70 mars 2020 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 31 mars 2020

D'en face


Un enfant passe, me demandant si je joue de la trompette. Échanger quelques mots sur le trottoir avec nos voisins nous sort du cadre virtuel. Ils ont pris l'habitude de boire leur café ou fumer une cigarette sur leur pas de porte. Nos arbres les abritent. Éric et Juliette sont les mieux placés pour profiter de la couleur irradiant la rue de lumière. Peut-être que les murs transpirent, nous éclairant à notre tour de ses rayons bénéfiques. On croit bien gérer la crise à son niveau, comme un passage, mais l'inconscient travaille. Un train peut en cacher un autre. Il peut arriver qu'on soit pris par surprise. Les questions sans réponses se bousculent. La trompette joue solo tandis que l'orchestre reste en coulisses, tapi, pianissimo. Deux semaines déjà. Dans quel état serons-nous dans deux mois ? Probable échéance malgré les annonces bidon du gouvernement. Pensent-ils éviter la panique d'une élastique éternité ? Pas question de revenir à avant, ni d'avaler leur gestion criminelle, encore moins leurs ordonnances cyniques et arrogantes. Ces profiteurs de guerre, puisque c'est ainsi qu'ils l'entendent, devront répondre de leurs actes. Pas question d'oublier. Face à cette gabegie chacun/e fait pour le mieux. On trouve des parades. Les fenêtres de nos smartphones s'ouvrent sur les sourires de nos êtres chers. Nous nous débrouillons tant bien que mal, mais la perspective des plus fragiles nous hante. Les vieux qu'on laisse mourir seuls, ceux qui vivent entassés, les prisonniers, le monde hospitalier, les SDF, les gens du voyage, les oubliés... Quelles que soient nos facultés de résistance, nous sommes déstabilisés par la virtualité. L'humanité expose ses limites.
On en revient à l'essentiel. Un geste. Un coup de fil. Un dessin. Le croquis de Juliette Dupuy montre bien le trompettiste peint par Ella & Pitr en costume domestique. Mais où ai-je la tête ? Ni d'autruche, ni décapitée, elle sort du cadre contraignant qui nous étouffe. Réapparaîtra-t-elle dans l'envers du décor ? S'est-elle glissée sous le toit pour découvrir des secrets de mansarde ? Ou plus loin dans les étoiles, subitement réapparues dans le ciel nocturne des villes ? La conscience vacille. Un rien déstabilise. La distanciation ouvre des champs inexplorés. Plaisir inégalé du verfremdungseffekt. On peut chercher. Encore. Nous avons le temps. Pour l'instant.

lundi 30 mars 2020

Perspectives cinématographiques


Au terme d'un projet de création, existe presque toujours une désagréable impression post-partum. Comme j'avais validé le mastering de Perspectives du XXIIe siècle, mon nouvel album co-produit avec le Musée d'Ethnographie de Genève (MEG) et les Archives Internationales de Musique Populaire (AIMP) et que son livret était entre les mains du graphiste, je me sentais vide, démuni, incapable de composer la moindre chose pendant les semaines qui suivraient. Le confinement n'arrange rien. Je rangeai mes archives de presse qui avaient subi deux déménagements et dont je retardais l'échéance depuis vingt ans et envisageai de faire de même avec le rayon bricolage à la cave, un beau fouillis où se mélangent les clous et les vis. Mes articles m'occupaient bien trois heures comme d'habitude, mais j'avais besoin de me remettre à rêver. C'était pareil avec les vacances. Notre voyage au Japon annulé par les circonstances historiques, j'avais perdu de vue la sortie de crise. Cette question fut momentanément résolue vendredi en louant une maison de pêcheur en Bretagne dans le courant du mois de juillet. Au moins on verrait la mer. Le coup de téléphone de Monsieur de Mesmaeker me proposant un travail de commande ne survenant évidemment pas, j'avais même remisé mon gaffophone...
L'idée salvatrice est venue de Sonia Cruchon et Nicolas Le Du à qui j'avais suggéré de réaliser un clip à partir d'une des pièces du nouveau CD. Ils avaient étonnamment réagi comme Madeleine Leclair en découvrant l'œuvre aboutie. Madeleine, qui est à l'origine du projet, imaginait qu'une écoute collective dans un théâtre serait parfaitement adaptée, "ou alors dans le wagon d'un train (en marche), où tous les passagers, qui se connaissent peu au début mais finissent par s'apprivoiser un peu, sont embarqués dans un même voyage." Elle rêvait d'un dôme sonore, comme Hexagram à Montréal, ou la SAT ou simplement le MEG. Allongés sur l'un des divans de leur péniche, Sonia et Nicolas avaient eu la même sensation, le besoin d'être ensemble. Or un disque se prête plutôt à l'écoute individuelle, chez soi, ou à la radio, ce qui revient à peu près au même. Était-ce dicté par le sujet de mon petit opéra qui rappelle terriblement ce que nous sommes en train de vivre ? Mes deux amis me proposèrent illico de réaliser un film qui couvrirait l'ensemble de l'œuvre plutôt que le clip d'une des pièces. Mon cerveau se remit instantanément à bouillonner. De nouvelles Perspectives se dessinaient. Je tiens mon énergie de cette pensée vectorielle qui m'anime sans le moindre effort.
Madeleine est aussitôt emballée par le nouveau projet, ainsi que la directrice d'une cinémathèque possédant quantité de films libres de droits. Nous conservons le même principe : en 2152 des survivants à la catastrophe, vivant sur les ruines du MEG, se reconstruisent à partir des archives qu'ils y découvrent. Si la musique s'appuie sur le Fonds Constantin Brăiloiu, notre long métrage de fiction documentée bénéficiera de l'incroyable iconographie du musée et ses objets collectés dans le monde entier, plus les films de la cinémathèque. Pour l'occasion je réenregistrerai certaines parties de façon à ce qu'elles soient filmées. Mais c'est juste le début, l'étincelle. Nous n'avons plus qu'à nous mettre au travail !
Reste comme toujours la question du financement. Il faudra trouver des coproducteurs et des subsides (c'est un appel voilé !), malgré l'indépendance qui a toujours fait notre force...

vendredi 27 mars 2020

La Poste en rade, comme nous...


Évitez la Poste... Les courriers postés il y a 15 jours ne me sont toujours pas parvenus. Chez moi ou les voisins, seules quelques revues ont passé le filtre (Télérama, Beaux-Arts Magazine, Revue et Corrigée...). Aucun service de presse comme les CD ou les DVD en enveloppes à bulles ne sont jamais arrivés. Lorsque je cherche des informations sur le site de La Poste il n'est fait aucune mention d'éventuels retards. Le licenciement de quantité de postiers explique évidemment les difficultés de ce service. La dématérialisation des supports s'en trouve renforcée. Les courriers en rade refont-ils jamais surface, finiront-ils à la broyeuse, alimenteront-ils les soirées d'indélicats préposés ? C'est un des mystères de la crise...
D'un autre côté les sites web surchargés fonctionnent de manière erratique. Je n'arrive plus à me connecter à celui de Télérama qui me répond comme si je n'étais pas abonné même lorsque je suis connecté. De l'édition papier je ne lis toujours que les premières pages en m'arrêtant avant les programmes TV que je n'ai pas feuilletés depuis plus de quinze ans, mais la partie culturelle et le Petit Journal me permettent de connaître l'actualité des sorties, que je partage ou pas les points de vue des journalistes. Leurs articles ne me défrisent qu'extrêmement rarement. J'évite la presse quotidienne aux ordres.
Le courrier devrait donc représenter un des derniers facteurs qui nous relient matériellement à l'extérieur tangible. On peut aussi aller boire des coups ou prendre le thé chez les voisins, mais là c'est mort. Quant aux réseaux sociaux, il va falloir lever le pied et prendre le temps de respirer l'air frais du printemps, au moins à la fenêtre !

Mais si l'on regarde de plus près ce qui se trame, c'est la colère qui nous guette, sans que l'on puisse faire grand chose en temps de confinement. La colère est pourtant déconseillée en ce qui concerne nos défenses immunitaires. Le gouvernement a fait passer 25 ordonnances censées sauver l'économie : possibilité de travailler 60 heures par semaine dans certains secteurs, de réduire le repos compensateur à 9 heures, de travailler le dimanche et 7 jours sur 7, supprimant sciemment le terme provisoire, il laisse les entreprises imposer les congés payés sur le temps de confinement, etc.... L'interdiction des marchés (c)ouverts va asphyxier les petits producteurs, les paysans vont morfler une fois de plus et le ministre de l'Agriculture d'appeler les Français sans activité à prêter main forte aux agriculteurs ! On croit rêver. Ce gouvernement est mon pire cauchemar. Les auteurs, les intermittents du spectacle vont crever, et je ne parle pas des SDF (qui vont voir grossir leurs rangs si cela continue, et c'est parti pour durer jusqu'à juin). Pendant ce temps là, télétravail oblige, les gros richards boursicotent, rachetant les actions qui ont chuté, il n'y a pas de petit profit, au sens propre, euphémisme. Ce n'est pas la guerre, et pourtant les profiteurs de guerre ont du cœur à l'ouvrage avec Macron (et ses équivalents ailleurs), pieux représentant des banques. On peut simplement espérer que cela se paiera après les vacances d'été, lorsque les Français se réveilleront de la léthargie dans laquelle ils sont plongés de facto. Les gilets deviendront de toutes les couleurs. À moins qu'ils envoient l'armée !? Mais les beaux jours reviendront et les salopards passeront en jugement. Ou bien nous en crèverons. Parce que leur guerre a en effet commencé. Ils la déclarent à tout bout de champ, une guerre contre le peuple, et, maintenant qu'ils ont rincé les plus pauvres, la classe moyenne est dans leur collimateur... Entre les prises de conscience écologiques et politiques, cette crise planétaire ressemble bigrement à une période pré-révolutionnaire... Déjà la CGT lance un préavis de grève de toute la fonction publique (fonctionnaires territoriaux, employés de l'eau, des déchets, du logement social, sapeurs-pompiers, pompes funèbres...) du 1er au 30 avril ! Et les réactionnaires de crier au scandale, mais de ne ne pas réagir aux 25 ordonnances honteuses qui cassent tous les acquis sociaux sous prétexte du virus...

