Les informations sont contradictoires. Paniques anxiogènes ou dangereux je-m'en-foutisme, intérêt des États ou solidarité internationale, précautions qui ne mange pas de pain ou abus policiers... Spécialistes et néophytes jouent avec les chiffres sans que personne ne sache vraiment quel sera le bilan final. Comparée aux autres causes de mort (de la guerre à la famine en passant par la pollution, le cancer, les maladies cardio-vasculaires, etc.), le coronavirus n'est (encore) qu'une vulgaire épidémie. S'intéresser aux Ehpad fait froid dans le dos, comme écouter les urgentistes débordés condamnés à choisir de sauver un jeune de 30 ans ou un vieux de 70 ans. Penser à celles et ceux qui sont entassés nombreux au mètre carré renvoie à l'inégalité des milieux sociaux. Suicides et violence conjugale risquent d'alourdir la facture du confinement. Ne pas oublier les SDF sortis de mon champ de vision, les camps de Roms déboussolés et affamés, les prisons... Nous plaindre ici de notre sort serait vraiment indécent. Croiser des types seuls au volant mais masqués souligne l'absurdité de la situation. Par contre, le pouvoir ultra-libéral en profite pour accélérer la casse sociale, et là il y aura de quoi nous mettre en colère et nous révolter. L'incompétence, l'arrogance et la brutalité de notre gouvernement laissent espérer que cette bande sera traduite en justice quand les jours heureux reviendront...


Alors il y a des jours où je préfère partir en voyage, de chez moi à chez moi, pas trop le choix ! Il suffit qu'un camarade me conseille un film ou un disque. Si j'accroche, je tire doucement sur le fil et la bobine déroule une guirlande de petits trésors qui m'étaient passés inaperçus. Je suis ainsi tombé sur Travelogue de Joni Mitchell. En 2000 j'avais acheté son album de standards jazz, Both Sides Now avec en invités Wayne Shorter, Herbie Hancock et Mark Isham, mais ce double qui date de deux ans plus tard m'avait complètement échappé. Toujours produit par Larry Klein et orchestré par Vince Mendoza, il dessine le parcours de la chanteuse cette fois au travers de ses propres compositions. En plus de Hancock et Shorter on trouve Kenny Wheeler et Billy Preston, mais c'est surtout l'orchestre qui m'intéresse. Rien à voir avec le sirop de cordes de Ray Ellis, qui n'est Sy Oliver ni Quincy Jones, accompagnant Billie Holiday sur Lady in Satin. Autres mœurs, autre époque, les arrangements de Vince Mendoza sonnent parfois comme de la musique de film, avec une variété de timbres servant les émotions de chaque chanson, utilisant bois, cuivres, cordes, mais aussi de manière très intéressante la caisse claire et les percussions. Sa modernité, très influencée par Leonard Bernstein, lui permettra ensuite de travailler avec Björk, Randy Brecker, Jo Zawinul, Elvis Costello, Melody Gardot, Al Jarreau, Gregory Porter... Le climat unique, lyrique et dramatique, tient beaucoup à Joni Mitchell qui n'essaie jamais de singer les chanteuses noires américaines, mais garde son côté folk ou pop, comme on voudra l'appeler, sans que cela l'empêche de swinguer. La version de Woodstock est sublime. L'artiste canadienne démontre que les frontières de style n'existent pas. Blues, jazz, folk, rock, soul, free, électro sont les branches d'un même arbre dont les racines remontent certainement à l'Afrique, mais dont le terreau est constitué de la décomposition de quantité de végétaux, parfois même importés d'Europe.