La cave est si sombre que j'ai du mal à lire les étiquettes. Avec une lampe frontale et mon iPhone qui supporte mieux l'absence de lumière que le Lumix je suis descendu faire mon Arman sans la casse. Deux fois par an je remplis les places vides avec du rouge et du blanc. En vieillissant le vin se bonifie, mais je le supporte de moins en moins bien. Après deux ou trois verres j'ai un point là, à droite sous le sternum. Nous n'achetons pourtant plus que des vins bio ou naturels. Petits buveurs, nous n'en consommons qu'avec les amis, ici ou ailleurs. C'est bon pour le cœur. C'est doux au palais. Comme je garde les meilleures pour de grandes occasions il arrive que ce soit trop tard et Françoise qui a un nez d'enfer renvoie les bouteilles en prétextant qu'elles sont bouchonnées ou madérisées. Cela me fend le cœur. J'aime bien le vin à table, mais je crois que j'ai toujours préféré les alcools forts. C'est comme le piment, un truc de défoncé. La cave est au sous-sol, le bar est en haut. Mon père qui avait été barman au Ritz, un de ses cent métiers, m'avait appris à composer des cocktails américains, mais plus personne n'y semble attaché. Les traditions se perdent. J'ai pourtant la panoplie complète. Je secoue le shaker pas plus de deux fois par an. La vodka et l'aquavit sont au congélo, mais ce sont les rhums qui descendent le plus vite. Sans compter le vin d'orange et la gentiane de Jean-Claude. Ma préférée, c'est sa liqueur de nèfles. 40 noyaux, 40 sucres, 40 jours à macérer dans un litre à 40°. La poussière recouvre la plupart des flacons. Le vin s'envole chaque fois que l'on va dîner chez des amis. Depuis des années je fais aveuglément confiance à Pierre pour choisir les vignobles. Je n'ai plus qu'à jouer des poids et des haltères pour regarnir les places vides et étancher ma soif... Et puis j'aime l'eau, l'eau fraîche, glacée. En vérité j'aime tout. Tout ce qui se boit, tout ce qui se mange, tout ce qui sent bon, qui sonne bien, tout ce qui est joli à voir et à toucher. Aimer. C'est bon.