70 septembre 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 septembre 2016

Fait suer !


Voilà, c'est fait ! Enfin, presque... J'avais dans l'idée d'installer un jacuzzi dans le fond du jardin, mais Elsa m'en a dissuadé, arguant que cela ramollissait la peau, que c'était un nid bactérien et que les produits pour l'éviter étaient toxiques. Elle vantait par contre les qualités du sauna infrarouge. Les saunas traditionnels montent à 80-100°C et chauffent l'air tandis que les infrarouges montent maximum à 65°C pour un résultat identique car ils chauffent le corps uniquement. De plus, ils ne présentent aucun inconvénient médical (cardiaque, circulation sanguine, etc.) et surtout ils ne diffusent aucune humidité, néfaste à mes histoires lombaires. Je me suis laissé convaincre, optant pour un grand sauna extérieur en promo chez Atrium-Concept. La responsable commerciale m'avait assuré que j'y tiendrai allongé, mais c'est en biais, compressé, avec les bras croisés sur la poitrine, façon Houdini ! Mes cent soixante dix centimètres ne s'y étireront confortablement qu'à condition que je fabrique une rallonge triangulaire...


Le sauna étant livré en kit, six cartons d'un total de 500 kg, je me suis évidemment fait aider. Il a d'abord fallu le descendre du camion et nous n'étions pas trop de cinq ce matin-là. Pascal a failli mourir étouffé, Sun Sun s'est coincé les cervicales, Youenn a tenu contre vents et marées ! Ruslan et moi avons ensuite suivi les différents modes d'emploi, puzzle d'informations qui mériteraient une bonne actualisation. Nicolas et Elsa sont heureusement arrivés à la rescousse pour placer le plafond qui pèse un âne mort. Mais nous n'étions pas au bout de nos peines. Nicolas avait beau avoir coupé une des ramures du laurier, il a fallu en scier deux autres hautes de dix mètres qui mettait en danger la bicoque. J'ai donc acheté une tronçonneuse dont le prix de location à la journée était pratiquement le même. On voit le ciel.


Tout semblait aller comme sur des roulettes, mais le disjoncteur sautait. Nous avons donc remplacé le fil d'une section de 2,5mm² qui s'échauffait probablement par un de 6mm². Le transfo de 40A semble supporter la puissance de 3225W des 11 convecteurs. En l'essayant le soir-même avec Françoise nous nous sommes aperçus qu'un des convecteurs restait éteint. Le lendemain je redémontais les banquettes pour comprendre que c'était le jus qui ne l'alimentait pas, puis une partie du toit pour vérifier que tout était correct là-haut également. Avant que j'acquiers l'objet j'avais des gens chaleureux, pleins de bons conseils, au téléphone, mais depuis l'achat le SAV ne répond plus que par mail... Comme je dois trouver où est le fil débranché dans la paroi du fond, un des commerciaux a fini par me rappeler. On va y arriver...


La bonne nouvelle, car il y en a une et de taille, c'est que c'est génial ! Nous en profitons 20 minutes chaque matin et chaque soir. D'ici peu j'espère avoir réglé tous les problèmes électriques. Y sont même installés d'origine un système de chromothérapie et un auto-radio ! Nous avons sué avec le Scar Joe Henry, les Variations Goldberg par Glenn Gould, Daniel Erdmann's Velvet Revolution et le coffret des Grandes Heures de la Radio commentées par Pierre Schaeffer, ceci sous ambiance monochrome rouge. J'ai ajouté une petite table ronde et un banc-coffre, une douche de jardin branchée sur le tuyau d'arrosage et remplacé les cailloux de l'allée par un caillebotis de bois. Nous n'utilisions plus le fond du jardin, depuis plus de dix ans que les feuillages avaient transformé le jardin zen en jungle impraticable. Plus rien ne poussait dans le sous-bois derrière les bambous, à l'ombre du charme et du laurier. Construire la cabane et son environnement boisé a utilement et psychologiquement doublé la surface du jardin. Nous voilà fin prêts pour affronter l'hiver.

jeudi 29 septembre 2016

Rome sourit à l'ONJ


Après Paris et Berlin, le chapitre Rome de l'Orchestre National de Jazz dirigé par Olivier Benoit est le premier qui m'accroche véritablement. Les précédents étaient trop chargés, manquant de respiration. Les deux compositeurs invités, Benjamin de La Fuente et Andrea Agostini, alternent la véhémence propre à cet ensemble de virtuoses et des passages plus intimes. Si la musique me plaît beaucoup plus, est-ce pour ses coïncidences avec mon propre travail de grand orchestre au sein d'Un Drame Musical Instantané dans les années 80 ? Je ne suis pourtant pas convaincu par les extraits du film Gente di Roma que de La Fuente a insérés dans sa partition, plaqués là sans relation musicale. Je reste aussi toujours sceptique sur la thématique des trois capitales européennes qui sonnent comme des prétextes sans que j'en saisisse sérieusement la particularité locale. Par contre, les climax m'embarquent et je crois entendre Bernard Vitet quand le trompettiste Fabrice Martinez soliloque sans embouchure. Comme dans Rome: A Tone Poem of Sorts d'Agostini les claviers sont à l'honneur, Sophie Agnel au piano (préparé) ici, Paul Brousseau au Fender et effets dans la pièce précédente. Ils participent à la richesse variée des timbres comme tout le reste de l'ONJ. À noter que le directeur artistique Olivier Benoit a cédé sa place de guitariste à Didier Aschour et que Sylvain Daniel remplace Bruno Chevillon à la basse électrique. Le clarinettiste Jean Dousteyssier, les saxophonistes Alexandra Grimal et Hugues Mayot, le trombone Fidel Fourneyron, le violoniste Théo Ceccaldi et, last but not least, le batteur Éric Échampard complètent cet ensemble solidaire qui présentera le programme Europa Rome le 5 octobre au Carreau du Temple. Comme dans plus en plus de productions qui s'en réclament, n'attendez pas du jazz, mais une musique inventive qui s'affranchit des styles en allant piocher aussi bien dans le rock, la musique contemporaine, l'improvisation que les évocations cinématographiques.

→ ONJ, Europa Rome, ONJ Records, dist. L'autre distribution, sortie le 21 octobre 2016.

mercredi 28 septembre 2016

Hergé au Grand Palais


Il y avait ceux qui étaient abonnés à Spirou, les autres à Tintin. Moi, c'était Tintin. Chaque mercredi, si je me souviens bien, l'hebdo tombait dans la boîte aux lettres. Les aventures de Tintin paraissent encore dans le journal à raison de deux pages par numéro qui structurent le feuilleton en terminant chaque fois par un point d'orgue. Fin des années 50, c'est la période Coke en stock, mais mon premier album sera une réédition de L'oreille cassée. Trente ans plus tard j'acquerrai progressivement l'intégralité des 24 albums pour les jours de pluie en Bretagne. Quant à ma volumineuse collection de journaux, j'en ferai cadeau à un ami qui disparut avec. Aujourd'hui j'ai acheté le catalogue de l'exposition Hergé au Grand Palais et un porte-clef pour celle de ma bagnole, histoire de remplacer la tête de mort qui y pendait. C'est par Tintin que je suis venu à la bande dessinée. Mon scoutisme, entre 8 et 11 ans, y a trouvé ensuite quelques échos ! Georges Rémi, dit Hergé (1907-1983), a su populariser un style que Joost Swarte appela la ligne claire : contour systématique des éléments du dessin ; couleurs en aplats, ni ombres ni dégradés ni hachures ; phylactères rectangulaires dont textes en bas-de-casse ; scénario rigoureux ayant recours aux ellipses, etc. Mais l'exposition montre que le père du petit reporter avait d'autres talents...


