Les Cahiers du Cinéma nommant Toni Erdmann en numéro 1 de leur liste des meilleurs films de 2016, je l'ai regardé hier soir en DVD publié prochainement par Blaq out avec en bonus un entretien avec sa réalisatrice, Maren Ade. Le film, classique dans sa forme comme la plupart de ceux qui sortent sur les écrans, possède un charme particulier grâce au regard à la fois critique et tendre de la cinéaste allemande, évitant tout manichéisme malgré le message positif que porte cette comédie dramatique. C'est l'histoire d'un père inquiet pour sa fille, un père ayant vécu la révolution et la fantaisie des années 60, une fille emportée par le cynisme d'aujourd'hui. La jeunesse n'est pas une question d'âge, mais une manière de vivre et d'apprendre à vivre. Le jeu fait partie de la donne, chacun acceptant les rôles que la société nous impose, les refusant ou inventant les siens propres. Personnage en or pour le comédien Peter Simonischek, le père interroge nos us et coutumes en les raillant sans cesse par des plaisanteries plus brechtiennes que vraiment comiques. Sa fille, jouée par Sandra Hüller, en a honte comme souvent les enfants qui ne sont pas encore devenus parents à leur tour.


Car les contradictions sont déjà là, dans les rapports de classe, de sexe et de hiérarchie professionnelle. Plutôt qu'une leçon de morale, le philanthrope tente de réveiller sa fille, en s'immiscant lourdement dans sa vie, provoquant des situations absurdes, mais qui le sont moins que les pratiques du monde de l'entreprise, et autrement plus humaines. Bourré d'allusions au passé de l'Allemagne, au libéralisme actuel, à la société de consommation, au carcan familial, au machisme, le film de Maren Ade développe une dialectique qui rend "conte" des contradictions de chacun, de celles qui permettent de choisir chaque matin son chemin. Par son rythme irrégulier et les petites surprises qui émaillent sans cesse cette comédie de mœurs, les 2h42 passent comme une lettre à la poste, une lettre d'amour qui parfois trouve son ou sa destinataire. On peut voir Toni Erdmann comme un grand film initiatique, parce que nos enfants le resteront toujours et que nous avons tout autant à apprendre d'eux.

→ Maren Ade, Toni Erdmann, DVD/BluRay Blaq out, 20€, sortie le 17 janvier 2016