Antonin avait vu juste, bien entendu, Samuel Ber est le nouveau batteur avec lequel il faut compter. Pas sur ses doigts, mais de tête. Le jeune Belge a le rythme, mais il a aussi le timbre. Avec la fougue de sa jeunesse inventive, il sort ce dimanche deux albums épatants qu'il a majoritairement composés et qui donnent la pêche. Le premier que je place sur la platine est Maps & Synedoches, trio avec le saxophoniste américain Tony Malaby aux ténor et soprano et le claviériste Jozef Dumoulin, un autre Belge au Fender Rhodes et divers effets électroniques. Ces derniers temps le jazz m'ennuyait. Trop de répétitions, de conventions, de citations, de revivals ou d'interdits. Ce n'est pourtant jamais un question de genre. Tout dépend qui s'en joue. Le free a la liberté de se réinventer par vagues. L'anche tranche et déchire, l'électronique plane et appuie, les baguettes découpent et recollent. Samuel Ber sait s'entourer. À son tour il attrape les cordes que lui envoient ses deux camarades et il en fait des nœuds, nœuds coulants et nœuds de chaise, nœuds de bois ou de fusion, nœuds chinois ou en tête de turc, etc.
Le jeune batteur a composé l'intégralité du second album, Between. Le groupe Pentadox comprend un pianiste, Bram de Looze, et trois saxophonistes, Guillaume Orti à l'alto, Sylvain Debaisieux au ténor et Bo van der Werf au baryton. La musique semble plus écrite, plus structurée, mais l'improvisation y tient toujours une place prépondérante. Des parties entraînantes suivent des mouvements lents. Des passages plus bruitistes élargissent le champ vers des paysages où les anches se fondent en une seule entité à l'instar des éléments de la batterie.
Sur aucun des deux CD je ne trouve trace d'un nom de label. Ils sont produits par Samuel Ber avec le soutien du gouvernement flamand pour le premier, du gouvernement wallon-bruxellois pour le second, de quoi réunifier un pays coupé en deux ! La musique ignore la barrière des langues. La tranche du digipack de Pentadox est vierge, futur anonyme de ma discothèque si l'ordre alphabétique n'y régnait. S'y trouve justement L'isthme des ismes, le trio que nous avions enregistré le 2 novembre 2017 avec Samuel et Antonin-Tri Hoang, invités à Radio France par Bruno Letort pour l'émission Tapage nocturne. Je m'étais enthousiasmé pour la richesse de ses timbres, son esprit d'à propos et d'ouverture... Comme Antonin au même âge, on pressent que Samuel, déjà virtuose à 23 ans, prendra la tangente, plongeant dans la composition pour ce qu'elle offre de champ révolutionnaire.

Pour l'instant j'ignore comment se procurer ces deux nouveautés, mais une solution devrait bientôt voir le jour ! Il y a déjà quelques morceaux sur SoundCloud...