Oups ! Je me suis laissé aller. Tout cela parce que ma boîte aux lettres est vide ? Les impacts sur notre ciboulot sont imprévisibles, surtout que nous devons probablement tenir jusqu'à juin...

jeudi 26 mars 2020

Les assurances rapaces surfent sur le virus


Surprise hier matin de recevoir un coup de téléphone de Provitalia pour me proposer un contrat complémentaire à ma mutuelle, la Smacem. L'assureur, déjà condamné l'an passé pour non respect de ses obligations d’information envers ses clients, m'explique qu'il travaille avec toutes les mutuelles de France, mais comme j'insiste pour savoir comment il a mes coordonnées il me raccroche au nez.
M'être inscrit sur BlocTel ne m'évite pas de recevoir plusieurs coups de téléphone par jour de télédémarcheurs outrepassant leurs droits. Depuis le début du confinement, ces intrusions téléphoniques avaient totalement cessé, mais les rapaces se sont ressaisis, surfant sur la vague de la peur d'une éventuelle hospitalisation. Nous avons des tas de manières d'envoyer paître ces insupportables coups de téléphone, raccrocher, les faire attendre dans le silence, menacer de l'amende de 15000€, les tourner en dérision, compatir avec les employés, argumenter, etc. J'ai récemment choisi de leur demander chaque fois comment ils avaient mon numéro. La fois précédente, j'ai été surpris d'apprendre que leur source était les notaires de France ! Il n'y a pas de petit profit. Notre gouvernement, le premier, fait passer des lois dégueulasses pour supprimer les 35 heures ou faire prendre ses congés payés sur le temps de confinement, et ce n'est qu'un début avec ce que lui permet l'état d'urgence sanitaire. Le virus a bon goût, les rapaces n'en ratent pas une miette.

Illustration : petit musée d'un collège de Victoria, Transylvanie, Roumanie

mercredi 25 mars 2020

Quand la musique sort de son confinement


Pourquoi attendre le confinement pour imaginer d'autres manières de diffuser la musique ? Il s'agissait avant tout de penser à ce que les nouveaux médias pouvaient apporter à la création. Lorsque le CD est arrivé, j'ai évidemment regretté les belles pochettes, mais ce support offrait une dynamique particulière, autorisant par exemple les pianissimo que les bruits de surface camouflaient. Il limitait aussi les coupures dans les œuvres longues. Les CD-Rom développaient l'interactivité, l'utilisateur devenant un interprète privilégié. Les œuvres en ligne rompaient avec les durées limitées et voyageaient plus facilement jusqu'aux fins fonds de la planète. Plus important encore pour moi, elles préservaient mon indépendance face au marché...
Voilà donc dix ans j'ai choisi de publier des albums en ligne parallèlement à l'édition discographique du label GRRR fondé en 1975. Sont ainsi venus s'ajouter quantité d'inédits à la cinquantaine de disques 33 tours et de CD. Pendant toute cette période la presse a bizarrement ignoré ce travail colossal hormis quelques articles sur Citizen Jazz et ImproJazz. Je ne chôme pas. Au fil des ans se sont accumulés 82 albums en ligne représentant plus de mille pièces au format mp3, soit 157 heures de musique gratuite en écoute et téléchargement. Dans notre société basée sur l'argent et le commerce, ce doit être louche. Drame.org n'est pas le seul site à subir ce mépris incompréhensible alors que les pratiques audiophiles ont été bouleversées par Internet. La même surdité des journalistes affectait déjà le medium radiophonique pourtant riche en créations originales. Je publiai ainsi certaines œuvres que le disque ne permettait pas, par exemple à cause de leur durée, puisque mes albums vont de 30 minutes à 24 heures !
De même qu'une grande partie de mon travail consiste à réduire le temps entre composition et interprétation, ce que l'on appelle habituellement l'improvisation, je trouve extrêmement excitant d'enregistrer avec des musiciens et d'en publier le résultat quelques jours après, avec couverture et notes de pochette. Le catalogue GRRR s'est enrichi de ses archives aussi bien que d'une actualité la plus récente. On peut ainsi profiter de Radio Drame, programme aléatoire embrassant la presque totalité de cette discographie ou choisir un album thématique. Cette pratique ne m'a pas empêché de continuer à produire des vinyles et des CD qui, eux, rencontrent chaque fois un accueil favorable de la critique.
En ces temps de confinement chacun et chacune propose des séquences home made pour sortir de nos isolements et j'en suis ravi. Peut-être cela permettra-t-il de rompre avec le silence médiatique qui entoure celles et ceux qui pratiquent ce sport depuis des années. Je ne me suis d'ailleurs pas cantonné à l'écoute exclusive puisque je publie régulièrement des vidéos de concerts, des créations audiovisuelles, des entretiens, etc. sur YouTube, DailyMotion ou Vimeo. Malgré le succès (relatif, car je ne fabrique que rarement des œuvres pop-ulaires), la presse ignorait jusqu'ici ce pan de mon travail. Rien de personnel, celui de mes collègues qui s'y collent n'est pas mieux vu ni entendu.
J'ai ainsi enregistré avec la fine fleur des improvisateurs actuels à qui je propose régulièrement de passer une journée en studio pour le plaisir de faire de la musique ensemble. Nous jouons ainsi pour nous rencontrer au lieu de nous rencontrer pour jouer. La musique est avant tout pour moi une aventure de partage. Pour celles et ceux qui s'intéressent un peu aux styles de musique que je pratique, je citerai la participation de Vincent Segal, Antonin-Tri Hoang, Edward Perraud, Birgitte Lyregaard, Linda Edsjö, Alexandra Grimal, Fanny Lasfargues, Ravi Shardja, Ève Risser, Joce Mienniel, Sophie Bernado, Amandine Casadamont, Samuel Ber, Sylvain Lemêtre, Sylvain Rifflet, Mathias Lévy, Élise Dabrowski, Hasse Poulsen, Wassim Halal, Christelle Séry, Jonathan Pontier, Jean-François Vrod, Karsten Hochapfel, Nicholas Christenson, Jean-Brice Godet, tous et toutes sortant de leur contexte habituel... Auxquels s'ajoutent des concerts avec elles/eux ou encore El Strøm, Francis Gorgé, Julien Desprez, Médéric Collignon, Pascal Contet, Bumcello, Sylvain Kassap, Yuko Oshima, Nicolas Clauss, Pascale Labbé, Didier Petit, Étienne Brunet, Éric Échampard, Hélène Sage, Sacha Gattino, Michel Houellebecq, Bass Clef, Pierre Senges, Helene Labarriere, Bruno Girard, Michèle Buirette, Colette Magny, Philippe Deschepper, Alain Monvoisin, Steve Argüelles, Gérard Siracusa, DJ Nem... Sans compter les disques auxquels participèrent des dizaines de musiciens/ciennes, incluant pas mal d'extraits, dont ceux d'Un Drame Musical Instantané évidemment...
Sur la page d'accueil Radio Drame égrène ainsi chansons, jazz, rock, musique symphonique, électronique, improvisations, évocations radiophoniques, etc. De quoi tenir un siège sans se lasser !

Radio Drame, radio aléatoire de 157 heures de musique exclusive et gratuite, et qui le restera même après le confinement !
→ 40 de ces albums sont également sur Bandcamp au format .aif

mardi 24 mars 2020

Logorrhée virale


Comment échapper à la logorrhée virale qui nous secoue dans le roller coaster des informations sociales ? On y lit tout et son contraire, choisissant de croire celles qui répondent le mieux à notre névrose ou correspondent à nos opinions politiques. On se fait aussitôt insulté si l'on émet un doute sur les consignes officielles comme du temps de Je suis Charlie. S'interroger tient automatiquement de l'inconscience et de l'incivisme. Les médias aux ordres montent les Français les uns contre les autres. Ici ce sont les Parisiens qui apportent la peste sur les plages, là ce sont les campagnes qui se pensent en dehors du coup, quand ce ne sont pas les Chinois ou les jeunes des cités. Le pouvoir interdit globalement au lieu de sérier précisément les risques. Or les Français ont toujours été rétifs à l'ordre imposé sans comprendre. Dans certaines périodes de l'Histoire cette indiscipline sauva le pays des pires dérives. Nos concitoyens ne sont pas des enfants, du moins ils ne se pensent pas tels. La manière de s'adresser à la population est contagieuse. Si les responsables au plus haut niveau de l'État ont des pratiques imbéciles, elles s'attrapent.
Faut-il confiner ou dépister systématiquement ? Porter des masques ou rester chez soi ? Utiliser dès maintenant la chloroquine ou attendre les longs protocoles habituels imposés par l'Ordre des Médecins ? D'un pays à l'autre, les gouvernements font des choix plus ou moins judicieux. Il est certain qu'il serait plus malin d'analyser les méthodes et les résultats en Chine, à Hong Kong, en Corée du Sud, mais aussi en Italie, en Suisse, en Allemagne, etc. au lieu de s'enferrer dans un confinement dit total, car cette totalité est de toute manière inapplicable en France, en en profitant pour déclarer l'état d'urgence sanitaire autorisant tous les abus politiques et économiques. Supprimer les libertés individuelles n'a heureusement jamais été efficace dans notre pays, particulièrement en temps de véritable guerre. Ainsi je voudrais qu'on m'explique en quoi l'exercice solitaire du jogging met-il en danger qui que ce soit ? Ou encore pourquoi fermer les marchés couverts et laisser ouverts les super et les hyper ! Au marché des Lilas par exemple, la police avait astucieusement installé des chicanes, les consommateurs restant à bonne distance les uns des autres et rejoignant les commerçants au compte-goutte tant et si bien qu'il n'y avait pas un chat à l'intérieur. Le maraîcher qui nous livre chaque semaine les légumes qu'il fait pousser sans aucun engrais, même biologique, pourra-t-il franchir les barrages ? Sa camionnette remplie de cageots et nos contrats devraient convaincre de le laisser passer. Les mesures idiotes favorisent les grands groupes au détriment des petits producteurs, or plus que jamais ces circuits courts montrent leur efficacité en cas de crise. De même les arrêtés sur les congés payés que les entreprises peuvent décompter honteusement sur les jours de confinement vont encore profiter aux plus gros. Celles qui vont morfler sont surtout les PME. À moins que les actionnaires des grands groupes et les salariés fortunés qui les dirigent crachent au bassinet, dans un surprenant élan de solidarité. Mais rappelez-vous que les banques, que nous avons renflouées avec nos impôts en 2008, n'ont jamais rendu l'argent après s'être refait une santé...
À l'Amap de Bagnolet, par exemple, tous les paniers sont prêts à emporter, les distances de sécurité sont matérialisées, personne ne touche rien d'autre que son panier, on répartit par tranche horaire en fonction de l'ordre alphabétique du nom de famille, il n'y a aucun échange d'argent puisque tout est payé en amont dans ce système d'économie solidaire... Quel supermarché offre les mêmes précautions ? Les amis qui sont partis se confiner chez leurs parents à la campagne sortent avec les enfants dans la forêt totalement déserte, empruntant les petits chemins pour ne pas rencontrer de gendarmes. Quelle critique leur opposer ? Prendre le soleil renforce les défenses immunitaires, contrairement au stress qui les affaiblit. Vaut-il mieux vivre à la cave si l'on ne s'approche de personne et ne touche à rien ? Seul le bon sens nous sortira des ornières de la psychose générée par le virus et entretenue par les autorités.

