Imaginez d'abord que nous serons confinés, assignés à résidence, dès demain mardi. Armée, couvre-feu sont des mots qui pendent au-dessus de nos têtes.
Jusqu'ici je me demandais comment faire ? Comment feraient les travailleurs dont les enfants en bas âge sont en crèche ? Comment se comporteraient les usagers des transports en commun ? Comment conduiraient sur la route ceux qui ne pensent qu'à ça ? Ces questions ne se poseront plus demain ! Mais comment feront tout de même les intermittents dont les spectacles sont annulés et qui n'auront pas leurs heures ? Comment les artisans et les petites entreprises survivront à la crise ? Comment le capital saura-t-il en profiter ? Et les gouvernements ? Auront-ils un sursaut de lucidité sur le saccage du monde hospitalier et la santé ? Comment ne pas se refermer sur soi ? Comment ne pas se méfier de tous et de tout ?
Trop de questions. De quoi rendre fou. La déraison guette les plus fragiles. En période de crise, chacun, chacune révèle son humanité. Jusqu'où la solidarité peut-elle s'exercer ? Travaillant chez moi, j'étais peu sorti ces dernières semaines. J'envoie ma musique et mes articles par Internet. Privilégié, ma bibliothèque, ma vidéothèque, le congélateur, la fibre, le jardin me permettent de tenir un siège. Pas trop long. J'en ai connu un, terrible, qui dura trois ans et demi. Ma compagne emprunte un Vélib', elle prend le métro, elle assure la permanence de son exposition collective. Peut-être rapportera-t-elle le virus à la maison ? Je lui demande ce qu'elle a touché, si elle s'est chaque fois lavée les mains, si elle a réussi à ne pas se frotter les yeux, le nez... ? Même à vivre en scaphandre le risque zéro n'existe pas. Sauf à s'empêcher de respirer ou de toucher quoi que ce soit...
L'ambiance générale est déstabilisante quel que soit son propre caractère. Les cerveaux sont démantibulés. Comment penser juste ? Comment faire la part des choses ? Comment accepter cet état d'urgence sans sombrer dans la paranoïa ? Comment relativiser les mesures alarmistes sans prendre de risques imbéciles ?
Il est évident qu'il y aura un avant et un après. Continuerons-nous à délocaliser, à importer autant de Chine, d'Inde ou d'ailleurs ? Certains pays seront-ils tentés de reconstruire leurs barrières frontalières ? Si l'ultra-libéralisme se renforce, la résistance saura-t-elle s'organiser ? Quel bilan saurons-nous tirer de cette Europe du fric et de ce monde embourbé dans son cynisme eugéniste ? Ce genre de crise change la donne, gauchit le sens. La gestion de la crise du coronavirus marquera une nouvelle ère. Comment fera-t-elle évoluer les mentalités ? Je n'en ai pas la moindre idée. Cela dépend de chacun et chacune d'entre nous. Seul nous ne pouvons rien. Ensemble nous pouvons tout. Or nous sommes confinés, ou plus exactement nous allons le devenir. Mais rien ni personne ne peut nous empêcher de réfléchir, à condition de ne pas céder à la panique. On se téléphonera, on se retrouvera sur les réseaux sociaux, on se parlera aux fenêtres.
Pour les détails, suivez les informations qui ne sauraient tarder...