Évidemment ses toiles peintes dans les années 60 ne peuvent rivaliser ni avec le reste de son œuvre, ni avec les peintres qui l'inspirent. Sa collection compend Dubuffet, Fontana, Alechinsky, Raynaud, Lichtenstein, alors que lui-même ne sait que singer Miró, Modigliani ou Klee. Hergé, sensible aux avant-gardes picturales de son temps, fascine nombreux artistes plasticiens, comme Andy Warhol qui en réalise quatre portraits dont deux sont exposés ici. D'autres vitrines montrent les objets qui ont inspiré certains albums, comme le fétiche à l'oreille cassée ou les échanges avec le vrai Tchang, rencontré en 1934 à Bruxelles.


N'étant pas passionné par la technique, je suis tout de même surpris, comme avec de nombreux dessinateurs, par les planches crayonnées montrant le travail laborieux, d'"horloger bénédictin", pour aboutir à l'image définitive. Je suis plus sensible à la scénographie qui invite le visiteur à se projeter dans l'univers de Tintin. Les murs l'agrandissent à taille humaine, comme si nous habitions les cases. Certaines salles sont discrètement sonorisées, nouvelle tendance de la muséographie qui ne peut que me séduire. Du travail en perspective pour les designers sonores ! Les scènes miniatures prolongent le marketing où Tintin, le Capitaine Haddock, le professeur Tournesol, les Dupont sont déclinés depuis longtemps en matière plastique...


À la librairie du Grand Palais pullulent les ouvrages consacrés à Hergé et ses personnages, et le catalogue de l'exposition est une mine d'or. On est vite attiré par les objets dérivés qui nous font revivre notre enfance où nous nous identifiions au petit reporter, rêvant que nos animaux de compagnie prennent la parole comme Milou. La force d'Hergé est d'avoir su nous faire entrer dans un monde imaginaire qui a un pied dans le réel. Il n'y a qu'un pas à faire la démarche inverse pour que notre quotidien bascule dans la bande dessinée. Les tentatives d'adaptation cinématographique ont toujours été vouées à l'échec, car ces films, en portant Tintin à l'écran, se substituent à notre propre système d'identification, ils nous volent la part de rêve que nous avons intégrée et assimilée dans notre enfance et dont nous ne voulons pas nous défaire, ce qui est plutôt sain si l'on y réfléchit bien. Les films sont plats alors que notre imaginaire est à trois, voire quatre dimensions. Le champ couvert par les aventures de Tintin est immense, que nous voyagions dans un pays étranger ou prenions l'avion, buvions un verre de trop ou fumions un joint, pensions à la Lune ou rêvions d'un trésor, n'arrivant pas à nous débarrasser d'un collant ou jurant mille sabords contre l'adversité... Mais surtout Hergé a déjà intégré les ressources du cinéma à ses découpages, avec plus de malice que ceux qui font le mouvement inverse.


L'exposition du Grand Palais révèle l'incroyable talent du dessinateur lorsqu'il travaille pour la publicité. Dans les années 30 il réalise quantité de magnifiques affiches de "réclame", faisant encore une fois revivre une autre époque. Car Tintin, comme Quick & Flupke, ou Jo, Zette & Jocko, se réfère à un passé où l'on pouvait encore rêver d'île déserte et de trésor caché, ses derniers albums glissant progressivement vers un monde trop proche du réel pour autant nous éblouir. Il y eut par contre de nombreuses polémiques sur les premiers où le racisme, le colonialisme et l'anticommunisme étaient risibles tant ils étaient pitoyables. La grande période se situe entre les deux, quand le dessinateur multiplie les personnages comiques. Il nous permet aussi de prendre une distance critique sans affaiblir son récit. C'est la magie de Hergé, que chacun (je ne dis pas chacune, car c'est un monde tout de même très masculin où la seule femme est une cantatrice ridicule) puisse s'approprier ses histoires à sa manière. L'exposition s'évertue à prouver que l'art mineur de la bande dessinée est chez Hergé à la hauteur des autres arts, or les seuls mineurs de cette histoire sont les lecteurs qui ont su garder leur part d'enfance.

Exposition Hergé, Grand Palais, organisée par la Réunion des Musées Nationaux et le Grand Palais en collaboration avec Le Musée Hergé, 9 et 13€, jusqu'au 15 janvier 2017
Catalogue Hergé, Éditions Moulinsart & Les éditions Rmn-Grand Palais, 304 pages, 600 illustrations, 21 x 24.8 cm, relié, 35€

mardi 27 septembre 2016

Ursus Minor : What Matters Now


Aucune surprise. Je m'y attendais. En fait c'est le contraire. Le nouvel album d'Ursus Minor est un chef d'œuvre. C'est la surprise ! Ce n'est pas une contradiction, juste un poil de dialectique. Un poil de raton laveur, un "chat sauvage" que la Communauté européenne a scandaleusement décidé d'éradiquer, ici avec un bâillon rouge sur le museau pour éviter les puanteurs de nos sociétés sous contrôle, les gaz lacrymo de la ZAD et des manifs engrillagées de Paris. What Matters Now file la pêche parce qu'il est d'une énergie débordante et qu'il invente de nouvelles utopies. Le livret de 140 pages, bourré d'illustrations et de photographies, est un pavé dans la gueule de celles et ceux qui n'y croient plus ou qui font la sourde oreille. L'affirmation aussi de l'objet physique contre la dématérialisation de la virtualité vampirique.
Ce qui compte maintenant se décline en quatre parties : The Living Present, Land of The Tree, Talking Drums et A Simple Chronological Series. Au début la voix de Serge Quadruppani lance "la joie et la colère sont les deux passions de ce mouvement" pour qu'enchaînent et se déchaînent les rappeurs minnesotiens Desdamona et deM atlas. Leurs syllabes sont des cocktails Molotov, leurs vers des cris d'espoir. Mais Ursus Minor c'est d'abord le compositeur Tony Hymas, toujours aussi discret et efficace au clavier. Il est entouré du trio de choc constitué du sax baryton François Corneloup, du batteur Stokley Williams et d'un nouveau guitariste, Grego Simmons, encore plus hendrixien que ses prédécesseurs, Jef Lee Johnson et Mike Scott. De Jef Lee, passé dans un pays de nulle part, il reprennent le Move avec son dernier batteur, Patrick Dorcéan, parmi d'autres covers comme Notre Dame des Oiseaux de Fer de la bande Hamon Martin, Brown Baby d'Oscar Brown Jr ou Rythme Futur de Django Reinhardt... Plus rock que jazz, plus funk que pop, le double CD me fait danser sur ma chaise. Il rappelle les meilleures heures de l'Histoire de la musique populaire, quand elle épouse ou annonce les temps à venir, sans jamais désarmer parce qu'on n'a pas le choix, qu'on ne l'a jamais eu et qu'on ne l'aura jamais. On peut préférer dormir, calfeutré dans son petit confort, mais la mort est au bout du chemin. Pour chacune et chacun. Il reste peu de temps.
Seconde partie après un tendre intermède par Le Pont sur la Vézère où la clarinette de Manon Glibert rappelle que l'enregistrement s'est tenu à Treignac, berceau du festival Kind of Belou, complice de cette équipée ravageuse. La chanteuse soul Ada Dyer entre en scène avec un I Don't Live Today, Hendrix de circonstance. Puis c'est au tour de Dominique Pifarély de rejoindre le quartet et les Américaines. Son violon allume de nouvelles mèches, clins d'œil aux USA, parce qu'il est évident que c'est à leur rythme qu'Ursus Minor nous fait vibrer, même si le duo du Bénéfice du Doute, Mael Lhopiteau à la harpe celtique et Timothée Le Net à l'accordéon, et le Chœur des Belous viennent renforcer la ZAD Song qu'ouvre Sylvain Giro : "Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous empruntons celle de nos enfants". Le premier disque s'achève avec un tendre et bel hommage à Val, Valérie Crinière qui nous manque cruellement, murmuré par la jeune Anna Mazaud.
Après les revendications anarchistes de The Words of Lucy Parsons, le comédien Frédéric Pierrot déclame La meilleure des polices de Mohamed Bourokba (La Rumeur), le jeune Léo Remke-Rochard slame de l'autre côté du miroir noir, le limousin Bernat Combi à son tour excitant occitan, Stokley toujours aussi Wonder, et les illustrateurs Zou, Laurent Lebot, Emre Ohrun, Florence Dupré la Tour, James, Val K, et toute la bande au groove impeccable, à la tchatche qui raconte comment le monde est et comment il pourrait être, sans la gabegie des profiteurs du Capital... J'oubliais : et un raton laveur ! What Matters Now est un disque dense d'un groupe qui danse, un pansement qui pense, une sentence qui fait sens...

