La Poste a beau exploiter ses vacataires en leur imposant de cibler des tournées impossibles, le facteur est fidèle au poste. Le confinement n'empêche pas de recevoir du courrier et le chroniqueur découvre un lien supplémentaire avec l'extérieur, le service de presse. Ainsi hier tombait dans ma boîte une enveloppe matelassée contenant un disque pressé parfaitement adapté à une après-midi cloîtré. Rivages de l'accordéoniste Jean-Louis Matinier et du guitariste Kevin Seddiki n'a rien de soporifique, mais il convient très bien à la sieste que je remets sans cesse au lendemain, attaché à mon clavier, nettoyé pour les circonstances au produit à vitres.


Rivages est un album apaisant en cette époque où le temps s'étire bizarrement. Les lames de l'accordéon font vibrer une veine mélodramatique sans nostalgie. Les cordes de la guitare ont une rondeur charnelle sans être mièvres. Au milieu de leurs propres compositions, les deux compères ont discrètement glissé Les berceaux de Fauré et La chanson d'Hélène de Sarde qui se fondent dans la fausse chaleur d'un début de printemps. Les vagues déferlent sans heurts au gré des heures, paressant comme souvent les disques paraissant sur le label ECM, tandis que je joue avec les mots comme d'autres font des châteaux de sable au risque de se faire verbaliser. Il y a longtemps qu'en tapant on ne fait plus de pâtés...

→ Jean-Louis Matinier & Kevin Seddiki, Rivages, cd ECM, dist. Universal, sortie le 17 avril 2020 - concert le 23 avril si nous ne sommes plus assignés à résidence