Nous l'avons échappé belle avec notre mur orange sanguine et nos volets bleu Klein ! Un ami souhaitait remplacer ses fenêtres à petits carreaux de bois tartignoles par d'élégantes ouvertures en aluminium, mais, manque de chance, sa maison était située dans le périmètre d'une église encore plus mochedingue. Sans spécification, en France le rayon autour d'un des 45000 bâtiments classés ou inscrits monuments historiques est de 500 mètres ! Cette distance n'est-elle pas abusive lorsque les deux édifices sont si éloignés, séparés par quantité de rues où s'élèvent des bâtiments aussi laids les uns que les autres ? Si ces règles peuvent se justifier dans certains cas, elles évitent surtout aux architectes des Bâtiments de France de faire le moindre travail de réflexion, le conservatisme le plus réactionnaire remplaçant le bon sens et balayant la moindre chance de faire évoluer l'urbanisme vers des solutions en osmose avec notre époque. Il semble n'exister non plus aucune perspective écologique chez ces architectes qui n'ont souvent jamais exercé, mais que la loi érige en police de l'urbanisme, d'autant qu'il n'existe aucun moyen de recours auprès de ces ABF, un boulot en or ! On peut toujours saisir le préfet de région en recours gracieux, mais il ne faut surtout pas être pressé, ni croire que c'est du tout cuit. En matière de contentieux, le Conseil d’État est venu confirmer, dans un arrêt du 19 février 2014, qu’aucun recours devant le tribunal administratif n’est possible pour contester la décision de l’Architecte des Bâtiments de France. Ainsi, si vous saisissez la justice pour contester la décision rendue, le tribunal déclarera automatiquement votre recours irrecevable. Cela rappelle vaguement le tout puissant Ordre des Médecins. Il y a vraiment des choses à modifier dans notre beau pays.
L'article L.621-31 du code de l’Urbanisme vous empêche donc de faire la moindre construction, démolition, modification d’aspect, installation d’enseigne, aménagement extérieur au seing du périmètre sans l’autorisation de l’Architecte des Bâtiments de France. Cela inclut donc le remplacement des portes ou fenêtres, leurs formes, couleurs et matériaux, l'installation d’un portail, la rénovation de la toiture, un ravalement de façade ou la création d’un vélux. Avec un rayon de 500 mètres, dans un village ce sont toutes les maisons qui tombent sous la coupe de l'église, à moins que le maire prenne les rennes...
Car les églises construites avant 1905, propriétés des communes depuis la loi du 2 janvier 1907 entérinant la séparation de l'Église et de l'État, font donc partie de ces dispositions. En toute laïcité on croyait être débarrassés de l'influence de l'église, mais elle s'exerce toujours en matière d'urbanisme, quel que soit l'intérêt architectural du monument. L'interdiction des couleurs vives à leur "proximité" est totalement absurde lorsque l'on sait que les églises et cathédrales, comme les temples grecs, n'étaient pas du tout ces bâtisses grises, leurs couleurs chatoyantes extérieures ayant disparu sous les assauts du temps. Je suggère donc de repeindre ces lieux de culte pour qu'ils s'harmonisent avec une nouvelle conception de la ville plus festive et joyeuse. Vu leur nombre et leur fréquentation en baisse depuis leur construction, il serait également judicieux de les réaffecter à d'autres activités que celles du culte, mais je sens déjà la Manif Pour Tous se mettre aussitôt en branle. Notre pays est décidément trop vieux. L'imagination des créateurs y est muselée par des siècles d'orgueilleuse poussière.