→ Ursus Minor, What Matters Now, Hope Street, dist. L'autre distribution

lundi 26 septembre 2016

Finis les moustiques !


Il y a probablement des récipients ou des flaques d'eau stagnante pas loin de chez nous pour que les moustiques continuent à pulluler tout au long de l'année. Ayant déjà installé une moustiquaire au-dessus du lit de La Ciotat sur la terrasse en plein air, Anny nous a suggéré d'adopter le même système, soit un cadre en bambou fixé au-dessus de notre lit à Paris. Je conserve pieusement tous les grosses tiges coupées du jardin, mais cette fois les tuteurs portent le voile. Bon sang de bons soirs, je peux enfin dormir tranquille sans porter le deuil des culicidés qui me harcèlent, gourmands de ma viande AB+.

vendredi 23 septembre 2016

Daniel Erdmann's Velvet Revolution


Après les disques et concerts du trio Das Kapital ne pourrait-on parler d'un all-star tant leurs prouesses isolées sont à la hauteur des espérances de leur ensemble ? À moins qu'ils ne s'agisse de divergences politiques annonçant la création de nouveaux partis ? J'ai maintes fois vanté celles du batteur tourangeau Edward Perraud avec qui j'ai eu souvent la chance de jouer en public et enregistré les albums Rêves et cauchemars et Anatomy. Il se pourrait bien qu'un jour ma route croise également celle du guitariste danois Hasse Poulsen, aussi incroyable en acoustique qu'en électrique, mais aujourd'hui c'est le saxophoniste allemand Daniel Erdmann avec son trio Velvet Revolution qui sort un album aussi beau, lyrique et romantique que ceux des deux autres, A Short Moment of Zero G.
Musique de chambre liée aux instruments utilisés, vibraphone pour Jim Hart, violon et alto pour Théo Ceccaldi et sax ténor pour Erdmann, les compositions du leader sont à la fois habitées, déterminées et délicates. Les lames assurant l'harmonie, les cordes la seconde voix, l'anche joue littéralement sur du velours avec les inflexions révolutionnaires auxquelles le sax aylerien nous a habitués, restes probables des fanfares d'Allemagne de l'Est dont les mélodies sont sur les lèvres. La langue d'Erdmann est celle du free, une musique tonale héroïque qui laisse à chaque musicien la liberté de s'exprimer et place l'auditeur en apesanteur. C'est tout bonnement magnifique.

Daniel Erdmann's Velvet Revolution, A Shift Moment of Zero G, CD BMC Records, sortie le 14 octobre 2016

jeudi 22 septembre 2016

Extinction des feux


Que restera-t-il du rayonnement de la France à l'étranger après le démantèlement de sa culture ? L'Hexagone a longtemps joui d'une réputation exceptionnelle malgré sa taille et son pouvoir économique relativement riquiquis. Le coq serait-il une grenouille qui se veut aussi grosse que le bœuf ?
Lorsqu'un étudiant voulait apprendre la philosophie il n'avait le choix qu'entre l'Allemagne et la France. On l'appelait aussi le pays des Droits de l'Homme. Nombreux états étaient restés francophones. C'était aussi la langue des diplomates. Depuis trente ans, qu'ils soient explicitement de droite ou qu'ils fassent semblant d'être de gauche, nos gouvernements successifs n'ont eu de cesse de diminuer les crédits à la culture. Oh, il reste encore des cinéastes, des écrivains, des musiciens, des plasticiens, des photographes, des danseurs, etc., des intellectuels comme on s'enorgueillissait, mais leur statut est de plus en plus précaire. L'exception culturelle est menacée par le TAFTA. Les actionnaires n'ont que faire de la renommée, ils briguent des dividendes, un point c'est tout, un point sur le caca-rente. Les artistes ont toujours été le dernier rempart contre la barbarie.
Quant aux Droits de l'Homme, ils n'ont jamais été autant bafoués depuis Vichy. Nous sommes loin de l'époque où nous accordions le droit d'asile aux réfugiés politiques et où nous accueillions les immigrations, conséquences des dictatures espagnole ou portugaise, ou de l'indépendance de nos anciennes colonies. Certains pensent-ils que je mélange tout ? Bien entendu. La culture passe par la diversité. L'Allemagne nazie a détruit ses racines en massacrant ses minorités. La France d'aujourd'hui stigmatise les différences et favorise les replis communautaires. Cela sent mauvais. Les anglo-saxons se moquent de notre intolérance sous couvert de laïcité. Tout est encore possible, le pire et le meilleur. La pente est glissante. La résistance s'organise, mais dans le désordre, parce que les uns et les autres ont oublié la solidarité interprofessionnelle. Il n'est par exemple de grève efficace que générale. Comme le clamait en 1960 le papy du film de Jacques Rozier, Adieu Philippine, "En France on n'a pas de pétrole, mais on a des idées." Est-ce encore vrai ? Ou bien imitons-nous les États Unis avec dix ans de retard ? Nous avons enfin nos Républicains et nos Démocrates, mais question culture nos moyens sont loin de ceux de l'industrie américaine qui a toujours su se servir du soft power. L'image de marque et les dividendes.
Mon billet est un peu foutraque. Il m'a été inspiré par ma photographie du somptueux palais qui héberge la Chambre du Commerce et de l'Industrie, avenue Friedland. Un grand écart entre les restes du monde ancien dont on feint l'actualité toujours vivante et la difficulté d'imaginer un autre avenir que celui que nous impose le néo-libéralisme. Un peuple n'existe véritablement que par sa culture, sa langue, sa musique, et sa vivacité ne se régénère que grâce aux sangs nouveaux... La richesse de notre pays tient essentiellement à la variété de ses autochtones, de celles et ceux qui sont venus jusqu'au bout de la terre, le finis terrae de l'Europe, et qui ne se sont pas embarqués pour des terres plus lointaines. Nous sommes tous et toutes venus d'ailleurs...

mercredi 21 septembre 2016

Mythologies américaines


La force des États Unis est de produire en chacun de nous une mythologie américaine, quel que soit notre point de vue, critique ou fasciné. Le cinéma y participe plus qu'aucun autre médium, fer de lance de son industrie culturelle et soft power qu'appuient même involontairement les résistances internes au pays. À convoquer les années 60 particulièrement riches en contre-culture, les uns s'emballeront pour son cinéma underground avec le film de Gideon Bachmann Underground New York, d'autres plongeront dans la surf culture de The Endless Summer de Bruce Brown. L'une et l'autre ont au moins le mérite d'échapper aux mythologies hollywoodiennes, formatées jusqu'à l'écœurement !



Underground New York répond à la commande de la télévision allemande ZDF en poussant la provocation tant sur le terrain politique que celui du sexe. Diffusé en juin 1968, son titre initial était Protest - Wofür ? (Contester ? Pour quoi ?) ! Il crée la polémique en présentant des cinéastes alors inconnus, des manifestations, des love-in, des spectacles psychédéliques inondés de light-shows, des scènes de nus. Voir Shirley Clarke se faire arrêter alors qu'elle manifeste contre la Guerre du Vietnam avec Allen Ginsberg, Susan Sontag et Tuli Kupferberg a quelque chose d'euphorique ou Andy Warhol vautré sur un divan de la Factory répondre évasivement par oui ou par non aux questions sur la réalité et sa mystification interroge les idées reçues. Grand fan de A Movie, j'ai un petit faible pour les séquences avec Bruce Conner commentant l'extrait de Cosmic Ray et ses manières de danseur dont ses montages sont le reflet. Côté commentaire, Bachmann s'en est justement épargné. Ainsi le livret de 50 pages accompagnant le DVD devient le complément indispensable de sa projection. De même le champ/contrechamp passionnant des bonus Jonas de Bachmann et l'extrait de Walden de Jonas Mekas, le premier montrant le cinéaste lithuanien filmer le second, complètent ce panorama où se retrouvent également Michelangelo Antonioni, Adolfas Mekas, George et Mike Kuchar, Carl Linder, Maurice Amar, Gerd Stern, Jud Yalkut, etc. Pas de hasard, Bachmann est un ancien élève de Hans Richter au City College de New York, condisciple de Clarke et Mekas. Document exceptionnel, Underground New York ravira les amateurs de cinéma expérimental.


