraîches, relevés au piment de la Réunion, nappés de copeaux de glace à la noix de coco et d'un sorbet au cacao amer. Ou bien un guacamole comme celui que je viens de préparer, oui c'est ça ; un gros avocat du Pérou mixé avec un oignon rouge, une tomate, quelques herbes, du citron, une bonne cuillérée de miel, un bouillon dashi, une pointe de gingembre, du poivre Sansho. La buée sur le miroir gommait ma silhouette un peu large. Une barque m'attendait derrière le mur de briques. J'ai plongé. Lorsque je me suis réveillé, le vent avait repris de plus belle, j'ai failli m'étaler sur le pont inondé, les clochettes suspendues un peu partout tintaient à qui mieux mieux, de l'âtre soufflait une corne de brume en rafales comme si cela venait d'en bas. Quelqu'un s'est demandé tout haut combien de fois il verrait encore la neige tomber...

mercredi 2 mars 2016

Carambolages : 6. L'origine


Dans la plupart des expositions qu'il conçoit, la démarche de Jean-Hubert Martin est foncièrement politique. En mettant en avant le plaisir plutôt que la leçon dogmatique, il permet généreusement aux visiteurs de s'approprier les œuvres, sans distinction de classe, de connaissances culturelles ou d'âge. Ce mouvement s'applique d'abord aux œuvres, puisqu'elles sont issues de tous les coins du monde, de tous les temps, mêlant inconnus et célébrités, autodidactes et érudits... Il a choisi de nous faire découvrir des objets rares, surprenants, qui d'abord nous interrogent. Car Carambolages pose plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. Je me suis longtemps demandé pourquoi les enfants perdaient leur inventivité initiale : c'est simplement lorsqu'à l'entrée au cours préparatoire on leur donne les réponses avant qu'ils aient le temps de poser les questions ! L'exposition du Grand Palais est un retour en enfance avec les attributs de la sagesse.


Conséquence formidable de la fin des années 60 et du début des années 70, Carambolages ramène l'imagination au pouvoir, initiative salutaire en ces temps sombres où la liberté a perdu ses lettres de noblesse. Les jeunes y sentiront le souffle de la révolte qui gronde, celle de l'impossible qu'on oppose au réel et qui pourtant l'incarne mieux que la léthargie de l'orthodoxie. Godard disait que la culture est la règle et que l'art est l'exception. Tout ce qui est montré au Grand Palais et la manière de le présenter est exceptionnel. L'intimité retrouvée face aux œuvres offre de voir l'invisible. Contrairement aux sciences dites exactes, la poésie est éternelle, du moins tant qu'il y aura des hommes et des femmes. L'art est aussi le dernier rempart contre la barbarie.


Journal de bord, discours de la méthode, c'est le sixième billet que j'écris sur l'exposition, mais je n'ai pour ainsi dire évoqué aucune œuvre. En vue de l'illustrer j'ai photographié Annette Messager, Joseph Heinz le Jeune, Damiano Cappelli (regardez l'ombre ! Dans cette expo il faut chercher les détails...), un reliquaire du XVIIe, et puis Bertrand Lavier, Hergé, Joachim-Raphaël Boronali, dit «l’Âne Lolo», Clovis Trouille, Pierre-Alexandre Aveline, Matthieu Dubus, ou les quatre écrans de Jean-Jacques Lebel... Dire que je préfère telle ou telle œuvre serait absurde. C'est l'ensemble qui fait sens, chacune renforçant l'autre par des effets de montage dignes du cinématographe. Passé les successions, se dessinent des rimes, associations d'idées et de formes que le roman graphique de Jean-Hubert Martin fait naître en chacun de nous, selon nos propres références, renvoyant l'émotion à notre vécu pour la projeter dans le futur. Le patrimoine de l'humanité est un vivier inépuisable que nous réinventons sans cesse, par notre regard. Le néon de Maurizio Nannucci est explicite : Listen to Your Eyes. Pour croire ce que l'on voit, il faut d'abord apprendre à voir, l'interpréter. Si tout se passe comme espéré, il y aura autant de versions que de visiteurs...


Le Do It Yourself du grand escalier s'intitule Le mur des réinterprétations. Chacun peut réorganiser l'exposition en agençant à sa guise les 180 magnets au lieu de suivre la continuité imaginée par Jean-Hubert Martin. C'est une pirouette, cacahuète. Une exposition est comme une œuvre : terminée elle appartient au public. À vous de vous en saisir ! Carambolages est une partie de plaisir, aussi drôle que profonde, aussi grave que légère, aussi provocante qu'apaisante, aussi surprenante que passionnante... C'est un nouveau théâtre du monde, bouillonnant évènement annonciateur d'un autre temps !

Articles précédents sur Carambolages : 1. Le regard / 2. Synchronisme et mp3 / 3. Suivez le guide / 4. Le parcours sonore / 5. Trois angles

mardi 1 mars 2016

Envolée


À force d'extase on finit par léviter. Prendre de la hauteur ne ferait pas de mal. S'évader du plateau de jeu. Même revigorante, la monomanie de ces derniers jours est une passion dévorante. S'allonger à plat dos et regarder le ciel. Ce que sont les nuages. Champ. Contrechamp. J'apprends à plaquer ma colonne au sol. La clef ? L'étirement. Du bout de l'orteil à la pointe du cheveu. Cela va loin. L'éther. Je suis aux anges. Hé ho je suis là, tu me vois pas, là, tout en haut ? La grande roue se fige. Deux petits points rouges. Vue sur la vie. C'est bon de croire qu'on n'a rien à faire et que l'on ne fera rien ! Doucement redescendre.


Vague illustration de ce que je racontais dans le premier paragraphe, Che cosa sono le nuvole? (Ce que sont les nuages ?) est un mes courts métrages préférés. Pier Paolo Pasolini a tourné ce sketch en 1967 pour Capriccio all'italiana avec Totò (Jago), Ninetto Davoli (Otello), Laura Betti (Desdemona), Franco Franchi (Cassio), le chanteur Domenico Modugno... Sans sous-titres il reste le spectacle de marionnettes. Shakespeare. Je ne me lasse non plus jamais de deux autres sketchs de Pasolini, La Ricotta tiré de Rogopag et La Terre vue de la Lune (sic) tiré des Sorcières... Rapports de causes à effets, je suis imprégné de Carambolages (voir précédents articles) !