70 Cinéma & DVD - septembre 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

samedi 30 septembre 2006

Le magazine Repérages accompagne chaque DVD


Chaque numéro du magazine Repérages accompagne un DVD, et c'est chaque fois un ravissement, particulièrement les compilations de courts métrages et de films d'animation. Sont déjà sortis 2 volumes de nouvelles images, Expérience(01) et (02), 3 volumes Animatic, un double des 25 ans du Festival de Clermont-Ferrand abritant L'île aux fleurs de Furtado, Essai d’ouverture de Moullet, Lune froide de Bouchitey, Foutaises de Jeunet, Copy Shop de Widrich, etc. Le dernier numéro annonçant un autre regard sur le 11 septembre et intitulé Under Ground Zero est par contre très décevant. Une suite d'exercices de style stériles relatent l'événement sans apporter aucun regard original ; aucune réflexion politique ne revient sur ses circonstances ou ses conséquences. Et si c'est pour jouer l'émotion, on est de toute façon bien en deça de ce qu'a représenté le direct. Sans réflexion personnelle ou travail d'investigation (Loose Change), 9/11 est un sujet empoisonné.
Mieux vaut revenir sur les précédents numéros... Dans l'avant-dernier, Animatic Volume 3, l'agit prop What Barry Says du Britannique Simon Robson est autrement plus convainquant, dans son message comme dans son traitement. Le baroque surchargé de The Legendary Rise and Fall of Anglobilly Feverson du Hollandais Rosto donne le vertige, l'élégance art déco de T.r.a.n.s.i.t. nous transporte, les ombres chinoises du clip de Joris Clerté illustrent Ce que je suis de Holden tandis que les traitements numériques opérés sur de vieilles images dans The Def Song du collectif Kaktus Hunters génèrent la mélancolie du futur... Après Carlitopolis, le Professeur Nieto présente une nouvelle conférence (Festival Nemo), Far West, tour d'illusionniste simulant la réalisation en direct d'un film d'animation en papier découpé, et Gaëlle Denis montre un joli travail avec City Paradise. Le coup de projecteur sur le gratteur de pellicule Thomas Hicks révèle enfin un véritable auteur avec cinq courts métrages épatants.

mercredi 20 septembre 2006

Route One / USA


Dernier jour de l'été, dernière photo de La Ciotat prise au téléphone, la traversée de l'Atlantique déjà à l'esprit. On se croirait à Miami ou Los Angeles. Faux-semblant, vérité des aveugles, la température vient de chuter brutalement, on pense loin, ailleurs. Hier soir, je regardais la première partie du film de Robert Kramer, Route One / USA. Nous emprunterons un bout du trajet dans quelque temps. Sur son site, depuis le 10 novembre 1999, quelqu'un a rajouté le bouton Sortie, bifurcation prématurée, il avait 60 ans.
Kramer filme l'autre Amérique, celle dont on parle peu, parce qu'elle vit à l'ombre des autoroutes, le long des nationales. C'était il y a une quinzaine d'années. Kramer s'étonne que rien n'a changé depuis les années 70, mais rien n'a bougé depuis le tournage. La misère a continué d'être chassée du centre ville pour mieux se répandre dans ses banlieues. Fachos embrigadés par l'église, résistants dont les utopies se sont envolées, ghettos blacks, réserves indiennes... Le cinéma a pris soin de camoufler ce pays pour que le rêve américain puisse se perpétuer. Kramer est un militant armé d'une caméra. Il tourne en Super 16 qu'il gonfle en 35. Route One / USA, 4 heures, se retrouve en DVD (Éditions Montparnasse) avec Dear Doc, un court, lettre à son double, et un CD inédit, conçu pour l'occasion par le contrebassiste Barre Phillips à partir des prises non retenues qu'il a composé pour le film. Sur son clavier Michel Petrucciani égrène de tendres grappes, le percussionniste Pierre Favre colle ses timbres tout en couleurs, John Surman, à la clarinette basse ou au soprano, dessine de lyriques arabesques, tandis que l’archet ou les pizz mènent le bal...
La musique ne souligne jamais l'action. Elle prend ses distances. Recul nécessaire pour voir et comprendre ce qui nous pend au nez. Les musiciens improvisent, du presque rien n°1 à la composition. Daniel Deshays enregistre les musiciens qui jouent en regardant le film. Sur deux cents morceaux, soixante-dix-huit seront utilisés. Barre Phillips travaille avec Kramer depuis Guns en 1980, rencontré grâce à la comédienne Juliet Berto. À se battre sur tous les fronts, Kramer est forcément bien entouré. Son chef op, Richard Copans, tient le rôle de son producteur. Vieille amitié, la fidélité est l'apanage de l'engagement. Copans, qui dirige Les Films d'Ici, est aussi le producteur de Luc Moullet, tiens tiens...
Après la guérilla vénézuélienne, le Vietnam, la révolution des œillets, la chute du Mur, la mondialisation, le globe-trotter revient à la maison. Going home, pas going back home, juste un passage avant de reprendre son chemin. Le long de la route n°1, la plus ancienne des États Unis, du nord au sud, du Maine à la Floride, s'étalent trois cents ans d'histoire d'un pays jeune qui n'en finit pas de s'abîmer. Il ne vieillit pas prématurément, il meurt jeune, grillant ses cartouches à la conquête d'un Eldorado qui n'existe que dans les vapeurs de l'alcool, de la poudre, aux yeux ou dans le pif, dans ses écrans omniprésents qui infligent l'oubli. Récession, chômage. Tous les Américains semblent "de passage".