Si vous trouvez que le "cinéma non narratif" est trop intello, bien que l'un n'empêche pas l'autre, vous pourrez vous régaler de The Endless Summer, film-culte de la cool attitude, où Bruce Brown suit et commente non-stop les aventures des pionniers Robert August et Mike Hynson surfant sur les vagues du Sénégal, du Ghana, de l'Afrique du Sud, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de Tahiti et d'Hawaii avant de retourner en Californie. On plane totalement, même si l'humour de Brown est souvent condescendant pour les "tribus primitives" croisées sur les plages. Le film, en cela, est fondamentalement américain, les surfers à la recherche de la vague parfaite colonisant les flots d'une hauteur typique. Tourné en 1966, devenu un véritable mythe, il fut le premier à s'intéresser à l'univers du surf et les images ont conservé la magie de ces équilibristes au milieu des grands espaces maritimes. La surf culture annonce déjà le fantasmatique sex, drugs and rock 'n roll, les hippies et la libération sexuelle dont le surf n'est qu'une métaphore.

→ Gideon Bachmann, Underground New York, DVD, Re:Voir Video, 19,90€
→ Bruce Brown, The Endless Summer, DVD et Blu-Ray, Carlotta, 20,06€ et coffret collector avec un livre de 176 pages 44,99€, sortie le 17 octobre 2016

mardi 20 septembre 2016

Touriste dans sa ville

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Lorsque l'on se promène à pied dans sa propre ville plutôt qu'en voiture, en transports en commun et même à vélo on découvre ses ressources comme n'importe quel touriste. Il suffit de lever la tête pour admirer des cariatides, de la baisser pour ne pas marcher dans une crotte de chien, bon d'accord, nous sommes en France ! À Paris traverser la Seine sur l'un de ses ponts produit un dépaysement instantané. Ainsi je suis allé au bout du Vieux Port avec ma Marseillaise de cœur pour découvrir le Mucem dessiné par l'architecte Rudy Ricciotti.
Je n'ai pas revu Zeev Gourarier, directeur scientifique des collections du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, depuis Jours de Cirque en 2002 au Grimaldi Forum de Monaco, dont j'avais composé la musique et le partition sonore. L'autre grande exposition à laquelle j'avais participé et dont Zeev fut le commissaire était Il était une fois la fête foraine à la Grande Halle de La Villette en 1995, suivie de ses versions japonaises à Omuta et Osaka. Chaque fois le scénographe Raymond Sarti m'avait offert la liberté extraordinaire d'imaginer l'intégralité sonore de ces immenses espaces pour recréer l'illusion et immerger les visiteurs dans un autre monde. Il m'aura fallu attendre cette année pour ressentir le même plaisir en inventant le parcours musical de Carambolages au Grand Palais grâce à Jean-Hubert Martin. J'aimais beaucoup la fantaisie de Zeev Gourarier, son enthousiasme à dénicher des objets incroyables. Peut-être qu'une occasion se représentera-t-elle un jour ? Je continue heureusement à collaborer avec Raymond Sarti qui a reçu hier soir le Prix Paris Shop & Design dans la catégorie "Culture et loisirs" pour la Maison de l'île de la Réunion dont j'ai composé la musique diffusée dans la rue.


Mais revenons à nos sardines. Françoise n'avait jamais visité le Fort St-Jean, probablement fermé au public pendant de très nombreuses années. Une passerelle de 130 m de long le relie au Mucem. Sur la première image on aperçoit au loin la néo-byzantine Cathédrale Sainte-Marie-Majeure et sur l'autre la seconde passerelle entre le fort et l'esplanade de la Tourette. Des enfants plongent dans l'eau entre les édifices pour rejoindre l'autre bord. Les jardins poussent à la flânerie. L'ensemble architectural mariant l'ancien et le nouveau est particulièrement réussi, plus astucieux que l'intérieur du musée trop en prise avec la lumière qui ne facilite pas les expositions. Les scénographes qui passent derrière les architectes doivent souvent ruser après s'être arraché les cheveux ! En revenant sur le Vieux Port nous en avons plein les jambes et je propose à ma compagne un tour de grande roue, mais les préposés sont penchés sur un problème technique et nous ne pourrons pas admirer Marseille de tout en haut cette fois-ci... Nous nous rabattons sur une bonne table, méthode de rattrapage qui a toujours fait ses preuves !

lundi 19 septembre 2016

Le rêve à Marseille

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Tandis que la pleine lune éclaire Marseille et que les surréalistes nous encerclent, devons-nous craindre le fil du rasoir ? Nos yeux grands ouverts sur l'exposition Le rêve qui démarre au Musée Cantini, nous n'éviterons pas les lèvres de Man Ray que l'on retrouve sur l'affiche ni Un chien andalou réalisé par Buñuel et Dali. À vouloir rassembler des œuvres d'art sur la thématique du rêve, les commissaires Christine Poullain et Guillaume Theulière ne pouvaient que convoquer les peintres qui épousèrent un temps le surréalisme, soit Magritte, Ernst, Man Ray, Miró, Picasso, Bellmer, Brauner, Chagall, Domínguez, Tanguy, Breton, etc.


Et, si l'on remonte à la fin du XIXe siècle quand éclot la psychanalyse, Rodin faisait déjà résonner sa Voix intérieure, Félix Valloton laissait rêver sa Femme nue assise dans un fauteuil, Odilon Redon dessinait le profil de la lumière, William Degouve de Nuncques pénétrait une Forêt lépreuse, tandis que les cauchemars de Goya, Victor Hugo, Valère Bernard avaient déjà hanté nos nuits. On voit ci-dessus ceux de Constant Nieuwenhuys et Dado et ci-dessous ceux de Pierre-Amédée Marcel-Berronneau et Victor Brauner, rassemblés avec L'araignée de Germaine Richier (celle de Louise Bourgeois est sur le mur d'un autre étage), L'horreur d'Alfred Kubin, La femmoiselle de Jacques Hérold.


La centaine d'œuvres, classées selon une thématique où le rêve révèle l'imaginaire transgressif des artistes, où il interprète l'inconscient et permet toutes les outrances, sont autant de passages à l'acte qui leur échappent. Sommeil, nocturne, rêve, fantasme, cauchemar, hallucination, réveil se succèdent selon les salles du magnifique Musée Cantini ! Certains font vibrer nos cordes sensibles lorsque nous y retrouvons l'un des nôtres. Cette sympathie onirique est le propre de l'art.

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Le rêve ne s'exprime pas toujours dans le sommeil. Les fantasmes, le plus souvent érotiques chez les peintres et les sculpteurs, sollicitent les voyeurs : Félix Labisse, Wilhelm Freddie, Jindrich Styrsky, André Raffray, Bellmer, Domínguez, Picasso s'y retrouvent. À remarquer que très peu de femmes figurent parmi les artistes exposés. Le rêve n'est pourtant pas un apanage masculin. Il peut être aussi provoqué par quelque substance, comme en expérimenta Henri Michaux. Les photographies de Raymond Hains ou certaines peintures aborigènes participent à ces Hallucinations. Ci-dessus le Portrait visionnaire de Hans Richter sous-titré Extase menacée par le désespoir. Je retrouve une réplique de la Dream Machine de Brion Gysin entrevue il y a quelques semaines au Centre Pompidou pour l'exposition sur la Beat Genration. Serait-ce un signe des temps ? Le besoin d'évasion dans une société en coupe réglée, formatée, sécuritaire, une société où le rêve est un luxe qu'osent seulement celles et ceux qui ne croient pas que la réalité soit immuable... Les artistes entendent diffuser leurs révoltes, ici oniriques, ailleurs revendicatives, indispensablement révolutionnaires !