lundi 23 mars 2020

Prolongation du confinement


Jeudi soir, Air France annonce l'annulation de tous ses vols jusqu'au 31 mai. Cela vous donne une idée du délai supposé de confinement.
L'idée que nous sortirions de cette crise par un voyage génial au pays du soleil levant s'est envolée en fumée. Et me voilà enchaînant les annulations avec le même zèle que j'avais eu à choisir l'itinéraire, les ryokans, onsens, transports, etc. Si Booking et Nissan sont d'une clarté et probité exemplaires, je n'ai pas réussi à me faire rembourser intégralement par un malhonnête Tokyoïte sur AirBnB qui y pourvoira peut-être. L'agence Keikaku semble correcte, quitte à faire jouer l'assurance complémentaire liée au paiement par carte. Quant à Opodo et Air France, submergés par les demandes, c'est une prise de tête qui me fait remettre à plus tard l'opération soustractive.
J'avais besoin de me changer d'air, de vivre une expérience inédite qui remette en question mes habitudes. Je ne vais pas me plaindre. Avec l'assignation à résidence je suis servi. N'en jetez plus ! C'est moins sympa que de se plonger dans la nature sur l'île de Shikoku, mais beaucoup plus confortable que la prison ou ce que j'avais vécu à Sarajevo pendant le siège. Au moins ici, ce n'est pas la guerre, on ne risque pas de prendre un obus sur la figure. Quant aux malades adeptes de la gâchette, il n'y a qu'aux USA qu'ils font la queue devant les boutiques d'armuriers. En France on préfère le papier hygiénique et les provisions de bouffe.
Certains amis ont plus de difficultés que d'autres à supporter le confinement. Les conseils bienveillants affluent sur les réseaux sociaux, la télévision, les journaux. Ils sont certainement plus utiles que les avis et commentaires relativisant la pandémie, qu'ils soient monstrueusement alarmistes ou plus ou moins rassurants. Les toux nerveuses sont légion. À l'issue de la crise, les divorces vont exploser et dans neuf mois ce sera au tour des maternités ! L'incompétence crasse du gouvernement me fait craindre une dérive autoritaire accentuée, comportement déjà bien avancé. Il est aussi possible que cela fasse réfléchir beaucoup de monde sur nos manières de vivre. En quelques jours l'air est plus pur dans les villes, les oiseaux affluent, les poissons rejoignent les canaux de Venise, et beaucoup d'humains formatés sont dans l'obligation de sortir de leur coquille, puisqu'il n'y a plus nulle part autre où aller.

samedi 21 mars 2020

L'homme à la caméra sur Musique Machine


Premier article sur la réédition de L'homme à la caméra d'Un Drame Musical Instantané avec en bonus l'inédit La glace à trois faces, l'un et l'autre pour grand orchestre... Jusqu'ici jamais édités en CD, merci Klanggalerie !

Next in Klanggalerie series of reissues from French avant collective Un Drame Musical Instantané here is the band's fifth album 1984’s L'Homme À La Caméra. It finds the collective deepening & expanding both their dissonant modern classic & the more bizarre theatrical leanings, yet still keeping alive their general avant genre-mixing & matching. Also featured on this reissue is a second never released album La Glace A Trois Faces- all bringing this new releases runtime up to seventy-six minutes.

This CD is the third reissue of the band's work from the label, and before this, we had the band 1980’s debut Rideau! & it’s 1982 follow-up À Travail Égal Salaire Égal. This recent reissue is presented a glossy red, grey & black color schemed mini gatefold- this takes in a list of albums impressive sonic line, full credits, and shape/ collage-based artwork. I’m not sure about the pressing of this, but I’d imagine it’s not huge- so if you enjoyed the other Un Drame Musical Instantané albums, act sooner than later!.

The bands centered around Jean-Jacques Birgé, Bernard Vitet, & Francis Gorgé- and for each of the albums, they are joined by twelve other musicians playing a mix of classical & non-classical wind instrumentation, violins/ cellos/ viola, and various percussive based instrumentation. The first album here is the group's 1984 album L'Homme À La Caméra- it takes in eleven pieces in all, with the key members taking on the following tasks- Birgé conductor, synth, tapes, flutes, piano, jew harp & vocals. Vitet- conductor, trumpet, flute & Vocals. And Gorgé- Conductor, guitar, and variable. Though the album is broken up into eleven tracks- it feels much more of a flowing & developing single-track album- as the fifteen strong project dart all over the place. It would foolish/ madness to try & chart/ review everything here, as it really does shift all over the place- but here’s a little idea of what we get. We begin with “Ouverture À L'Iris” this opens in the very dissonant and clashing manner with manic sawing string, dramatic crashing-at-times-stumbling percussion, and baying horn work- fairly soon this works it’s self up into a noise crescendo. Next we drop into a pared-back & moody blend of wavering flute harmonics, scuttling percussion, and awkward string twangs & plays which are fairly soon joined by a selection guttural mouth sounds. Before drifting into a blend wailing female harmonizing,brooding horn wonders meet grim string swoon, & what sounds like seagulls, before shifting in its last-minute into thick darts of off-key jazz organ. By the album, midpoint we come to “Consinus” and here we find a collision of what sounds like bright orchestratal comedy music, spiraling bright electronics, weird theatrical chatter & male/ female call receive, and wondering horn. The albums final track "Le Spectacle Est Dans La Salle" attempts to bring together playful jazz flute, brooding male choirs, weird snoring & creaks, and sudden darts of disconnected orchestrate & angular rock stylings. L'Homme À La Caméra is a bizarre, wholly unpredictable, and largely enjoyable music journey.

The second half of the CD is taken up by the eight tracks of unreleased album La Glace A Trois Faces- and once again this is orchestrate based, but jumps all over the place genre-wise- though maybe not as much as the first release. We go from the trad Jazz meets playful Avant jazz of “Bohème”, onto the clear strumming guitar meets wondering horn & awkward sing-song vocals “L'Invitation Au Voyage”, through to simmering dissonant blend of multi piping/ sawing orchestrate, banging keys, and brooding wind sounds of the final track "Perfect Crimes".

In all this is a great double-headed sonic adventure of a release that is prime perfect for those who enjoy there Avant-grade genre mixed, unpredictable & daring. I very much look forward to the next Un Drame Musical Instantané reissue from Klanggalerie.

vendredi 20 mars 2020

L'odeur du large


Les nouvelles technologies nous désenclavent efficacement. J'appelle ma petite famille en Bretagne. Ils sont évidemment mieux au grand air, au bord de la mer, que confinés à Paris, surtout avec un enfant en bas âge. Certains autochtones prennent mal que les citadins leur apportent la peste, alors qu'ils étaient si bien entre eux. La consanguinité, réelle ou communautaire, a toujours produit des imbéciles. Pour ceux-là, délation sonne mieux que solidarité. Par exemple, lors de l'exode en mai-juin 1940, les Français étaient divisés entre ceux qui fichaient le camp, ceux qui les accueillaient et ceux qui les dénonceraient. Il est certain que les populations qui ne vivent que du tourisme l'ont généralement en horreur parce qu'elles en dépendent exclusivement. Heureusement tous ne partagent pas ces vues étriquées, préférant partager le vent et les embruns, quitte à se parler de loin. Il y a toujours des gens pour râler et d'autres pour se réjouir, ou du moins apprendre à profiter de la situation, fut-elle contrariante.
La commune où ils sont est déserte l'hiver, surpeuplée l'été. Même en juin ou septembre il n'y a pas d'autre chat que ceux qui vivent là, avec les mouettes et les goélands. La plage est immense et s'y promener ne risque pas de propager l'épidémie. Pourtant les pandores sont susceptibles de vous coller une contredanse à 135 euros au lieu de vous laisser vous livrer à la dérobée, l'an-dro, la ridée ou la gavotte bigoudène. On peut se rouler un palot à la maison, à ses risques et périls certes, mais sur le sable c'est interdit, même si le plus proche promeneur est à des centaines de mètres à la ronde. À croire que les verbalisateurs aient consigne de l'attraper ?! Les chanceux qui ont fui les villes, où le virus est susceptible de se propager plus vite qu'ailleurs, sont condamnés à faire semblant d'avoir "une activité physique individuelle" ou de promener leur animal de compagnie. Les couples se tiendront donc à vingt mètres de distance, des fois que la police assimile leur footing à "une pratique sportive collective". On pourra aussi arguer qu'un enfant de deux ans a besoin de se dépenser, qu'on ne peut pas le laisser tout seul à la maison pendant sa gymnastique matinale, que la condition physique (et, par delà, mentale) des humains renforce leur immunité contre les attaques virales ou autres, etc. Il est toujours difficile de se battre sur plusieurs fronts à la fois. C'est peut-être même la condition sine qua non pour tomber, ou pas, malade...


