Le Souffle Continu tient imperturbablement sa ligne. Le label, qui a pignon sur rue en son renommé magasin de vinyles, continue à souffler sur les braises des années 70. Ses deux animateurs, Bernard et Théo, se sont pliés en quatre pour réaliser le luxueux coffret de trois 30cm, un 17cm et un livret de 20 pages joliment illustré. Célébrant les aventures du groupe français Heldon, il ravira les collectionneurs. Limité à 300 copies, l'objet rassemble les 5e, 6e et 7e albums remasterisés du groupe de Richard Pinhas enregistrés de 1976 à 1979. Les vinyles sont en couleurs monochromes transparentes jouant sur la pâleur alors que les disques vendus à l'unité sont carrément flashy. Le boîtier de la série complète est noir avec impression relief argentée. À une semaine de Noël l'objet fera bonne figure dans la hotte de celles et ceux qui cèdent à la folie consumériste de notre époque. Les spéculateurs et les maniaques se rueront même sur les test pressings habillés d'une jaquette marron anonyme, mais malicieusement numérotés. Tout est fait pour alimenter la légende. Dans les notes de pochette Philippe Robert rappelle astucieusement la chronologie des faits. On ne peut s'empêcher de sourire lorsque Pinhas évoque sa dépression de 1982 à 1992, combattue lors d'"une décennie sabbatique centrée sur la philosophie, le ski et le parapente". La vie est vraiment dure pour certains créateurs underground ! Si le guitariste, qui s'est entiché des synthétiseurs, a toujours convoqué Nietzsche, Lyotard ou Deleuze dont il fut l'élève à Vincennes d'un côté, et Norman Spinrad, Philip K. Dick, Maurice Dantec d'un autre, on cherchera en vain des traces de philosophie ou de science-fiction dans la musique. Son cousinage avec le krautrock allemand ne l'empêche pas de développer une sorte de rock industriel qui influencera trente ans plus tard les nostalgiques d'une époque où la liberté guidait la création dans tous les arts.


Un rêve sans conséquence spéciale voit se succéder un délire de guitare électrique, une accélération de vitesse percussive et deux boucles hypnotiques composées pour les adeptes de la défonce. Interface enchaîne des rythmes plus lourds mettant en valeur les autres musiciens, le batteur François Auger, déjà présent sur le précédent album, et Patrick Gauthier au Moog basse, la guitare distordue de Pinhas planant au-dessus des obstinatos. J'ai une préférence pour les compositions d'Auger dont l'orchestration est plus variée et la structure moins conventionnelle comme Bal-A-Fou rappelant Terry Riley. La référence revendiquée de façon récurrente à King Crimson ne me saute par contre pas aux oreilles. Les longues improvisations visent une transe qui flanque le vertige. Le silence au bout du microsillon est le même que celui qui faisait chavirer les musiciens après la coda finale. Stand By se construit sur une caricature de boléro avant de prendre heureusement la tangente. Au gré des plages et des années on aura noté la visite du bassiste Jannick Top ou du chanteur Klaus Blasquiz, ou encore l'arrivée du bassiste Didier Batard, Gauthier devenant soliste Moog. Je suis moins convaincu par le 17cm publié sous le pseudonyme Richard Dunn, à peine moins ringard que le tube Popcorn, premier succès populaire de musique électronique ! C'est ainsi que l'on se rend compte de l'importance du collectif, la complémentarité des individus s'agrégeant dans une entité solidaire où l'émulation tient lieu de fil directeur.

Heldon, 1976-1979, Le Souffle Continu, coffret 69€ - disque à l'unité (Un rêve sans conséquence spéciale, Interface, Stand By) 19,90€ - Test-pressings 25€