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Au dernier étage sonne le Réveil. Bernard Plossu, Philippe Ramette, Sandy Skoglund, Darren Almond s'y frottent. Le voyage se termine. J'aurais aimé y retrouver Cocteau, je l'ai peut-être manqué, ou voir réhabiliter Jean Bruller, dit Vercors, dont la Nouvelle clé des songes figure parmi mes bréviaires, mais une exposition thématique comme celle-ci a toujours ses limites, elle permet néanmoins de sortir des limbes des entrepôts de nos musées un patrimoine inestimable que nous interprétons et qui nous fait rêver. C'est le propre de l'art !

Le rêve, Musée Cantini, Marseille, jusqu'au 22 janvier 2017

samedi 17 septembre 2016

Seuls sur la plage déserte


Trois pêcheurs en rang d'oignons sur la plage de La Ciotat. Je doute qu'ils attrapent quoi que ce soit de cette manière, mais tout peut arriver. Sous mon masque je regarde les bancs de poissons jouer avec le courant. Hier nous étions seuls dans l'eau qui n'avait pas bougé de ses 24°C ! Septembre et juin, que ce soit en Bretagne ou sur la Méditerranée, sont des mois idéaux...

vendredi 16 septembre 2016

André Minvielle, 1 time, extime


Avant de chroniquer 1time, le nouveau CD d'André Minvielle, j'ai longtemps cherché mes mots. J'aurais aimé écrire une chanson en bouts rimés pour lui rendre hommage, mais c'est trop de travail. Or j'ai déjà les miennes sur le feu, préparées pour un gros projet perso commencé il y a déjà six ans et que j'aimerais terminer l'année prochaine. Alors voilà, je passe et repasse l'album de Dédé sur la platine en me demandant comment l'aborder.
Ça commence par un Intime One Time forcément extime lorsqu'on l'offre au public en invitant le vieux compagnon Bernard Lubat au piano Fender, un tube nougaresque qui n'annonce pas la couleur tant l'éventail des chansons donne de l'air et des paroles à la chaleur du sud-ouest. Abdel Sefsaf scatte Le facteur d'accent d'une belle originalité, un enfant samplé joue aussi avec les mots en prenant L'ascenseur, le saxophone d'Illyes Ferfera africanise Sacré Eole, le trio de cuivres Journal Intime fait swinguer Le verbier, quantité d'invités formidables donc, avec aussi Fernand Nino Ferrer à la basse, Sylvain Marc à la guitare, Juliette Minvielle au piano, Georges Baux au clavier... Mais surtout il y a le peps de l'auteur, noteur, botteur, dotteur, docteur, moteur, roteur, sauteur, qui jongle avec les vers à faire bouger les jambes d'un cul-de-jatte ! Il improvise parfois, écrit et compose souvent, quand ce ne sont pas les musiques de Lubat, Marc Perrone, Richard Hertel, ou les paroles de Jacques Prévert ou André Benedetto. Il s'est fait construire une mainvielle à roue par Jacques Grandchamp, il éructe et percute, échantillonne des voix du cru et du cuit, ravivant les mythologies de France et de Navarre ou expérimentant pour révéler de nouveaux paradigmes, autant de représentations du monde cachées derrière les mots et portées par la musique de la langue. Héritier de Bobby Lapointe et Claude Nougaro, mélangeant jazz musette et funk occitan, Minvielle a inventé un scat à la française, blues râpé qu'il nomme vocalchimie. À l'ère de l'anthropocène qui menace nos existences, son nouvel album ne s'en laisse pas conter, il jouit de chaque jour qui naît pour en faire une fête... St Cop, brillez pour nous !

→ André Minvielle, 1 time, Complexe articole de déterritorialisation, dist.L'autre distribution, sortie le 23 septembre

jeudi 15 septembre 2016

"Changement de programme" sur WebSYNradio


Je suis perdu. Dominique Balaÿ me demande un programme pour WebSYNradio, sorte de carte blanche sous forme de playliste. Je suis submergé par les 138 heures d’inédits que Radio Drame diffuse aléatoirement sur mon site drame.org. Comment choisir ? Sur quels critères ? Je commence par sélectionner le premier morceau de chacun des 70 albums virtuels, libres en écoute et téléchargement. Trop long, beaucoup trop long, et totalement arbitraire. J’opte ensuite pour un autoportrait composé des pièces les plus intimes. À quoi bon si tout cela est déjà accessible sur drame.org ? Le cahier des charges est trop libre pour me fixer un cadre où la fiction rejoindrait le réel.
La solution à mes interrogations draconiennes apparaît soudain dans l’énoncé de mon incapacité. S’il me semble absurde d’extraire une liste courte des 900 pièces déjà offertes sur mon site, il me suffit de proposer une sélection d’œuvres qui n’y figurent pas ! Ma proposition consistera donc en une suite chronologique de plages de certains de mes disques dans l’ordre de leurs parutions, toutes inédites sur Internet. Comme ces albums sont presque tous en vente dans le commerce je n’en livre en général qu’un extrait pour appâter l’amateur de beaux objets, vinyles aux généreuses pochettes ou CD aux petits livrets illustrés.
Le corpus ainsi rassemblé dessine une histoire qui s’étale de 1975 à 1997, date à laquelle j’ai abandonné la production physique pour le virtuel. Elle commence avec Défense de, disque de Birgé Gorgé Shiroc devenu culte pour avoir figuré dans la Nurse With Wound List, et se termine avec Machiavel d’Un Drame Musical Instantané, collectif auquel je me consacrai pendant 32 ans.
Pour marquer la continuité avec l’époque actuelle j’ajoute néanmoins en prologue mon enregistrement le plus récent, soit la dernière pièce jouée en public au Silencio Club le 30 juin 2016, improvisée en duo avec la platiniste Amandine Casadamont sous le nom de groupe Harpon. Il manque cruellement mes collaborations avec tous ceux et celles qui participèrent à mes derniers albums, soit Vincent Segal, Antonin-Tri Hoang, Pascal Contet, Sophie Bernado, Linda Edsjö, Médéric Collignon, Julien Desprez, Birgitte Lyregaard, Bass Clef, Pierre Senges, Ève Risser, Joce Mienniel, Edward Perraud, Fanny Lasfargues, Sylvain Kassap, Nicolas Clauss, Alexandra Grimal, Ravi Shardja, Sacha Gattino, Yuko Oshima, Pascale Labbé Didier Petit, Étienne Brunet, Éric Échampard, Bumcello et bien d’autres antérieurement. Francis Gorgé qui quitta le Drame en 1992 et Bernard Vitet qui fut mon partenaire de 1976 à 2008 sont évidemment très présents dans la playliste composée pour WebSYNradio.
Changement de programme est à la fois un autoportrait en creux et un montage de scènes où les origines de ma musique sont explicites. Les évocations radiophoniques de mon enfance et mes études cinématographiques m’ont certainement plus influencé que l’Histoire de la musique, même si j’y ai plongé corps et âme, sans omettre aucune époque ni aucun continent. Musique à propos, cinéma pour aveugles, compositions interactives, mon travail appartient désormais aux auditeurs dont l’interprétation est la clef. Je souhaite surtout qu’ils se fassent leur propre cinéma !