S'il faut empêcher les idiots de propager la maladie, il est indispensable de montrer un peu de jugeote au lieu de déclarer l'état de guerre, terme disproportionné en face de circonstances beaucoup plus graves. Je me souviens que l'école communale de ma fille avait simulé une attaque terroriste sans prévenir les gamins que c'était pour de faux, générant des crises traumatisantes. Le danger encouru ou engendré peut susciter une loi, mais pas d'appliquer stupidement un arrêté dont le flou n'a rien d'artistique. Cela me rappelle une histoire d'humour noir que les Sarajeviens m'avaient racontée pendant que je filmais le Siège en 1993. Alors que le couvre-feu est à 22 heures, un type passe à proximité de deux gars chargés de le faire respecter. Comme l'un d'eux abat le passant, l'autre s'insurge qu'il n'est que 21h50. Alors le tireur lui répond : "Peut-être, mais je sais où il habite. Il n'avait pas le temps de rentrer."
Franchement, si j'habitais au bord de la mer, j'en profiterais au lieu de rester à contempler l'horizon derrière la vitre. Mais je n'y suis pas, et plutôt que de jalouser celles et ceux qui ont eu la chance de pouvoir prendre la poudre d'escampette ou de vivre à la campagne, je préfère les laisser me faire rêver. Car le temps de taper ces mots, j'ai réussi à m'évader et à sentir l'odeur du large...

jeudi 19 mars 2020

Rivages de Matinier & Seddiki


La Poste a beau exploiter ses vacataires en leur imposant de cibler des tournées impossibles, le facteur est fidèle au poste. Le confinement n'empêche pas de recevoir du courrier et le chroniqueur découvre un lien supplémentaire avec l'extérieur, le service de presse. Ainsi hier tombait dans ma boîte une enveloppe matelassée contenant un disque pressé parfaitement adapté à une après-midi cloîtré. Rivages de l'accordéoniste Jean-Louis Matinier et du guitariste Kevin Seddiki n'a rien de soporifique, mais il convient très bien à la sieste que je remets sans cesse au lendemain, attaché à mon clavier, nettoyé pour les circonstances au produit à vitres.


Rivages est un album apaisant en cette époque où le temps s'étire bizarrement. Les lames de l'accordéon font vibrer une veine mélodramatique sans nostalgie. Les cordes de la guitare ont une rondeur charnelle sans être mièvres. Au milieu de leurs propres compositions, les deux compères ont discrètement glissé Les berceaux de Fauré et La chanson d'Hélène de Sarde qui se fondent dans la fausse chaleur d'un début de printemps. Les vagues déferlent sans heurts au gré des heures, paressant comme souvent les disques paraissant sur le label ECM, tandis que je joue avec les mots comme d'autres font des châteaux de sable au risque de se faire verbaliser. Il y a longtemps qu'en tapant on ne fait plus de pâtés...

→ Jean-Louis Matinier & Kevin Seddiki, Rivages, cd ECM, dist. Universal, sortie le 17 avril 2020 - concert le 23 avril si nous ne sommes plus assignés à résidence

mercredi 18 mars 2020

Par les toits


Comme je travaille d'habitude chez moi, et beaucoup, je ne sens pas trop la différence avec le confinement obligatoire. La maison est grande, il ya un jardin et tout ce qu'il faut pour tenir un siège. J'ai imprimé l'attestation de déplacement obligatoire pour traverser la rue et risquer un échange verbal avec mes voisins. Mais je pense à celles et ceux qui vivent dans un 15m², seul ou hélas parfois nombreux. Si vous avez accès au toit, par un vasistas, un vélux ou en retirant quelques tuiles, c'est une manière sûre de prendre l'air et changer de point de vue.
Vous avez vraiment peu de chance d'infecter qui que ce soit, de prendre une contravention, d'y être intercepté par des types en armes ou les mêmes qui vous ont cassé la gueule lors des récentes manifestations. Leur présence m'inquiète. Je comprends qu'on refroidisse les kakous qui font prendre des risques à leurs congénères (entendez qu'on les calme, pas qu'on les fusille), mais je crains que la population s'habitue plus tard à croiser l'armée ou la police encore plus souvent que par le passé. Rencontrer des jeunes gens en uniforme avec une mitraillette en bandoulière m'a toujours plus angoissé que d'être victime d'un hypothétique attentat terroriste. S'ils sont là pour faire peur, c'est réussi, mais bizarre dans une société qui met en avant les concepts de liberté et de démocratie. De même que les mesures Vigipirate n'ont jamais été levées plus de vingt ans après leur instauration, je crains que notre gouvernement, qui laisse régulièrement le police braver la loi, prenne goût à nous laisser les treillis militaires quadriller nos rues. "Nous sommes en guerre", martèle le représentant élu des banques, manière de nous faire avaler les couleuvres. Déclarera-t-il un jour l'armistice ? Il semble surtout qu'il se la joue ! Plus tard, cela fera peut-être au moins un truc pas totalement négatif de son règne putride, mais cela ne rétablira jamais l'équilibre avec le saccage du service public vendu au privé, du système de santé, de la protection sociale, du soutien à la culture, ni avec la brutalité de la répression, l'incompétence de ses équipes, l'arrivisme de ses députés aux ordres, etc.
Donc on ne prend pas de risques en évitant de refiler le virus potentiellement assassin, mais on garde la tête froide face au déploiement de forces armées. À l'issue de cette période traumatisante, on constatera l'efficacité du dispositif et s'il était adéquat. Il est surtout important de protéger nos vieux et les personnes fragiles. On glissera donc les tranches de jambon sous la porte et on évitera les câlins avec les petits porteurs, bien que je doute que les plus jeunes comprennent pourquoi on les boude. Bonnes lectures, laissez vous porter par la musique, faites le ménage, il y a tant de choses à faire chez soi qu'on prétend ne jamais avoir le temps de résoudre... Et autant que vous le pouvez, prenez l'air, par le fenêtre ou les toits... Ce matin, un rouge-gorge est venu se poser à côté de moi, il s'est évidemment envolé, mais il m'accompagnera toute la journée...

mardi 17 mars 2020

Alors, y a personne, dans la rue...


À la mort de la chanteuse Colette Magny en 1997, j'avais choisi d'interpréter, avec Bernard Vitet, À l'écoute que notre amie avait composé à partir d'un tableau de Sylvie Dubal. Cette chanson m'a toujours bouleversé. Aujourd'hui elle résonne bizarrement dans ma tête. Les musiciens, qui ont l'habitude de partager leur passion, se retrouvent cantonnés chez eux, comme tout le monde. Ainsi l'orchestre de Jannis Kounellis joue tout seul. Et la guitare sommaire de Molette Cagny, comme elle signait souvent ses lettres, vibre dans le silence de la ville...


Tu as vu quelqu'un ?
As-tu vu quelqu'un ?
Tu as vu quelqu'un ?
Personne
Alors, y a personne ?
Quelqu'un...
Je les prendrai tous
Y a quelqu'un ?
Personne
Y a quelqu'un ?
Personne
Alors y a personne ?
Mais si y a quelqu'un
Mais non y a personne
On les collera tous au mur
Au coin de la rue y a un manège
Mais tu ne l'as pas vu
Les fourmis dévalent
Les abeilles travaillent
Y a quelqu'un ?
Alors comme ça t'es sûr y a personne dans la ville ?
Mais enfin puisque je te dis qu'il y a tous les copains
Tu vois bien
Personne... Dans la rue... En ville
Enfin c'est ridicule écoute, regarde bien, tu vois bien
Je te dis y a tous les copains
Alors, y a personne dans la rue...
Enfin, c'est formidable, regarde bien
Je te dis y a tous les copains
Y a plus personne : alors je vois plus rien

lundi 16 mars 2020

Cadenassés


Imaginez d'abord que nous serons confinés, assignés à résidence, dès demain mardi. Armée, couvre-feu sont des mots qui pendent au-dessus de nos têtes.
Jusqu'ici je me demandais comment faire ? Comment feraient les travailleurs dont les enfants en bas âge sont en crèche ? Comment se comporteraient les usagers des transports en commun ? Comment conduiraient sur la route ceux qui ne pensent qu'à ça ? Ces questions ne se poseront plus demain ! Mais comment feront tout de même les intermittents dont les spectacles sont annulés et qui n'auront pas leurs heures ? Comment les artisans et les petites entreprises survivront à la crise ? Comment le capital saura-t-il en profiter ? Et les gouvernements ? Auront-ils un sursaut de lucidité sur le saccage du monde hospitalier et la santé ? Comment ne pas se refermer sur soi ? Comment ne pas se méfier de tous et de tout ?
Trop de questions. De quoi rendre fou. La déraison guette les plus fragiles. En période de crise, chacun, chacune révèle son humanité. Jusqu'où la solidarité peut-elle s'exercer ? Travaillant chez moi, j'étais peu sorti ces dernières semaines. J'envoie ma musique et mes articles par Internet. Privilégié, ma bibliothèque, ma vidéothèque, le congélateur, la fibre, le jardin me permettent de tenir un siège. Pas trop long. J'en ai connu un, terrible, qui dura trois ans et demi. Ma compagne emprunte un Vélib', elle prend le métro, elle assure la permanence de son exposition collective. Peut-être rapportera-t-elle le virus à la maison ? Je lui demande ce qu'elle a touché, si elle s'est chaque fois lavée les mains, si elle a réussi à ne pas se frotter les yeux, le nez... ? Même à vivre en scaphandre le risque zéro n'existe pas. Sauf à s'empêcher de respirer ou de toucher quoi que ce soit...
L'ambiance générale est déstabilisante quel que soit son propre caractère. Les cerveaux sont démantibulés. Comment penser juste ? Comment faire la part des choses ? Comment accepter cet état d'urgence sans sombrer dans la paranoïa ? Comment relativiser les mesures alarmistes sans prendre de risques imbéciles ?
Il est évident qu'il y aura un avant et un après. Continuerons-nous à délocaliser, à importer autant de Chine, d'Inde ou d'ailleurs ? Certains pays seront-ils tentés de reconstruire leurs barrières frontalières ? Si l'ultra-libéralisme se renforce, la résistance saura-t-elle s'organiser ? Quel bilan saurons-nous tirer de cette Europe du fric et de ce monde embourbé dans son cynisme eugéniste ? Ce genre de crise change la donne, gauchit le sens. La gestion de la crise du coronavirus marquera une nouvelle ère. Comment fera-t-elle évoluer les mentalités ? Je n'en ai pas la moindre idée. Cela dépend de chacun et chacune d'entre nous. Seul nous ne pouvons rien. Ensemble nous pouvons tout. Or nous sommes confinés, ou plus exactement nous allons le devenir. Mais rien ni personne ne peut nous empêcher de réfléchir, à condition de ne pas céder à la panique. On se téléphonera, on se retrouvera sur les réseaux sociaux, on se parlera aux fenêtres.
Pour les détails, suivez les informations qui ne sauraient tarder...