mardi 19 septembre 2006

The Stepford Wives


Le billet du 15 janvier intitulé Comédies signalait la version de Frank Oz de 2004 avec Nicole Kidman, Matthew Broderick, Bette Midler, Christopher Walken et Glenn Close, dont le titre a été traduit en français Et l'homme créa la femme. C'est une comédie de science-fiction avec des acteurs formidables et un scénario plein de rebondissements. Or il existe une première version tournée en 1975 par le britannique Bryan Forbes avec Katharine Ross et Paula Prentiss, plus inquiétante et tout aussi passionnante.
Double comparaison, entre l'original et son remake, et ce même original et un autre film tourné la même année, Anatomie d'un rapport, film de Luc Moullet et Antonietta Pizzorno chroniqué ici il y a deux jours. Leur film expose la revendication des femmes dans leur droit à la jouissance tandis que celui de Forbes, d'après Ira Levin, l'auteur de Rosemary's Baby, met en scène le fantasme masculin de posséder des femmes objets qui ne revendiquent surtout pas le féminisme à la mode en 1975. Les deux films ont valeur de pamphlet, l'un dans le registre comique (Moullet), l'autre dans celui du thriller d'épouvante (tout de même très soft).
Les deux versions cinématographiques de The Stepford Wives atténuent la noirceur du roman de Levin, mais à l'atmosphère pesante de la première version répond un scénario beaucoup plus complexe de son remake. Au fur et à mesure des nouvelles adaptations, l'angoisse s'atténue jusqu'à une happy end chez Oz, qui n'en néglige pas pour autant la critique sociale, plus fine que celle de Forbes (le monde de la télévision ; le rôle du gay tenu par Roger Bart, le pharmacien pervers de Desperate Housewives...). Stepford, petite ville du Connecticut, ressemble d'ailleurs à celle du feuilleton à la mode, la Wisteria Lane des femmes désespérées. Même ambiance de banlieue friquée et lobotomisée où les hommes s'activent et où les femmes s'ennuieraient sans l'aide d'un bon scénariste. Les maris de Stepford sont simplement nettement plus réacs lorsqu'ils défendent leurs prérogatives de mâles chauvinistes en adhérant à un étrange club... La fin de la version d'Oz a peut-être été soufflée par Revenge of the Stepford Wives de 1980 ou Stepford Children de 1987, deux précédents remakes TV réalisés avant le Stepford Husbands de 1996 !
Il faudrait que je commence à constituer un petit inventaire des films où les femmes ne sont pas traitées comme des sous-hommes. La révolte gronde aussi bien chez les réalisateurs que chez les réalisatrices. Ces films sont pourtant souvent sujets à méprise. Ainsi certain(e)s ont cru voir un film misogyne alors que celui de Forbes est fondamentalement féministe, avec une fin qui a le mérite de poser question freudienne. Même quiproquo avec les films de Neil Labute... Comment peut-on se tromper à ce point dans leur lecture si ce n'est parce que l'évidence reste intolérable ? Possession, le dernier Labute sorti en DVD (zone 2, donc commercialisé sous nos latitudes), n'échappe à la règle. Les hommes y sont montrés toujours plus lâches que les femmes qui doivent se battre pour leur échapper ou s'affranchir de leurs légitimes réserves.
Ces préoccupations sont plus souvent exprimées par les filles que par les garçons, mais il serait plus que temps de retourner au cinéma avec cette perspective sociale en tête. La place des femmes dans les films est le reflet d'une situation toujours aussi réactionnaire dans le réel. Pendant des siècles et dans tous les domaines, les hommes ont (ré)écrit l'histoire de l'humanité à leur avantage. Combien de temps faudra-t-il à toutes les femmes pour échapper à leur aliénation sans se croire obliger d'imiter les hommes ?