→ Jean-Jacques Birgé, Changement de programme, 19 pièces de 1975 à 2016, en écoute sur WebSYNradio qui offre quantité d'autres contributions sonores...
À partir du jeudi 15 septembre à 20h jusqu’au 29 septembre 2016 même horaire.
Podcast direct, mais il vous manquera le détail de chaque pièce et les photos !

mercredi 14 septembre 2016

Panoramique


Il y a deux ans j'avais acheté un des premiers masques de snorkeling Easybreath permettant de respirer sous l'eau comme sur terre, par le nez et la bouche. Le double flux d'air évite la buée, sur le principe d'une VMC domestique. La vision panoramique et la visibilité de l'embout orange complètent les avantages de l'Easybreath, innovation développée à Hendaye par Tribord, une marque distribuée par Decathlon. C'est peut-être aussi une solution pour les porteurs de lunettes...
La première plongée avait été terrifiante, car je m'étais retrouvé entouré de milliers de méduses ! Je n'avais pas non plus compris le principe du mécanisme obstruant le haut du tuba lors d'une plongée plus profonde. Inutile de souffler l'eau comme dans un masque traditionnel, il suffit de ne pas respirer avant d'être remonté à la surface. Comme je pratique la brasse, l'Easybreath, tels tous les autres masques, me permet de ne pas creuser les reins et de m'allonger sur l'eau. Je me suis d'autre part aperçu que je nageais beaucoup plus loin et sans effort lorsque je me transformais en scaphandrier ! Ainsi j'admire les bancs de poissons qui s'écartent devant moi, ceux qui jouent à cache-cache ou à chat, les plantes marines, les oursins... Et je pourrai prévenir Françoise qui n'y voit goutte si les vilaines méduses urticantes étaient de retour !

mardi 13 septembre 2016

Ouh la la !


Voyant certains vieux se figer dans le temps, j'avais demandé à ma fille de me prévenir si elle me sentait glisser vers le gâtisme. Il faut dire que ma propre mère tourne en boucle depuis quelques années. Elle ne s'intéresse plus à grand chose, regarde les jeux télévisés et les infos, ne lis plus de livres et m'appelle tous les jours à la même heure en me posant les trois mêmes questions : "Quoi de neuf ? Tu as du travail ? As-tu des nouvelles de ta fille ?". Comment aurons-nous évolué dans vingt ans ? De quoi s'interroger, voire s'inquiéter de l'avenir !
Elsa lance donc une alerte qu'il me faut bien entendre et assimiler. Deux points la préoccupent particulièrement, le fait que je me plaigne systématiquement et notre surinvestissement pour notre jeune chatte Oulala. J'ai maladroitement pris l'habitude de répondre sincèrement à la question "comment ça va ?" sans pour autant entrer dans des détails scatologiques. Ma vie ayant globalement été jusqu'ici une partie de plaisir, j'en ai probablement honte vis à vis des camarades qui galèrent et je crois de bon ton de placer quelques bémols à ma partition en mode majeur. C'est stupide à plus d'un titre. Connaître mes petits bobos n'intéressent pas grand monde, personne n'a envie de savoir, c'est barbant, et les plus flippés ne sont pas dupes du grand écart avec ce qu'ils ont à subir. J'ai donc décidé de faire des efforts pour voir la vie en rose, de l'exprimer publiquement, sauf les jours les plus fastes qui s'écriront soit en rouge et noir, soit en se fondant dans l'arc-en-ciel. Je pourrais aussi apprendre la discrétion, mais je crains que ce ne soit incompatible avec le fait de tenir un journal extime, ceci en lien direct avec mon caractère public qui s'épanouit dans le partage et la transmission.
Deuxième point (dans ma gueule !), notre investissement disproportionné pour Oulala s'explique certainement par l'absence d'enfants à la maison. Je pense sincèrement que c'est un passage relatif aux récentes de Scotch et Ulysse et à la jeunesse de la demoiselle. Ça y est, je glisse illico vers un anthropomorphisme qui fait rigoler les amis ou qui s'inquiètent pour notre sénilité précoce. Il va donc falloir que je m'oblige à lâcher du mou et à laisser la chatte vivre sa vie sans que nous nous croyons obligés d'être sur le qui-vive à chacune de ses disparitions.
Rien de trop grave, les autres voyants d'alerte semblant éteints, pour l'instant. Nous continuons à nous exploser dans nos créations et nous apprenons à prendre le temps de vivre, ce qui, d'une certaine manière, est aussi un travail. Nous sommes aussi très entourés, partageant des moments merveilleux avec les amis. J'ai chaque jour l'impression de mieux profiter de la vie et de réduire les moments désagréables au strict minimum. Il paraît que cela ne suffit pas. Mais est-ce jamais suffisant ? Quant aux bonnes intentions, ce n'est pas gagné. L'analyse n'est qu'un premier pas qui ne préjuge en rien de la résolution des faits.

lundi 12 septembre 2016

Michèle Buirette chante ses Passions Swing


L'accordéoniste Michèle Buirette est espiègle. Elle chante sa passion pour le jazz musette des années 30 en collant des paroles modernes à ses tubes sautillants. Ses histoires légères qui volent au vent renvoient à une époque où l'optimisme révolutionnaire flirtait avec le bonheur de vivre. C'est dire si l'on aurait bien besoin de s'en inspirer en ces périodes troubles où la manipulation d'opinion, les réformes les plus réactionnaires et les replis communautaires filent le mouron à la population. Ses paroles coquines et amoureuses dissipent les humeurs maussades en nous entraînant dans la danse. Lorsqu'elle ne compose pas elle-même, ou avec le guitariste Max Robin qui tient le rôle de directeur artistique, Michèle Buirette attrape Gus Viseur (Jeannette), Tony Murena (Passion), Jo Privat (Rêve bohémien, La Zingara), Django Reinhardt (Swing 42, Tears, Douce Ambiance) ou Sonny Rollins (Valse hot) pour nous raconter de petites histoires drôles et tendres : La grande bouffe, La plus bath des nanas, Le hommes de ma vie, Été 68, Ton moi et mon moi, Une fille de la ville, Parfum de révolution, La boîte à frissons, Cheveux au vent, Jean et Jeanne... Les virtuoses qui l'entourent se sont plu à jouer le jeu : Hervé Legeay à la guitare, Moïra Montier-Dauriac à la contrebasse, Elisabeth Keledjian à la batterie, Linda Edsjö aux percussions, Lucien Alfonso au violon, Antonin-Tri Hoang à la clarinette et au sax alto. Dans le joli livret Jean Rochard a écrit un très beau texte qui rend hommage à ces valses printanières. C'est vraiment bath !

→ Michèle Buirette, Swing Passions, GRRR, dist. L'autre distribution, sortie le 23 septembre.

vendredi 9 septembre 2016

Les idoles de Marc'O en DVD


Après La femme bourreau et les films maudits de Jean-Denis Bonan, Les Idoles est le second opus d'une collection DVD consacrée à des films rares et/ou inédits du cinéma français des années 60. Le film de Marc'O est un film-culte, parce qu'il a marqué son temps et qu'il était jusqu'ici difficilement visible. Que Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon et Pierre Clémenti, trois enfants terribles du cinéma indépendant, en tiennent les rôles principaux rend l'affaire encore plus sulfureuse. D'abord pièce à succès représentée au Bilboquet, une ancienne imprimerie de la rue Saint-Benoît transformée en théâtre en 1966, puis à Bobino, le film fait un flop, car il sort en plein milieu des évènements de mai 68 quand toute la jeunesse est dans la rue ! Le sujet avait tout pour lui plaire et son aspect de comédie musicale rock anticipait de peu le succès de Hair. Le show-biz, qui fabrique des vedettes en sacrifiant leur vie privée et au mépris du public, pousse les idoles à se saborder pour ne pas être complices de la société du spectacle.