dimanche 15 mars 2020

Le virus, mutant social


Ce qui suit ne remet pas en cause le danger du coronavirus. Ce sont simplement quelques constatations et interrogations qui en découlent.
À la pharmacie, devant moi, une femme souhaite acheter du gel hydroalcoolique et un thermomètre frontal. La pharmacienne lui répondant que ces deux produits sont épuisés, la femme demande à ce qu'on lui en réserve. La pharmacienne lui explique qu'aucune réservation n'est envisageable, mais qu'il lui reste des thermomètres rectaux. La femme, dépitée, lui répond : "J'en ai déjà un, mais je vais en prendre un quand même, on ne sait jamais !".
Où s'arrêtera le virus de la paranoïa ? S'il est indéniable que cette méchante "grippe" peut être fatale majoritairement aux séniors déjà fragilisés par la maladie, le coronavirus est-il le monstre apocalyptique annoncé ? Comme d'habitude avec les manipulations d'opinion, on ignore la réalité de la pandémie, mais on peut juger de la manière dont les gouvernements s'en servent. Pour eux, c'est une aubaine. Non parce qu'elle va permettre de résorber le nombre des retraités à indemniser (voir Boris Johnson et son immunisation de groupe, prêt à sacrifier 500 000 Britanniques : « beaucoup de familles vont perdre des proches de façon prématurée »), mais la gestion de la menace fera accepter la crise économique mondiale qui nous pendait inévitablement au nez et que les puissants ne savaient pas comment nous servir. Le virus aura bon dos. Il y aura un avant et un après, comme le fut le 11 septembre 2001 ou, à un moindre niveau, le Plan Vigipirate. L'attaque sur le World Trade Center permit à Bush de faire voter les lois scélérates une semaine plus tard et d'envahir l'Afghanistan, puis l'Irak. En France voilà plus de 20 ans que la psychose des attentats est entretenue ; j'y pense chaque fois que je passe près d'une école maternelle devant laquelle il est interdit de se garer ! Avec le Coronavirus nous allons prendre l'habitude de fermer les frontières à telle ou telle population, nous accepterons les interdictions de rassemblements trop importants, etc. Notez que ces mesures seront prises pour notre bien ! L'important n'est pas que les migrations climatiques et politiques ou les manifestations de colère des opprimés soient jugulées, mais que ces choix soient acceptés, entérinés par l'opinion publique.
En regardant la photo des chaises vides que j'ai prise dans un blockhaus roumain construit du temps de la Guerre Froide, j'ai pensé à Kafka et au film La route parallèle de Ferdinand Khittl. Pourtant, c'est juché sur un tabouret que l'auteur du Château lisait son roman en public, s'étranglant de rire. Et les protagonistes du film allemand achevé en 1962 ne comprenaient pas ce qu'on attendait d'eux et apprenaient trop tard l'enjeu dont ils étaient victimes.
On ferme tout, mais interdira-t-on les attroupements de brutes casquées qui dépassent largement la centaine ! Comme beaucoup, je n'ai pas compris que les élections municipales soient maintenues. J'irai voter avec mon stylo et j'appuierai ganté sur le bouton puisqu'à Bagnolet c'est informatisé. Pour s'insurger, reste l'espace virtuel où je m'exprime encore sans risque. Sans risque d'attraper une mystérieuse maladie létale. Mais on y lit aujourd'hui n'importe quoi.
Car "en même temps", le pouvoir tente de faire taire ce qui remet en cause le discours officiel sous prétexte de fake news, avec la complicité des opérateurs que sont, entre autres, FaceBook, YouTube ou Google. Or l'État est le premier fournisseur de ces fake news ! Et lorsque j'écris l'État, je ne parle pas seulement de notre pays, mais de presque tous les États de la planète aux mains d'une mafia bancaire internationale servant les intérêts d'un tout petit nombre d'êtres humains. Humains, j'en doute. Des animaux dénaturés plus certainement, comme les appelait Vercors ! Certains m'imagineront complotiste, comme si Edward Bernays n'avait pas cyniquement inventé la société de consommation, que les services secrets de tous les pays étaient là seulement pour faire fantasmer les amateurs de romans d'espionnage, que l'industrie pharmaceutique n'était motivée que par une honnête compassion. Le complot n'est jamais l'évènement, mais son exploitation par le pouvoir.
La Bourse dégringolant, les petits épargnants vendront à la baisse et les gros magouilleurs rachèteront au plus bas. La peur est toujours mauvaise conseillère. La panique fait bizarrement vider les rayons de papier hygiénique, de pâtes et de riz. En 1968, c'était le sucre. Pendant ce temps, on ne pense pas aux migrants qui se noient, aux populations déplacées qui se meurent, aux millions de victimes de la famine, aux Gilets Jaunes qui se serrent la ceinture en fin de mois, à l'incompétence de ceux et celles qui nous gouvernent. L'ennemi est ailleurs. C'est un alien. Comme jadis le juif ou le communiste. L'ennemi est petit, sournois. L'ennemi est partout. Chez vos voisins. Dans votre propre famille. Le virus est en nous. Comment ne pas se méfier de tout et de tous. C'est ainsi que se façonnent les opinions de masse et que mutent les sociétés...

vendredi 13 mars 2020

Écrire l’Histoire du Futur


Comme nous présentions avec Anne-Sarah Le Meur notre installation audiovisuelle Omni-Vermille au ZKM (Centre d'art et de technologie des médias de Karlsruhe), j’en ai profité pour visiter l’exposition Writing the History of the Future. J’étais venu il y a plus de vingt ans lors d'un Master européen de la Femis et je suis surpris qu’il n’existe aucun équivalent en France à ce musée des nouveaux médias. Les écrans, installations interactives, captations vidéo pullulent dans cette gigantesque ancienne usine aux magnifiques structures métalliques. Lors de notre séjour, la rétrospective Peter Weibel venait de fermer, mais étaient encore ouvertes celles du Bauhaus en films et celle sur le Gameplay. Je me suis surtout attardé au musée proprement dit qui rassemble quantité de pièces historiques.


Pendant cette pérégrination, je remarque de grandes tendances comme les plantes réagissant au toucher des visiteurs. Ainsi les plantes musicales de Scénocosme rappellent l’Interactive Plant Growing (1992) de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau dont les feuilles virtuelles poussent sur l’écran lorsqu’on caresse celles qui sont en pots. Frôlez le le cactus et tout s’efface comme des bulles qui éclatent. L’humour, souvent présent dans les œuvres exposées, a un parfum de fête foraine avec ses miroirs déformants et les déclencheurs robotiques. C'est tout de même à la foire qu'est né le cinématographe !



Le même duo dessine mon portrait avec un essaim de mouches (Portrait On The Fly, 2015) ou Ira Schneider me multiplie après que je sois passé devant un fonds vert (Echo, 1975, digital reconstruction) à la manière de Myron Krueger


De grands classiques comme Versailles Fountain (1992) de Nam June Paik ou Reliquaire (1990) de Christian Boltanski côtoient des œuvres récentes.


Une section présente des pièces musicales, la plupart minimalistes. Au delà de l’interactivité, déclenchée en appuyant sur une pédale ou en s’approchant simplement, les compositions musicales sont presque toujours décevantes. Ce sont des œuvres plastiques, mais pauvres à l’écoute. Un coup de gros caisse est tout de même un peu sommaire ! Le stylet vibrant sur une corde du Musical Hannover (1974) de Takis a le mérite de posséder un timbre intéressant et une indétermination, humaine en opposition à la foule robotique.


Pour créer du rêve ou de la pensée il faut plus que la mécanique des capteurs. Ainsi Beton-TV-Paris (1974) de Wolf Vostell ouvre une fenêtre future microscopique sur le passé…


En sortant de l’expo, un énième miroir déformant nous filme, Max Pinson et moi. Nous ne nous étions pas vus depuis 44 ans. Le passé resurgit au gré de nos mémoires défaillantes. Quant à écrire l’histoire du futur, le concept ne peut qu’enthousiasmer un compositeur qui a fêté son Centenaire en 2052 et dont le nouvel album s’appelle Perspectives du XXIIe siècle !

jeudi 12 mars 2020

Omni-Vermille, vernie !


Pour en arriver là, il avait fallu courir. Courir pour attraper la correspondance à Strasbourg. Notre TGV direct avait été annulé après l'accident de sortie de rails d'un précédent quelques jours plus tôt. Quelques blessés. Déviation. Six minutes pour changer de quai avec armes et bagages. On avait derrière nous les paysages dévastés par les inondations.


