J'enchaîne cette petite chronique sur le modèle de "Marabout, bout de ficelle, selle de cheval..." en cherchant chaque fois un lien d'un film à l'autre, des films très récents pour la plupart, regroupés ici tout simplement parce que ce sont ceux que j'ai vus !
Battle of the Sexes est une comédie féministe très sympathique réalisée par le couple Valerie Faris et Jonathan Dayton à qui l'on doit Little Miss Sunshine et Ruby Sparks. Ce biopic de la joueuse de tennis américaine Billie Jean King interprétée par Emma Stone face au clown macho Bobby Riggs interprété par Steve Carell, tous deux métamorphosés comme savent le faire les comédiens américains, me ferait presqu'aimer le tennis à la télévision !


Fortement allergique au spectacle du sport, ado je regardais tout de même le patinage artistique qui ne ressemblait pas trop à une partie de bras de fer en comparaison du foot, du rugby ou de la boxe. L'autre biopic sportif I, Tonya (Moi, Tonya) de Craig Gillespie a le mérite de montrer l'opposition de classes des juges réactionnaires face à la franchise de la petite prolétaire à la langue bien pendue Tony Harding. Histoire triste d'une dégringolade de cette patineuse célèbre pour avoir été la première à avoir fait un triple axel en compétition, déchue pour une sombre affaire. La violence masculine résonne ici avec son caractère arrogant dans le précédent film, mais les scandales respectifs de 1972 et 1994 sont de natures très différentes. Margot Robbie et surtout Allison Janney sont formidables dans les rôles de la fille passionnée et son intraitable mère.


The Florida Project de Sean S. Baker, qui avait déjà réalisé Tangerine, n'est pas aussi extraordinaire qu'on me l'avait annoncé, mais le milieu social du sous-prolétariat américain est rarement traité à l'écran dans les fictions grand public. Le film tient beaucoup dans le toupet incroyable de la petite Brooklynn Prince et dans ce portrait terrible de la misère, leur opposition renvoyant le drame vers la comédie dans une dialectique qui le fait échapper au formatage des genres. Il reste un des meilleurs films de cette petite sélection aux résumés expéditifs, mais qui tous méritent d'êtres vus.


Autre reflet du malaise d'une société qui part à vau-l'eau, Ingrid Goes West de Matt Spicer avec Audrey Plaza récemment vue dans la série Legion. Cette sombre comédie joue des effets pervers des réseaux sociaux à coups de #hashtags servant la folie de ceux ou celles qui confondent rêve et réalité.


Vous avez peut-être remarqué que tous ces films ont une héroïne fragile qui se bat pour sa survie dans un monde impitoyable façonné par les hommes ? Continuons dans la déviance et la force de caractère de ces jeunes femmes courageuses avec le film français Ava de Léa Mysius dont c'est le premier long métrage. L'image est somptueuse, les cadres étudiés, le scénario fondamentalement original et la musique pour contrebasse solo de Florencia Di Concilio tout à fait remarquable. Film d'une nouvelle auteure, il interroge l'obscurantisme actuel face aux minorités ostracisées et à l'incompréhension dont la jeunesse est victime. Un magnifique chant de révolte !


Blandine Lenoir, qui avait réalisé le très réussi Zouzou, réitère avec une comédie charmante, Aurore joliment interprétée par Agnès Jaoui. La jeunesse est questionnée cette fois par la ménopause, sujet tabou peu traité au cinéma ! Les rôles féminins se raréfient avec l'âge. C'est dire que ce film sur cette mère et ses trois filles est de salubrité publique.


Continuons dans cette escalade de l'âge de la capitaine avec le dernier film de Stephen Frears, Victoria and Abdul (Confident Royal) qui conte la relation tendre qu'entretint la Reine Victoria avec son serviteur indien Mohammed Abdul Karim. Judi Dench y est exceptionnelle dans ce biopic romancé qui ne fait certes pas partie des meilleurs films du réalisateur britannique, mais il n'y a jamais de honte à gagner sa vie ni à se laisser aller certains soirs à regarder un film à l'eau de rose !


Allons-y carrément ! Marlene Dietrich aurait 116 ans, si elle n'avait déclaré forfait en 1992. Mais en 1982 l'égérie de Josef von Sternberg et la performeuse hors pair accepte de répondre à Maximilian Schell à condition qu'il ne la filme ni elle ni son appartement. Le portrait qu'il en tire est terrible et passionnant, montrant que les contraintes sont souvent productives. Je dois à l'auteure de théâtre Dorothée Zumstein de m'avoir conseillé ce film rare sur une comédienne et chanteuse qui m'a toujours fasciné, alors que je n'ai jamais compris le succès de Marilyn Monroe. Je possède un enregistrement d'un entretien un peu plus ancien qu'elle fit pour la radio, dont je me souviens de phrases entières et qui la rendait plus sympathique que ce portrait amer d'une femme qui ne voulait pas se voir vieillir.


Cette fois ce n'est pas une femme, mais un village peuplé exclusivement de femmes qui tient lieu de sujet à la mini-série TV Godless, western en 7 épisodes qui fait passer de bons moments, même si les deux meilleurs sont le début du premier quand on n'y comprend encore pas grand chose et la résolution très attendue de la fin...


Terminons avec Three Billboards Outside Ebbing, Missouri (Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance), le troisième film de Martin McDonagh, l'auteur de In Bruges (Bons baisers de Bruges) et Seven Psychopaths (Sept psychopathes), superbe thriller avec la toujours géniale Frances McDormand. Pas besoin d'en dire plus, n'est-ce pas, sans gâcher la surprise ?


J'allais oublié le dernier Guillermo del Toro, The Shape of Water (La forme de l'eau), conte de fée fantastique entre une muette et un amphibien dont on saisira facilement la paraphrase.


Je m'étonne tout de même que cette bluette saignante ait reçu le Lion d'or à Venise et, pire encore, le prix octroyé à la musique lénifiante d'Alexandre Desplats qui ressemble à celle d'Amélie Poulain. Sally Hawkins y est très bien, puisqu'il s'agit ici de saluer l'excellence de toutes ces comédiennes...