L'intérêt principal du DVD provient des suppléments qui intègrent le long métrage dans le processus de création mis en œuvre par Marc'O. Le metteur en scène offre aux acteurs une liberté que le théâtre traditionnel muselait. Jacques Rivette reconnaîtra plus tard l'influence de ces improvisations dirigées. Un groupe de rock sur scène excite l'hystérie communicative des jeunes gens qui dansent et chantent comme des fous. C'est peut-être aussi le point faible parce qu'ils braillent plus qu'ils ne chantent, d'autant que le rock français n'a jamais été très convaincant. On reconnaîtra néanmoins le flûtiste Didier Malherbe dans l'orchestre de Stéphane Vilar et Patrick Greussay. Théâtre musical avant la lettre ou opéras rocks, les pièces montées par Marc'O dégagent une énergie incroyable de la part de ses acteurs qui se la jouent autant qu'ils jouent la comédie. Pour avoir moi-même inauguré mon light-show sur Kalfon et Clémenti qui avaient formé ensuite le groupe Crouille Marteau, j'ai pu apprécier leurs délires ravageurs où le quotidien s'imprégnait autant de la fiction que l'inverse. C'est donc en regardant les documents inédits offerts en bonus que l'on prend la dimension du travail de Marc'O et de son influence, que ce soit avec Les Bargasses qui précéda Les idoles ou avec Sensibilité aux conditions initiales datant de 1996 et récemment peinturluré vidéographiquement. Les scènes de transe associent la musique et la danse au jeu théâtral de manière explosive et galvanisante.
Parmi la troupe, car c'est avant tout un jeu d'ensemble, on notera aussi la présence de Valérie Lagrange, Michelle Moretti, Bernadette Lafont, Philippe Bruneau, Henry Chapier, Francis Girod et Daniel Pommereulle. Le monteur des Idoles était Jean Eustache et l'un des assistants à la réalisation André Téchiné ! Les costumes pètent de couleurs psychédéliques, les décors sont hallucinants, mais le jeu appuyé des comédiens m'accroche moins que la folie ambiante qui fait trembler et se tordre les corps au son de la guitare électrique. L'entretien avec Marc'O avait déjà été publié en DVD avec son chef d'œuvre, Closed Vision, un film expérimental de 1954 qui mérite absolument d'être redécouvert.

→ Marc'O, Les idoles, Luna Park Films, DVD, 14,95€, sortie le 4 octobre 2016.

jeudi 8 septembre 2016

Jazz, planant ou évocateur ?


L'album Aegn de Marc Buronfosse a beau être marqué du sceau grec, enregistré sur l'île de Paros avec le trompettiste Andreas Polyzogopoulos et le claviériste Stéphane Tsapis, il flirte avec un jazz cosmique plus nordique que méditerranéen. Transe aussi envoûtante qu'entraînante, la musique du quintet survole des paysages naturels où l'électronique trace des couloirs aériens, soutenue par la rythmique du batteur Arnaud Biscay et Buronfosse qui a troqué sa contrebasse pour une Fender VI. La guitare électrique de Marc-Antoine Perrio accentue les tenues planantes qui ne perdent jamais de vue la pulsation.
J'ai eu un peu de mal à trouver le nom du bassiste Rex Horandu et du batteur Evan Jenkins du Neil Cowley Trio dont le moteur est le pianiste anglais. Ce sont pourtant ses acolytes habituels. De plus, le guitariste Leo Abrahams les rejoint sur l'album Spacebound Apes pour former un carré. Très écrite, la musique tire parfois sur le rock progressif, l'ambient ou la pop. Elle ne les atteint heureusement jamais, protégée par un concept original puisqu'il s'agit de la bande-son d'une nouvelle littéraire, Lincoln. Ainsi les ambiances sont extrêmement variées, mélodies minimalistes ou plages étales, mais les coups francs viennent toujours ponctuer l'action. L'électronique, comme pour le disque de Buronfosse, élargit la palette des instrumentistes. Là comme ici, le style s'échappe des sentiers formatés pour accoucher d'une musique au service d'un propos plutôt qu'elle ne flatte des egos bavards. Le livret ferait-il son come back ? Que ce soit en musique comme en danse, il serait en effet grand temps que les artistes s'inspirent d'autres formes d'expression que les leurs, et ce avec du solide !

→ Marc Buronfosse, Aegn, Abalone Productions, dist. L'autre distribution, 14,25€
→ Neil Cowley Trio, Spacebound Apes, autoproduction, sortie le 16 septembre, 12,85€

mercredi 7 septembre 2016

Parpaing


Sans connexion pendant plusieurs semaines, nous avons échappé au dérapage raciste de ces derniers mois. Ainsi la xénophobie entretenue par les Jeux Olympiques se résume à cette simple phrase, de même nous n'avons entendu aucun détail des délires extrême-droitistes et va-t-en-guerre des uns et des autres. Est-ce bien nécessaire de se formaliser encore devant l'absurdité de l'espèce humaine, surtout lorsque l'on est plongé en pleine nature, avec les étoiles au-dessus de la tête et ce qui reste de neiges éternelles devant les yeux ? En revenant à Paris nous avons vécu un fondu lent vers un quotidien moins coloré, mais nous étions contents de retrouver les amis. Nous les avons d'ailleurs invités à nous donner un coup de main samedi pour rentrer le bois pour l'hiver !
La veille de notre retour, je m'étais pourtant déjà heurté à la stupidité et à l'hypocrisie de nos dirigeants. Nous étions descendus à Luchon pour un dernier marché, provision de produits frais à rapporter à Paris, quand au détour d'une rue je suis tombé sur un parpaing en béton la barrant complètement. À l'occasion de la Fête des fleurs, de petits plaisantins avaient peut-être trouvé spirituel de faire une alerte à la bombe ou alors les maires se prémunissent d'accusations de négligence face aux menaces supposées de Daech. Tout au fond, perpendiculaires, les allées d'Étigny verraient bientôt passer les chars fleuris, surveillés par des centaines de gendarmes ! Le sentiment d'insécurité est ainsi bien entretenu par les pouvoirs publics. Pour Daech, cette menace est de bonne publicité, même en pleine débâcle. Pour le gouvernement, ces prétendues précautions camouflent ses agissements honteux, en particulier la Loi Travail dont on n'a pas fini de parler pour autant. En plus de servir les financiers et les riches qui les guident, ces élus sont vraiment nuls. Ils n'empêcheront pas des débiles d'exprimer leur misère mortifère, ni la population de se soulever quand la coupe sera pleine.


Jean m'envoie le lien vers un film qui n'explique pas grand chose des raisons du pouvoir d'envoyer ses flics, mais qui, dans sa première partie, en montre la brutalité et les provocations. Dans la seconde, Alors c'est qui les casseurs ?, en revenant sur les évènements du printemps, soulève la question de la violence révolutionnaire des Black Blocs. Ils s'expliquent, mais il manque une véritable analyse des conséquences politiques et sociales de leurs actions. À l'image des films français de fiction bien pensants, il ne convaincra que ceux qui le sont déjà, et laissera les autres dans leurs propres convictions. Il dure tout de même trente-six minutes. Tout reste à inventer.

mardi 6 septembre 2016

Les Américains sont des Russes


Le plus étonnant de la série Les Américains qui vient de terminer sa quatrième saison est qu’elle soit produite par la chaîne FX appartenant à la Fox Entertainment Group de Rupert Murdoch, réputée pour son caractère réactionnaire. À l’instar des nombreux films de Hollywood mettant en scène les complots intérieurs et la corruption du système, serait-ce une manière de préserver les apparences de la démocratie, antidote adoucissant contre les dérives d’un État fondé sur le génocide et dont l’économie repose en grande partie sur la guerre et le crime organisé ? Car, après tout, ces forfaits et les manipulations d’opinion qu’ils nécessitent occupent essentiellement le champ de la fiction, comme un exorcisme des dérives que le système pourrait engendrées.


Les Américains, dont le c du titre est remplacé par une faucille et un marteau, est une sorte de mélange entre 24 heures chrono et Desperate Housewives. Un couple marié d’agents soviétiques, construit artificiellement par le KGB, est infiltré dans la vie américaine jusqu’à faire deux enfants qui ignorent tout des activités espionnes de leurs parents. Nous sommes en pleine guerre froide, période Guerre des étoiles de Ronald Reagan. Les États Unis soutiennent les Moudjahidin afghans contre les Soviétiques. La série de quatre saisons de treize épisodes de 46 minutes, qui en comptera six jusqu'en 2018, mêle l’action musclée aux désordres psychologiques de cette famille hors-normes avec des incartades de la vie banlieusarde, d’autant qu’un des principaux agents du FBI chargé de les démasquer habite dans la pavillon en face du leur !
Keri Russell et Matthew Rhys ont des rôles en or puisqu’à transformations, obligés de se grimer sans cesse pour jouer quantité de personnages avec perruques et maquillage. Noah Emmerich joue l’agent Beeman, lui-même en proie aux tentations sexuelles, arme préférée des espions de tous bords.

