Plongé dans la composition ou l'écriture, je ne sors pas si souvent. De temps en temps, je me force, souvent lorsqu'on m'invite, mais hélas et heureusement je ne peux pas non plus répondre à toutes les sollicitations. Au su du massacre culturel entamé par le gouvernement, je me suis dit que j'avais bien fait d'aller écouter quelques concerts au début du mois.
Au Studio de l'Ermitage, les Rivages du guitariste Kevin Seddiki avec l'accordéoniste Jean-Louis Matinier soulagent ma peine récente par une tendresse légère.
Au Théâtre Dunois, pour le 40e anniversaire du label nato, le guitariste Jean-François Pauvros accompagné par l'organiste Antonin Rayon et le batteur Mark Kerr, me réveille en cassant la baraque du bas rock à tort et à travers.
À la Maison de la Poésie, pour le Festival La voix est libre, le nouveau récital de la chanteuse réunionnaise Ann O'Aro m'enchante. J'avais chroniqué son premier disque, mais je ne l'avais jamais entendue sur scène. Une boule de feu en volutes de fumée, à la fois drôle et bouleversante. Remarquablement accompagnée par le trombone Teddy Doris et le percussionniste Bino Waro (rouler, sati, piker), son nouvel album, Longoz, est aussi envoûtant.
À l'Église Saint-Eustache, dans le cadre du Festival d'Automne, les compositeurs Alessandro Bosetti et David Cristoffel ont concocté un savoureux Consensus Partium à quatre mains, soit des pièces pour deux trios, trois gars aux cuivres (Matthias Champon, Nicolas Chedmail, Maxime Morel) et trois chanteuses (Valérie Philippin, Frédérique Borsarello, Noémie Legendre), mêlés à leurs propres voix et tripatouillages électroacoustiques. L'enjeu de faire sonner les voûtes de la paroisse est remarquablement réussi, les huit protagonistes se déplaçant sans cesse dans le chœur en jouant des différentes réverbérations qu'offrent les instruments, les modes de jeu et les emplacements.
À l'Échangeur de Bagnolet, le concert du Spat'sonore avec les Musiques à Ouïr est une autre manière d'exploser l'espace de la représentation puisque le public est encerclé par les musiciens et leur pieuvre instrumentale. Il suffit de fermer les yeux pour se laisser chavirer, les sons acoustiques provenant de gauche, de droite, des cintres et de partout à la fois, sans avoir recours à aucun procédé électronique.
Enfin, hélas enfin, avant d'emprunter la rue Poliveau pour regagner mes pénates avant 21h avec tous les moutons de mon espèce condamnés à un ridicule embouteillage, je suis allé samedi soir à ma propre performance au Grand Action, pour le Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux. J'accompagnais les images 3D temps réel d'Anne-Sarah Le Meur. À sa symphonie de couleurs, je répondis au clavier bien préparé de rouille fondante, morphing géant que j'agrémentai par ci par là d'un mouvement brownien en fonction des plissés que la plasticienne avait programmés...