Sehnsucht est un mot réputé intraduisible. J'aime le prononcer. Mon allemand me le permet, même si "ich habe es ganz verlernt". La première fois il s'agissait d'une œuvre de Gustav Mahler. C'est ici le vague à l'âme ressenti par Guillaume Boppe au retour de ses visites de l'hôpital psychiatrique où son frère schizophrène séjourne régulièrement. Ses textes ont été mis en musique par Denis Frajerman qui a enregistré et mixé l'album Foggy Songs For The First Periods. J'ai aussitôt pensé à la collection d'anatomie pathologique située dans la Tour aux fous de Wien, la plus importante au monde. Avec Denis, nous avions arpenté ses couloirs circulaires il y a deux ans. De quoi faire tourner la tête. Cellules où chaque objet renvoie à une histoire douloureuse, parfois un enfer. J'ai d'ailleurs du mal à faire le tri parmi les pseudonymes de Denis (Ismaël Boppe ? El Faroud ? Yann Caravan ? Lesquels sont vrais ?), comme si il s'y perdait lui-même. En Autriche j'avais constaté son absence totale de sens de l'orientation ! Sous le nom The Blizzard Sow, le duo avait déjà publié Baagou Music en 2005. Quinze ans plus tard, c'est une nouvelle musique pour un autre retour du refoulé. Une pop sombre, minimaliste, incantatoire à laquelle participent le saxo-clarinettiste Mathias de Breyne, le batteur Stefano Cavazzini, la flûtiste Cassandre Girard, la violoniste Fanny Kobus, le cornettiste Eric Roger, le clarinettiste basse Laurent Rochelle. Là aussi je m'y perds dans les noms que le dossier de presse égrène. Heureusement ce n'est pas le propos. Frajerman aux claviers et guitares, Boppe vocalement, fabriquent des fictions musicales à partir du réel, mais ce réel semble toujours d'un autre monde.


→ The Blizzard Sow, Foggy Songs For The First Periods, CD E-Klageto, 17€ (7€ en numérique)