Le guitariste Serge Teyssot-Gay et le violoncelliste Gaspar Claus prolongent le chant de la joueuse de biwa Kakushin Nishihara. Des fantômes traversent le pont quantique dressé entre le Japon millénaire et l'underground tokyoïte. Le crâne rasé aux tatouages zébrés, la récitante ressemble à l'héroïne d'un blockbuster sur la fin du monde. Mais le Kintsugi, qui donne son nom au trio, est la renaissance d'un objet brisé, réparé avec une laque saupoudrée d'or, et Minamoto no Yoshitsune, qui donne son nom à l'album, est un général samouraï (1159-1189) des périodes Heian et Kamakura. La voix sépulcrale vibre comme les cinq cordes du luth à manche court, tranchante, glissante, marquante. Je ne comprends pas le japonais, mais l'épopée évoque une bataille, la tempête, la traversée d'une montagne et la mort de Yoshitsune dont la tête finira exposée. Les cordes pincées et frottées par les deux acolytes de Kakushin Nishihara nous plongent à la fois dans la modernité et dans le fantasme d'un Japon d'estampes auxquelles les films de Mizoguchi et Kurosawa ont donné le mouvement. Pourtant tout semble figé, immuable, éternel, avec le paradoxe d'une terrible fragilité, à la chute inéluctable. Tsugu signifie réparer, relier, transmettre, valoriser, ce que fait le trio en spectacle et sur ce CD aux inflexions magiques.



→ Kintsugi, Yoshitsune, CD Les Disques du Festival Permanent / Intervalle Triton, dist. L'autre distribution, sortie le 28 avril 2017