Je n'ai jamais compris les camarades qui pratiquaient le révisionnisme en assimilant leur relation passée à une trahison, comme si tout ce qu'ils avaient vécu n'était que mensonge. Parfois les chemins se séparent, l'habitude érode les sentiments, le désir se dilue dans le quotidien, les défauts que l'on trouvait charmants deviennent insupportables, mais l'amour partagé avant que cela dégénère ne peut être remis en question. Cela ne concerne évidemment pas les roueries des pervers polymorphes et des êtres violents. Il m'est arrivé de me tromper sans que cela soit grave. Quelques jours ou semaines valaient le coup d'essayer. L'expérimentation fait partie du jeu de l'amour et du hasard. Une seule fois, dans ma vie, j'ai fait une vraie erreur de casting et j'en ai beaucoup souffert, mais je ne ressens aucune animosité envers cette personne, essentiellement victime d'elle-même. Une autre fois je me suis très mal comporté pour dissuader une autre de s'accrocher à moi, j'en porte encore la honte, mais je n'avais pas le choix. Il m'arrive de googliser mes ex pour savoir ce qu'elles sont devenues. Je suis rassuré d'apprendre que la vie leur a été clémente. D'autres ont disparu et je m'inquiète encore pour elles, subodorant parfois le pire. Passé le traumatisme du clash, il me semble logique que la relation intime se transforme en amitié sincère. J'ignore si c'est faire preuve d'un manque d'imagination, mais je suis incapable d'effacer le passé ou de refaire l'histoire.
Comment peut-on la réécrire après séparation ? Noircir le tableau n'est jamais à son avantage. Le deuil suffit. La vie recèle maintes surprises, les bonnes alternant avec les mauvaises. Passé le choc de la révélation, aucune douleur ne me semble plus terrible que celle que l'on s'inflige à soi-même. N'étant pas adepte du nowoman's land j'ai toujours œuvré pour la reconstruction, persuadé que le désert héberge l'inconnue. Celles et ceux qui ont la mémoire courte risquent l'extinction des feux. Je serais plutôt du genre à renaître de mes cendres, quitte ensuite à entretenir la flamme comme au premier jour. Ainsi le soleil brille aussi la nuit. Néanmoins prudent, j'envisage l'après même s'il arrive le plus tard possible, sans ne jamais renier les miracles d'antan. C'est évidemment le cœur léger que je tape ces lignes, porté par les petites ailes de Cupidon.