Arrivés à Karlsruhe, nous avons loué la personne qui avait eu l'idée géniale de mettre des roulettes aux valises. Direction le ZKM où nous attendait une équipe de choc. Après une première soirée à nous geler les pinceaux dans une salle vitrée immense, inventée par un architecte présomptueux, nous avons commencé à voir et entendre ce dont nous avions rêvé. L'architecte, lui, avait imaginé une île avec de l'eau tout autour ; il y a bien le fossé, mais jamais aucune rivière n'y a coulé. Par contre, les travaux de tous les malins qui ont choisi de construire des complexes culturels autour du ZKM ont fendillé la plate-forme comme si le bâtiment avait vécu un tremblement de terre. Je m'égare. Anne-Sarah rajoute deux écrans sur le côté comme c'était prévu au début. Je fais ravancer et écarter les haut-parleurs qui jusque là ne diffusaient que l'ombre de ma musique. Les grands écrans empêchaient le son de passer, il n'y avait que des basses floutées. Je pousse les aigus au maximum et je retrouve ce que j'ai joué, chaque fois d'une seule prise. À l'avant les quatre écrans principaux sont arrosés par deux vidéoprojecteurs laser...


Pour que cela marche comme Anne-Sarah l'a programmé, nous sommes aidés par Dirk, Werner et Clara qui font des pieds et des mains pour que tout soit en place en temps et en heure. Dirk a plus d'un tour dans son sac pour synchroniser les six écrans...


Il faut voir la mine réjouie de l'artiste lorsque tout fonctionne enfin dans le bureau. Il suffit ensuite d'installer les écrans et de centrer les images. J'écris "il suffit", mais ce n'est pas si simple pour que tout soit raccord. Werner s'occupe des écrans tandis que Dirk contrôle les images depuis son bureau éloigné d'une centaine de mètres. Au moins lui est au chaud, les vitrines ajourées laissant passer certes le son, mais aussi le vent qui souffle sur le Land de Bade-Wurtemberg.


Anne-Sarah entame une danse du feu devant les affiches du ZKM. La nôtre est encadrée par celle du Bauhaus et le prochain niveau du Game Play ! Sur ma photo on ne voit pas celle qui revendique le Female Pleasure, un poing levé les ongles vernis de rouge. C'est évidemment le vermillon qui a donné son titre à Omni-Vermille.


Il restait encore une journée pour relever quelques petits challenges techniques comme Dirk appelle les derniers problèmes à régler pour être prêts pour le vernissage qui a eu lieu le troisième soir après notre arrivée... Le résultat est somptueux. Nous pouvons aller nous coucher. Demain soir, Anne-Sarah a un autre vernissage, exposition collective Fragilités à La Ruche, Paris XVe...

mercredi 11 mars 2020

Le son d'Omni-Vermille


Anne-Sarah Le Meur a structuré Omni-Vermille, son installation générative pour 6 écrans en 7 interludes et 7 parties. J'ai suivi sa structure en conservant une unité sur les parties longues (5 minutes chacune) et en variant les interludes (2 minutes chacun). L'ensemble d'environ 52 minutes est projeté en boucle sur 4 mètres de haut et 18 mètres de la façade du ZKM à Karlsruhe en Allemagne. Elle se voit de loin sur la place piétonne, mais il faut évidemment s'approcher pour entendre la musique, d'autant qu'elle est programmée de 18h à minuit pendant plusieurs semaines. J'ai enregistré en une seule prise chacun des 14 mouvements. Les 7 parties sont jouées au clavier avec le moteur Kontakt et des sonorités électro-acoustiques. Les 7 interludes passent du clavier à la Machine à rêves de Leonardo da Vinci, et de la flûte à la trompette à anche. Les instruments acoustiques sont transformés par un effet que j'ai programmé sur l'Eventide H3000. J'ai cherché à créer des mouvements amples et contemplatifs, ce qui me change de mes habitudes !



Le public peut percevoir ou pas les transitions, visuelles ou musicales, cela n'a pas d'importance. La sensation dépend de la distance d'où l'on regarde les écrans et de la sensibilité de chacun/e. Anne-Sarah, par exemple, a fait en sorte que quelqu'un passant chaque jour à l'heure pile à proximité de la vitrine verra un spectacle différent. De toute manière la générativité joue sans cesse de ses variations de couleurs et de formes. La musique, dont les 14 éléments sont déclenchés successivement par l'ordinateur, joue ainsi du synchronisme accidentel que j'adore, en particulier par rapport aux plissés imprévisibles des images. Pendant que j'y étais, j'ai commis un petit mixage adapté à l'écoute pure, ce qui constitue le 82e album virtuel, soit la 1064e pièce et la 157e heure exclusivement en ligne du site drame.org et des Disques GRRR...

→ Jean-Jacques Birgé, Omni-Vermille, album en ligne en écoute et téléchargement gratuits (comme 81 autres albums inédits ; par contre, une quarantaine de CD et vinyles sont commandables sur le site et certains sur Bandcamp)

mardi 10 mars 2020

Omni-Vermille au ZKM



Pour annoncer notre installation d'Omni-Vermille au ZKM (Zentrum für Kunst und Medientechnologie Karlsruhe), Peter Weibel a choisi l'image d'Anne-Sarah Le Meur qu'il préférait, un plissé vert sur lie de vin avec un bout du code informatique imprimé en vernis brillant. On la retrouve en kakémono, affiche et carte postale ! Sur le site du ZKM, c'est une image bleu-vert avec un trou noir qui apparaît en son centre.


Déjà en 2011, Anne-Sarah y avait exposé son cylindre à 360°, Outre-Ronde. Depuis les années 1990, elle explore dans ses œuvres la relation entre l'art numérique et la peinture. Son code informatique, basé sur des images 3D générées en temps réel, fait osciller des lumières sur un fond noir. Les couleurs bougent parfois dynamiquement, à d'autres moment calmement sur la surface de projection. Elles évoluent toujours dans une profondeur intrigante. "Taches lumineuses oscillant dans l'obscurité, des couleurs s'animent, lévitent, semblent respirer. Un va-et-vient diffus passe des tons chauds (rouge, sombre ou vermillon, orangé, rose fuchsia...) à leurs contrepoints verts et turquoise. Une tache noire apparaît, persiste, rode. Ombre ou trou ? Astre, orifice ou pupille ? La surface ondule, vibre ponctuellement, habitée parfois par de puissants remous qui dispersent les zones colorées. La fin de chaque cycle bascule dans un fond rouge saturé. Puis les phénomènes reprennent un cours plus tranquille, aux métamorphoses lentes, continues, duveteuses, à la fois fascinantes, apaisantes et énigmatiques.
 Comment ? Ces images-là ne seraient produites que par de simples nombres, de la géométrie ? Il existerait donc une mathématique-informatique au potentiel sensuel ?
 Quant aux sons, ils épousent les formes, s’assemblant ou se désolidarisant grâce à toutes sortes de morphings. Les interludes, plus chaotiques, marquent des pauses animées avant chaque mouvement, plus amples, glissant d'une émotion à une autre, en fonction des couleurs. Les plissés de la musique obéissent à leur propre logique indépendamment de ceux des images, selon les lois merveilleuses du synchronisme accidentel."


Nous travaillons évidemment le soir pour régler les projections, mais le son sort bien depuis que nous avons écarté et rapproché les haut-parleurs disposés de chaque côté pour éviter que les six écrans leur fassent (écran !). Le vernissage est mercredi soir.

lundi 9 mars 2020

Charlie Parker, oiseau de bon augure


Je n'écoute plus beaucoup de jazz au sens strict du terme, et si cela m'arrive je préfère choisir ceux et celles qui ont fait l'histoire plutôt que celles et ceux qui la récitent. Heureusement, de temps en temps, de jeunes musiciens et chanteurs me surprennent par la manière de s'approprier le passé pour envisager l'avenir. En fait ils sont aujourd'hui assez nombreux en France à s'y reconnaître sans tenter de mimer vainement les anciens. J'avais l'habitude de dire que lorsque le jazz français est bon, c'est que ce n'est pas du jazz. Depuis que la question de l'influence américaine n'est plus à l'ordre du jour, ils et elles ont trouvé leurs voix, qu'ils se préoccupent du swing ou qu'ils s'en moquent. Ainsi le jazz est devenu une manière d'envisager la musique plus qu'un genre. L'expression individuelle, l'improvisation et la liberté d'invention en sont des marqueurs. Le rock est plus une musique de groupe ou de chanteurs, la musique dite contemporaine la continuité du classique, le rap une chronique de la rue, la chanson française un texte, etc. Il faudrait décortiquer les préjugés, les communautarismes, les stratégies de vente, etc. Je schématise évidemment.
D'abord, parce que le disque Ornithologie du trombone Fidel Fourneyron et Un Poco Loco, trio formé avec le saxophoniste ténor Geoffroy Gesser et le contrebassiste Sébastien Beliah, est une petite merveille qui suit fidèlement les volutes, les saccades et les brisures de l'original tout en sonnant actuelle, je ne sais par quel miracle ? Quel plaisir de sentir mes jambes remuer en écoutant Salt Peanuts ! Le timbre est grave, mais la musique est légère, légère. On se sent voler.


