Sollicitant l'aide de quelques amis et voisins pour rentrer quatre stères de bois, j'avais intitulé mon invitation "corvée de bois". Or Pascal me rappelle que c'était le terme employé durant la guerre d'Algérie par les soldats français entre eux pour désigner les exécutions sommaires des civils algériens soupçonnés à tort ou à raison de sympathie envers les indépendantistes du FLN. Ils les forçaient à creuser leurs propres tombes.
Je n'ai forcé ni tué personne et les amis furent si nombreux à faire la chaîne et empiler les bûches qu'en une demi-heure c'était rangé au cordeau. J'avais promis un bon gueuleton aux présents qui ne furent pas déçus. De mon côté j'étais tout de même éreinté, mais c'est plus agréable de faire la cuisine et le service à une dizaine de convives restés dîner que de charrier tout seul le tas que le sylviculteur avait déchargé devant le garage.
Je sais bien que les cheminées polluent l'atmosphère de leurs microparticules, mais j'en ai marre de ces culpabilisations idiotes de la population lorsqu'on connaît l'impact exact des dégâts domestiques par rapport à l'industrie et, par exemple, aux paquebots des riches croisières. Je ne fais pas souvent du feu, mais ma cheminée est si bien conçue qu'elle ne laisse filtrer aucune odeur dans la maison, même des sardines grillées, alors que la moindre cuisson à la poêle répand son fumet dans tous les étages. Une flambée de temps en temps est un luxe que les Parisiens ne peuvent plus se permettre. S'il est toujours autorisé de s'en servir, il est interdit de construire de nouvelles cheminées. C'est donc devenu un luxe d'une autre époque. De toutes manières il est compliqué de stocker du bois si l'on ne possède pas de jardin. J'utilise aussi les branches que coupent mes voisins, et certains d'entre eux déposent leurs épluchures dans notre compost.
Nous avons donc bien ripailler grâce aux braises que j'avais entretenues...

Photo © Juliette Dupuy