Le saxophoniste Guillaume Perret entend son nouvel album, Free, comme une musique de film tandis qu'il m'apparaît plutôt comme un dance-floor hirsute dans une jungle de synthèse. Armé de son ténor et d'un puzzle d'effets qu'il contrôle en temps réel, Perret joue des boucles pour constituer un orchestre à lui tout seul. Pour le disque il a enregistré de longues prises où les pistes s'empilent, quitte à les découper ensuite pour recomposer ses paysages imaginaires. C'est dans ce montage que la référence cinématographique s'impose, méthode que nous utilisions dans les années 70 avec Un Drame Musical Instantané lorsque nous improvisions des pièces qui faisaient rarement moins de trente minutes. Je m'efforçais ensuite de respecter la chronologie tout en pratiquant quelques ellipses. C'est ainsi que l'album des Poisons (d'une durée de 24 heures) fut réalisé ! Nous construisions à trois des récits dramatiques là où Perret échafaude seul des rythmes entraînants sur lesquels il hurle sa rage mélodique dans une spirale de derviche tourneur.


Si les références nord-américaines et caraïbiennes s'enchaînent, le jazz offre avant tout la liberté de l'improvisation ! Les loops poussent à la techno et à la transe, un jeu très mâle qui ne fait pas dans la dentelle, propre à exciter les deux sexes en butte à s'éclater. Les titres ne sont pas équivoques, c'est du hard ! Walk, Heavy Dance, Pilgrim, Cosmonaut, She's Got Rhythm montrent à la fois le besoin d'avancer et de découvrir... S'il marche sur le fil, Perret doit sans cesse retrouver l'équilibre sans écraser le blindage.


Les pédales d'effets donnent un son analogique aux transformations sonores que Perret fait subir à son ténor pour fabriquer nappes, chorus distordus, basses, percussions et jungle animale. Les boucles donnent la couleur raide des boîtes aux rythmes tandis que les couches de sax se répondent en se dandinant avec lyrisme. Je suis curieux d'entendre le processus à l'œuvre lors du concert de jeudi prochain 17 novembre au Café de la Danse, car sur le disque il attaque souvent les morceaux alors que le mille-feuilles est déjà précuit, travail de composition quasi symphonique dont l'électricité est le moteur.

→ Guillaume Perret, Free, Kakoum Records/Harmonia Mundi