Comme si cela ne suffisait pas, je découvre l'album collectif The Passion of Charlie Parker sorti en 2017. Le projet me rappelle un peu ceux de Hal Willner, habitué des hommages qui prennent de la distance pour mieux honorer ses idoles. Produit par Larry Klein sur des paroles orignales de David Baerwald, il rassemble une belle brochette de chanteurs et chanteuses racontant la vie de l'oiseau compositeur et saxophoniste alto. Le comédien Jeffrey Wright tandis que se succèdent Gregory Porter, Madeleine Peyroux, Melody Gardot, Barbara Hannigan, Luciana Souza, Kurt Elling et Camille Bertault. Ils et elles sont accompagnés par Donny McCaslin au sax ténor (pas d'alto ici ni dans le disque de Fourneyron), Ben Monder à la guitare, Craig Taborn au piano, Larry Grenadier ou Scott Colley à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Le sax (excellent et varié), le guitariste et le batteur faisaient partie de l'orchestre de Black Star, dernier disque de David Bowie, celui que je préfère, peut-être parce qu'explicitement marqué par Scott Walker !
Le résultat pourrait être du genre des trucs mous que je reçois régulièrement, je me demande pourquoi on me les envoie, et surtout pourquoi ces artistes s'y fourvoient, mais non, c'est une belle histoire, agréable et surprenante, enfin pas toujours, mais d'un niveau plus qu'honorable. Madeleine Peyroux entame d'emblée l'histoire avec des paroles explicites soulignant la distance avec le sujet. Je suis ensuite heureusement surpris de découvrir Barbara Hannigan dont la présence indique l'ouverture de l'entreprise. Après sa prestation aussi barjo qu'espérée, tout coule de source, même si je préfère Porter, Wright et Elling aux chanteuses blanches qui se la jouent noires. Je suis injuste, elles sont ici très convaincantes, ma préférence allant à Gardot. La Passion de Charlie Parker fait probablement référence au chemin de croix du camé génial, mais elle exprime ce que les "modernes" doivent au compositeur dont l'agilité tenait aussi bien de son cerveau que de ses doigts.

→ Fidel Fourneyron & Un Poco Loco, Ornithologie, CD Umlaut Records, LA C.A.D. / L'Autre Distribution, 12€
The Passion of Charlie Parker, CD / 2LP Impulse!/Universal, 15€

vendredi 6 mars 2020

Mouais, bof, pfff !


Je n'arrive pas à faire l'école buissonnière du blog. J'ai l'impression que si je manquais à cette discipline, je risquerais de m'arrêter à tout jamais. On me prend pour un hyperactif alors que je me vois comme un flemmard. Mais chaque jour et à peu près dans cet ordre, je passe une quinzaine de minutes au sauna, me lave, me brosse les dents, me rase, m'habille fut-ce tard, fais mon lit, cuisine, ne saute aucun repas, même si l'une ou l'autre de ces obligations me gave. Je ne parle pas du travail qui m'occupe de très tôt le matin jusqu'au dîner, parce qu'il m'arrive de flâner, pas assez à mon goût, ou de partir en vacances. La même discipline m'interdit de bloguer pendant les grandes, histoire de débrancher la perfusion dont je suis victime comme tant de monde. Je serai donc absent du 19 mai au 12 juin, quitte à relater notre séjour japonais au retour. Par contre, les petites incartades ne justifient aucune défection et je trouve toujours le moyen d'envoyer mon article où que je sois sur la planète. Ce n'est pas tout à fait vrai puisque j'avais continué à bloguer lors des récents séjours à Venise et en Roumanie.
Je raconte cela car il m'arrive tout de même de manquer d'inspiration alors que l'heure tourne. Je feuillète alors les images en attente, mais j'ai déjà exploité la plupart de celles susceptibles de produire un déclic dans mon ciboulot. Je jette un œil aux infos, via les mails, FaceBook, Mediapart, mais c'est généralement déprimant. J'aimerais prendre de la hauteur comme sur la photo, même si j'y vois une ombre au tableau, éviter de transformer mon blog en rubrique nécrologique ou en chroniques musicales ou cinématographiques, mais plutôt rapporter des idées séduisantes, en soignant le style par dessus le marché. Mais voilà, non, cela ne marche pas à tous les coups, en particulier les jours où j'ai travaillé comme un fou, pratiquant le forcing qui met en danger toutes mes bonnes résolutions disciplinaires. Par exemple aujourd'hui, j'ai bouclé mon nouvel album sur lequel je sue depuis un an, envoyé les dernières mises en son du MOOC sur l'intelligence artificielle et fait d'ultimes corrections à la partition musicale de l'installation générative Omni-Vermille d'Anne-Sarah Le Meur qui nous occupera la semaine prochaine puisque nous partons lundi à Karsruhe pour la mettre en place. J'ai parfois l'impression que je vais avoir le temps de me reposer, mais le téléphone sonne, il faut que je prépare la newsletter de mars, les réservations pour Hiroshima et la fin de notre périple nippon urgent, car même deux mois à l'avance beaucoup d'endroits sont déjà complets et il faut qu'ils coïncident avec les trajets en train, en automobile qui roule à gauche, en ferry, en bus, à bicyclette, que sais-je... Parfois, je reçois un disque, un film, une nouvelle qui éclaire ma journée et me donne envie de partager ma joie avec vous. Je préfère évoquer ce qui me sourit, évitant de dégommer ce qui m'ennuie et m'endort, sauf pour des raisons politiques. Vous ai-je d'ailleurs raconté que je suis 39e sur 39 de la liste Bagnolet en commun pour les élections municipales ? Inéligible donc, mais avec l'espoir de redresser une ville gangrénée par les dettes, la corruption et le clientélisme. Je sais bien que le vote est un leurre de notre pseudo démocratie, mais le combat de proximité est un des rares atouts qu'il nous reste, si ce n'est faire la révolution, qui est une idée qui ne me déplaît pas...
Enfin, même si ce 4371ème billet me semble faible, si je rabâche, il reste les liens hypertexte qui renvoient à des jours où j'étais plus en verve...

jeudi 5 mars 2020

Roda-Gil rime avec utile, c'est si facile


Si j'aime la musique, une chanson c'est d'abord un texte. J'ai besoin de comprendre les paroles et que la musique l'exprime comme dans un film muet sans pour autant qu'elle soit illustrative. J'ai commencé par écrire des mots avant de jouer des notes. Je parlais anglais, je suis devenu le chanteur du groupe. Et puis très vite j'ai eu besoin de les envelopper avec des bruits bizarres. Mes premières chansons ont été enregistrées avec Un Drame Musical Instantané, mais mes préférées sont celles que j'ai écrites pour ma fille Elsa et qui n'ont jamais été publiées. Je suis égelement très heureux de notre adaptation de Crasse-Tignasse et surtout Carton réalisé avec Bernard Vitet qui avait un don fantastique pour les mettre en musique. Il avait un sens de l'harmonie exceptionnel alors que je m'occupais de l'orchestration. À la trompette et au bugle, Bernard avait enregistré pour Gainsbourg, Barbara, Montand, Bardot, tourné quatre ans avec Claude François et tant d'autres. Il prétendait avoir écrit le pont de My Way (Comme d'habitude) et se fichait totalement de ne pas l'avoir signée. Il disait de toute façon ne pas aimer cette chanson, même s'il aurait pu être châtelain. Jouer avec Colette Magny ou Brigitte Fontaine dressait un autre pont avec son côté free jazz, avec Parmegiani rappelait son passage au GRM. Je pense à lui chaque fois que je me remets à la chanson, un genre difficile parce qu'il est censé s'adresser à un plus large public. Les compositeurs contemporains ont rarement des textes aussi forts que ceux des paroliers de la chanson française. J'achète encore les disques de Camille, Brigitte Fontaine, Claire Diterzi, comme avant Noir Désir ou Bashung.
On l'appelait Roda, le film de Charlotte Silvera m'a donné envie de rendre hommage à cette chanson française qui nous lègue tant de standards. Les jazzmen ont fini par s'en apercevoir au lieu d'aller puiser exclusivement dans le répertoire américain. Pour convaincre, leurs instrumentaux doivent être dictés par les paroles, pensées sans être dites.


Étienne Roda-Gil, dont les 747 chansons ont toutes été interprétées, incarne l'ambiguïté de l'engagement politique et du désir de reconnaissance. Il se disait poète industriel, rêvait de détruire cette industrie qui le nourrissait. S'il a su séduire Julien Clerc, Claude François, Johnny Hallyday, Juliette Gréco, Vanessa Paradis, Barbara, Mort Schuman, France Gall, Angelo Branduardi, Alain Chamfort, Françoise Hardy, Christophe, Pascal Obispo, Sophie Marceau, Catherine Lara, Louis Bertignac, Astor Piazzola, Marianne Faithfull, Roger Waters, etc. Roda-Gil avait aussi écrit La Makhnovstchina dans le formidable disque situationniste Pour en finir avec le travail. Pas seulement Utile pour Julien Clerc, Alexandrie Alexandra pour Claude François, Le Lac Majeur pour Mort Shuman, Joe le taxi pour Vanessa Paradis...
Il était anarchiste, fidèle à ses parents qui avaient fui l'Espagne franquiste, à son père qui avait été militant libertaire de la CNT, commissaire général, membre de la colonne Durruti, puis maquisard français. Les Bérurier noir, Barikad, Serge Utgé-Royo ont aussi repris certaines de ses chansons. Marqué par mai 1968 alors qu'il avait 26 ans, il n'a jamais renié ses idées, les insinuant parfois dans un inconscient subversif, une abstraction suggestive... À condition de bien écouter ce que son romantisme d'écorché vif suggère... Roda-Gil disparut en 2004 à l'âge de 62 ans. Je l'ai toujours considéré avec une attention particulière, sachant que ses sous-entendus étaient à tiroirs. Le film de Charlotte Silvera, constitué d'un long entretien, de nombreux témoignages et d'extraits, lui rend un bel hommage, rappelant ce que notre culture lui doit, comme à Brel, Ferré, Brassens, Barbara...