Le thriller, basé comme tout bon récit d’espionnage sur l’infiltration et le retournement, génère un suspense tous azimuts, opposant l’antenne de KGB domiciliée à l’Ambassade soviétique et le FBI. Le plus étonnant est donc que le couple de faux Américains, voire même une partie de sa hiérarchie, est plus sympathique que la section du FBI qui les traque, même si les uns comme les autres ne font pas dans le sentiment, mais assassinent à qui mieux mieux ceux qui les dérangent. On peut juste trouver étrange, voire énervante, la relation parentale que le couple entretient avec leur fille aînée, attirée par les voies du Seigneur, même si le pasteur est un militant anti-nucléaire. Ils choisissent l’autorité plutôt que la pédagogie pour tenter d’empêcher leur fille de prendre ce chemin. Ce conflit de générations incarné par les filles se retrouve dans presque toutes les séries américaines, de Six Feet Under à Mad Men.
Créée par Joe Weisberg, ancien gradé de la CIA, la série s’appuie sur des évènements réels, en particulier l’affaire des Illegals de 2010, mais il a préféré situer l’action dans les années 80, probablement pour ne pas rendre trop parano son public. L’auteur prétend également se focaliser sur le mariage en général, les relations internationales n’étant qu’une allégorie des relations humaines. Cette vision cynique, méfiante et brutale de l’humanité fait froid dans le dos. Ce sont bien Les Américains !

Les Américains, 4 saisons plus deux à venir, DVD et Canal +

lundi 5 septembre 2016

Eisler Explosion

...
Eisler Explosion, le nouvel album de Das Kapital, est à l'image du Feestlokaal Vooruit (Palais des Fêtes Vooruit), construit en 1913 par la coopérative socialiste à Gand en Belgique. Énorme pièce montée entre Art nouveau et Art déco, édifiée pour le plaisir et la gloire de la classe ouvrière, elle abrite plusieurs salles de spectacle. Pour fêter son 100e anniversaire, le producteur Wim Wabbles a passé commande à quatre compositeurs pour le Royal Symphonic Wind Orchestra Voorhuit d'après les œuvres d'Hanns Eisler et en aménageant des plages pour Das Kapital. Le trio guitare-sax-batterie a déjà à son actif deux formidables CD, Ballads & Barricades et Conflicts & Conclusions, où ils adaptent avec brio la musique du compositeur autrichien. Mélanger un trio amplifié avec un orchestre essentiellement d'harmonie n'est pas chose facile, mais l'ingénieur du son Michael Seminatore remporte une fois de plus son pari. Les moments où l'orchestre est absent produisent malgré tout une sorte de manque auquel palliait probablement son image et la présence du public médusé lors des deux concerts gantois. En 1989, avec Un Drame Musical Instantané, nous avions fait le même constat, mais dans le cadre du J'accuse de Zola nous avions martyrisé la Marseillaise (Contrefaçons, index 5) alors que le concert de cette Eisler Explosion se termina en fanfare par L'Internationale, hélas absente de l'album. Son compositeur, Pierre De Geyter, est lui-même natif de Gand, mais surtout la couleur aylerienne du saxophone de Daniel Erdmann se prête parfaitement aux hymnes héroïques !


La rencontre est donc ici forcément grandiose. Le batteur Edward Perraud souligne la dynamique de l'ensemble tandis que quatre percussionnistes enfoncent le clou quand ils ne font pas des pointes légères. Les envolées de Hasse Poulsen à la guitare figurent la contemporanéité de l'entreprise, seul timbre inhabituel de cet orchestre avec la contrebasse que l'on n'entendrait pas sans micro au milieu de la puissance de feu des 80 cuivres. Amateurs et professionnels s'y côtoient, dignes héritiers des fanfares socialistes, mettant tout leur cœur à honorer Hanns Eisler ainsi que les quatre compositeurs qui s'en inspirent. Erik Desimpelaere, Tim Garland, Stéphane Leach, Peter Vermeersch qui se succèdent tout au long des neuf pièces sont peut-être trop révérencieux face à Eisler tandis que le trio assume sa liberté même si elle est ici très surveillée. La modernité d'Eisler, mélange d'inventivité et de références populaires, apparaît ainsi moins évidente que dans les précédents albums de Das Kapital. Mais cela n'occulte nullement le feu d'artifice.

→ Das Kapital & Royal Symphonic Wind Orchestra Vooruit, Eisler Explosion, Das Kapital Records, dist. L'autre distribution, sortie le 23 septembre.

vendredi 2 septembre 2016

Magic Flutes


Si pour être de partout il faut être de quelque part, il n’en est pas moins vrai que les musiques traditionnelles partagent quantité de similarités de par le monde. En croisant leurs souffles, les flûtistes Jean-Luc Thomas et Ravichandra Kulur dressent un pont magique entre la Bretagne et l’Inde. En se faisant accompagner par le guitariste colombien Camilo Menjura et le percussionniste-tabliste Jérôme Kerihuel ils impriment définitivement l’étiquette Musiques du Monde à leurs créations originales.
En cette période noire de stigmatisations communautaires, leur ouverture d’esprit devient un mot d’ordre salutaire. On sent heureusement le style de chacun de ces deux virtuoses, Kulur aux flûtes Bansuri, Thomas à la traversière en bois, entraînés dans la danse par les rythmes de fête de nos continents à la dérive.
Les amateurs de festoù-noz, de tablas échevelés et de danses jusqu’au lever du jour devraient s’y retrouver avec le même entrain.

→ Jean-Luc Thomas - Ravichandra Kulur, Magic Flutes, Hisrustica, 16,50€

jeudi 1 septembre 2016

Retour sur le plancher des vaches


Façon de parler, parce que les vaches ont déserté les estives du versant sud pour rejoindre le flanc nord de la montagne et parce que nous en redescendons pour rejoindre la civilisation !
Je suis un animal social. J’ai beau avoir emporté de quoi lire, écrire, composer, écouter, regarder, manger et boire, il me manque quantité d’outils et d’ingrédients pour développer et mettre en forme les idées que j’ai élaborées pendant un mois loin d’Internet et du téléphone. Au bout d’un moment je commence à tourner en rond, reproduisant les mêmes gestes, les mêmes recettes d’une semaine sur l’autre. J’ai tout ce qu’il me faut, mais version de campagne. L’impression inconfortable de faire du camping. Mes amis me manquent aussi. J’ai besoin de confronter mes divagations aux leurs. De construire ensemble, même si la compagnie de Françoise est idyllique.
En rentrant à Paris je perds néanmoins la vue. Le panorama sur les cimes, et, plus que tout, les étoiles. Nous nous allongeons la nuit sur des chaises longues pour admirer le ciel, attendant qu’une filante vienne lacérer le drap noir en se faufilant parmi les milliards d’astres flambant vieilles. Si les montagnes me renvoient parfois des millénaires en arrière, le cosmos m’entraîne tellement plus loin, dans des abîmes de réflexions métaphysiques.
Par contre je retrouve l’odorat. Je m’étais habitué au parfum des fleurs et des herbes, je redécouvre la pollution asphyxiante de la capitale.
Nous avons ainsi choisi de partir juste avant que la brume vienne recouvrir la vallée. J’étouffe au milieu du coton opaque du nuage, préférant les ciels bleus immaculés lorsque le soleil tape si fort que je dois me réfugier à l’intérieur ! Cette année, les jours gris ont été rares, mais la bruine ou la pluie m’empêcheraient de descendre la voiture jusqu’à la grange pour charger notre barda. Nous voilà donc revenus, après un petit saut en Espagne, histoire de faire des provisions de bouche, puisque nous rapportons quelques souvenirs gourmands…