→ Charlotte Silvera, On l'appelait Roda, DVD Doriane Films, 1h37 + bonus de 26 minutes, 15€, sortie le 4 mars

mercredi 4 mars 2020

L'arme biologique


L'été dernier en Roumanie, lors de notre voyage d'études pour le projet sur la ville utopique de Victoria, lieu de mon prochain gros travail discographique en 2021, nous avons visité un bunker souterrain en zone protégée pour ne pas dire interdite. Au gré de nos fouilles nous avons découvert d'inquiétantes affiches sur diverses armes de destruction massive, chimiques, nucléaires, biologiques, etc. Appréciez l'etcétéra s'il-vous-plaît ! La proximité du Coronavirus m'a incité à prendre une loupe pour observer les phylactères de cette bande dessinée dystopique, avec la difficulté que représente pour moi de traduire ces précautions élémentaires depuis le roumain. Le premier article répertorie les différentes menaces, bactériennes, virales, et puis les rickettsies (je ne connaissais pas cette spécialité gastronomique dont nous sommes les proies), champignons, parasites, toxines... Certaines images évoquent la pulvérisation d'agents pathogènes dissimulés dans des véhicules anonymes, des avions, des bombes, des sprays. Il est ensuite conseillé de protéger ses denrées alimentaires, faire bouillir l'eau ou de consommer de la minérale en bouteille hermétique, prendre systématiquement sa température, collecter les ordures dans des containers spéciaux, désinfecter, se faire vacciner quand c'est possible... La liste est séduisante, mais vraiment pas rassurante !
On tempérera en se disant que les alertes amplifient souvent le danger, principe de précaution oblige. On pourra se dire que l'épidémie tombe à pic, que ce soit pour camoufler les problèmes économiques que rencontrent actuellement presque tous les états lancés dans un ultralibéralisme suicidaire pour ne pas dire criminel, ou pour réduire le nombre de retraités qui les préoccupe souvent tout autant ! On comparera avec le nombre de décès en France dus à la grippe saisonnière (8 100 en 2018-19), aux accidents de la route (3 500), et surtout aux autres causes qui relativiseront la panique ou la créeront selon votre caractère : cancer 147 500, cardio-vasculaire 140 000, tabac-alcool-drogue 90 000, obésité 55 000, diabète 32 150, maladies infectieuses 25 600, accidents domestiques 16 500, poumons 16 000, suicides 12 900, accidents du travail 1 300, homicides 740, noyade 700, avion 8 ! J'ignore où ce classement place les 48 000 morts de la pollution ? Ces chiffres mortels vous permettent de choisir la manière dont vous souhaitez vivre. J'ai raconté que lors de mon séjour à Sarajevo pleuvaient 1 000 obus par 24 heures et que j'en suis revenu indemne (du moins physiquement !) alors qu'un ami resté à Paris s'y était tué en voiture le jour de mon retour...
Les conséquences de cette crise sont intéressantes, car souvent contradictoires. On pourra par exemple constater que le scandale est bien à pointer dans la gestion de la santé par notre gouvernement. La crise hospitalière ne va pas s'arranger avec les mesures concernant le Coronavirus. On peut aussi se demander si choisir cette épidémie mondiale pour interdire les manifestations, les grands concerts, les marchés en plein air (la police a parfois de drôles d'initiatives, surtout lorsqu'elle ferme les yeux sur le supermarché situé en face), etc., n'est pas carrément contreproductif de la part de notre état policier qui s'assoit régulièrement sur la démocratie. En tout cas l'économie mondiale va en prendre un coup. Notre exploitation des produits manufacturés en Chine apparaît clairement, et par là-même notre dépendance au détriment de la production locale. Les gens vont se cloîtrer chez eux et se méfier du moindre éternuement de leur voisin. Mais franchement, à bien regarder les chiffres plus haut, l'inquiétude devrait saisir chacune et chacun sur la manière dont les gouvernements et l'industrie pharmaceutique traitent notre santé. Chaque cause de décès et son nombre me plongent dans de perplexes interrogations et d'étonnantes réflexions. Tout cela pour signifier que du Coronavirus je me fiche comme de ma première chemise, malgré mon âge avancé me rendant plus fragile que les plus jeunes qui s'en émeuvent. Faites surtout attention en traversant la rue, ne mangez pas n'importe quoi, faites de l'exercice, aimez votre prochain, et prenez le temps de vous révolter contre cette société absurde qui nous abrutit et nous formate en nous faisant oublier l'art de vivre.

mardi 3 mars 2020

Reconstitution de ligue dissoute


En 2007, dans mon article 36 ans après notre premier concert, je racontais comment nous avions formé Epimanondas au Lycée Claude Bernard et ce que nous étions devenus. Plus de 50 ans après nos débuts, nous voici à nouveau réunis, forcément émus de nous rappeler la première fois que nous sommes montés sur scène. Sous l'index 20 d'un album virtuel en ligne, j'avais griffonné :
Edgard (basse) et Pierre (batterie) avaient 17 ans, Francis (guitare) et moi (sur ce morceau, manipulations de bandes magnétiques et oscillateur) venions d'en avoir 18. Le préau du lycée était plein à craquer ; Depain, le proviseur, un type bien, était présent. Nous étions tout excités par ce premier concert. L'enregistrement est saturé, mais notre enthousiasme est perceptible. Le Silver Surfer traversait l'écran tendu derrière nous. Les bulles de couleur explosaient à la chaleur des lampes de nos projecteurs. Je crois que c'est Pierre qui avait appelé le groupe Epaminondas la Piquouse d'après un personnage de Vian, on avait laissé tomber le suffixe et une erreur de copie nous avait finalement transformés en Epimanondas. Edgard raconte que j'avais un avantage sur tous mes camarades : j'étais le seul à être allé aux États-Unis (en 65 et 68). J'en avais rapporté une cargaison de disques, Zappa et ses Mothers of Invention, les Siver Apples, Jefferson Airplane, Iron Butterfly, David Peel and the Lower East Side... Et la passion de la musique. J'avais vu le Grateful Dead, Kaleidoscope, It's a Beautiful Day au Fillmore West, je faisais pousser des graines sur mon balcon et des cheveux sur mes épaules... Cinq ans auparavant, j'avais commencé à faire des expériences de chimie sur des diapositives (...).
Edgard Vincensini est devenu un célèbre avocat pénaliste. J'ai joué avec Francis Gorgé jusqu'en 1992, d'abord pour Birgé Gorgé Shiroc, ensuite au sein d'Un Drame Musical Instantané. Pierre Bensard est mort en tentant d'accrocher un tableau dans la chambre de sa fille.
Par contre, la semaine dernière, est réapparu Jean-Pierre Laplanche alors que je le pensais définitivement disparu. Il avait été mon camarade dans les petites classes avant de participer à notre groupe de light-show H Lights. Nous avions, entre autres, commis ensemble nos premières expériences vinicoles et lysergiques. Absent de la Toile, il avait simplement émigré aux USA, comme avant lui Michel Polizzi. Mais Michel est rentré depuis longtemps et il anime chaque dimanche Le mélange sur Radio Libertaire. Quant aux autres copains avec qui nous avons fait nos premiers spectacles, Thierry Dehesdin est toujours photographe, Antoine Guerreiro serait devenu anthropologue en Nouvelle Guinée Papouasie, Luc Barnier est mort d'un cancer après une brillante carrière de monteur au cinéma, Michaëla Watteaux écrit des polars après avoir réalisé quantité de fictions pour la télévision, Bernard Mollerat s'est suicidé à 24 ans il y a déjà longtemps. Ce matin, justement en écoutant Radio Libertaire, je fredonnais Les copains d'abord de Brassens...


Marie-Pierre a pris la photo de Francis, Edgard et moi dimanche soir, après un concert en appartement, réunion entre amis, de Francis et Geneviève Cabannes chez Michèle Buirette qui s'est produite ensuite avec Jean-François Vrod. Le premier duo, Et voilà !, pour guitare et contrebasse, était très tendre, le second, Sonic Tandem, pour violon et accordéon, très drôle, théâtre musical qui joue sur les mots en faisant jongler les syllabes. Sur la photo tout en haut, on aperçoit derrière nous la chanteuse Dominique Fonfrède qui formait jadis le trio Pied de Poule avec Michèle et Geneviève, mais il faut trois images pour les réunir !


À cette occasion j'ai revu pas mal de camarades perdus de vue. Manquaient à l'appel Philippe Labat, Eric Longuet, Marc Lichtig, Claude Thiébaut, Jean-André Fieschi, Pere Fages, Brigitte Dornes... Et puis Bernard, Bernard Vitet, Babar comme l'appelaient les anciens ! "Au rendez-vous des bons copains, (...) Quand l'un d'entre eux manquait a bord, C'est qu'il était mort. Oui, mais jamais, au grand jamais, Son trou dans l'eau n'se refermait, Cent ans après, coquin de sort ! Il manquait encor."

lundi 2 mars 2020

Jardiner bio en bandes dessinées


J'imagine que si Jean qui nous a conseillé cet ouvrage, c'est en fan de bandes dessinées plus qu'en jardinier, fut-il en herbe, encore qu'il cultive son jardin voltairien à la manière d'un autre Jean-Jacques. L'adaptation libre du livre Le Bio Grow Book de Karel Schefhout & Michel Panhuysen par Denis "Pic" Lelièvre est un puits de culture, mais j'en ai les yeux qui me brûlent après cette passionnante leçon de chimie organique propre à une saine alimentation et meilleure oxygénation. Avec humour et précision, Pic explique le cycle naturel des plantes, la vie des sols, les engrais verts, les nutriments et les engrais bio, le compost (c'est ce qui m'a poussé à acquérir cette bande dessinée de 128 pages aussi denses que la forêt primaire), les cultures en extérieur et en intérieur, l'importance de la lumière et de l'eau, les semis et boutures, la lutte contre les maladies, etc. À propos des petites bêtes qui font tout le travail en sous-sol, j'aimerais bien que mon chat Django arrête de rapporter des vers de terre à la maison lorsqu'il ne trouve pas d'autres proies. Il faudra que je revienne à cette bible en fonction de mes futures activités jardinières, mais déjà j'en sais un peu plus sur mon compost ! Je la range à côté du Guide Clause où sont répertoriées les diverses essences d'arbres. Si vous faites pousser quoi que ce soit qui se mange, vous vous régalerez de cette BD instructive... Fans de musique, ce qui ne vous empêche pas de vivre sainement, Pic dessine régulièrement dans le Journal des Allumés du Jazz ;-)

→ Denis Pic Lelièvre, Jardiner bio en bandes dessinées, Mama Edotions, 35€