dimanche 17 septembre 2006

Luc Moullet, cinéaste unique à découvrir absolument

...
Après avoir édité La comédie du travail, blaq out sort un coffret de 6 films de Luc Moullet, cinéaste dont la réflexion critique est doublée d'un humour rare et décalé. Je connaissais quelques uns de ses hilarants courts métrages comme Essai d'ouverture (l'épreuve de la bouteille de Coca), Ma première brasse (tourné à La Ciotat), Barres (comment resquiller dans le métro), Cabale des Oursins (sur les terrils du nord)... et surtout son chef d'œuvre, Genèse d'un repas, présent dans le coffret.
Pour ce long métrage de 1978, Moullet part d'une omelette, d'une boîte de thon et d'une banane qu'il a dans son assiette pour remonter toute la chaîne de production jusqu'au (pays) producteur. La rigueur du documentaire n'est jamais mise à mal par son traitement humoristique tant la sincérité de l'auteur est entière. Moullet met en scène ses reportages comme des fictions dont il est souvent le principal protagoniste, soit physiquement, soit par sa voix qui commente l'action dans une saine autodérision. Jean-Marie Straub le considère comme l'unique héritier de Buñuel et Tati. La filiation est juste côté français, mais signalons le Palestinien Elia Suleiman (Chronique d'une disparition, Intervention divine) ou le Brésilien Jorge Furtado de L'île aux fleurs (Ilha das Flores, dvd 25 ans de courts métrages, Repérages), court métrage extraordinaire évoqué avec Luc Moullet lors de notre rencontre au Forum des Images l'an passé.
Si Genèse d'un repas est un film marxiste exemplaire, aussi grave que drôle, Anatomie d'un rapport est un film féministe, mêmes adjectifs, tourné deux ans auparavant. La coréalisation d'Antonietta Pizzorno, sa compagne, a apporté au film une lucidité rare pour l'époque, même si la relation qu'entretiennent les hommes et les femmes avec leur sexualité n'a hélas pas beaucoup changé depuis trente ans ! Le film avait alors été interdit au moins de 18 ans. Dommage, tant les jeunes gens des deux sexes pourraient en apprendre les uns des autres, de l'égoïsme des garçons comme de la jouissance des filles. La réussite de l'entreprise tient à la liberté absolue que les deux réalisateurs (ci-dessus dans Genèse d'un repas) se sont octroyés l'un par rapport à l'autre.
Ce qui est formidable dans ces récits plus ou moins autobiographiques, c'est la franchise de Moullet à se mettre en scène sans complaisance. On retrouve cette sincérité impudique et loufoque dans le grinçant Thème Je de Françoise Romand, autofiction encore inédite en salles, son meilleur film depuis son premier long métrage, Mix-Up (sorti chez Lowave l'année dernière). Le critique américain Jonathan Rosenbaum avait d'ailleurs rapproché les deux films, Anatomie d'un rapport et Mix-Up, dans un article du Chicago Reader de 1988.
J'ai maintenant hâte de découvrir les autres films de Luc Moullet, présents dans le coffret, dont j'ai longtemps entendu parler et que je n'ai encore jamais vus, Brigitte et Brigitte, Parpaillon, Les contrebandières, Les aventures de Billy le Kid et Les sièges de l'Alcazar qui justifieront certainement un nouveau billet...

jeudi 14 septembre 2006

Histoire(s) du cinéma, édition japonaise


J'avoue, j'ai craqué ! Désespéré par une édition française de plus en plus improbable, j'ai commandé le chef d'œuvre en 8 parties et 5 DVD de Jean-Luc Godard sur Amazon.co.jp, ici au premier plan. Comme je ne lis pas le japonais, à côté des films évidemment en français, je peux difficilement profiter de l'admirable système de référencement numérique de cette édition. Cela me permet tout de même de me repérer un peu dans ce foisonnement d'informations, textes, images, films, musiques... Les deux autres éditions, discographique et littéraire, forment un excellent complément, puisque la première, bande son remixée spécialement pour le coffret de 5 CD paru en 1999 chez ECM, livre l'intégralité des textes, et que la seconde, publiée un an auparavant par Gallimard en 4 volumes, offre de magnifiques illustrations en couleurs.
Il ne me reste plus qu'à faire ce que j'ai toujours préconisé, diffuser en boucle cette encyclopédie unique et boulimique sans y faire vraiment attention, en me laissant imprégner par les mots, les images et les sons. Dans cette auberge espagnole chacun peut ainsi retrouver ses émotions passées jusqu'à se sentir personnellement visé. À cet égard, l'exposition au Centre Pompidou fut la sobre continuation de cette démarche. Une sensation d'intimité éternelle, universelle, me gagne ainsi doucement, comme lorsque j'écoute la Radiophonie de Lacan... Révélation de l'inconscient, impression d'avoir toujours su ce qui est raconté et montré, et pourtant comme si c'était la première fois, comme si enfin le monde nous était révélé dans sa complexité et sa simplicité...
Les huit parties sont titrées Toutes les histoire(s), Une histoire seule, Seul le cinéma, Fatale beauté, La monnaie de l'absolu, Une vague nouvelle, Le contrôle de l'univers, Les signes parmi nous.
Histoire(s) du cinéma n'est pas seulement le chef d'œuvre de Jean-Luc Godard, film(s) dans le film, c'est probablement la meilleure œuvre critique qui n'est jamais été produite sur le sujet ; raconter ce qu'est ou fut le cinématographe en laissant à chacune et chacun le privilège de son interprétation en fait le film le plus emblématique de toute son histoire.

vendredi 8 septembre 2006

Neil Labute, un réalisateur américain méconnu


J'ai récemment parlé ici de Nurse Betty sorti en 2000, comédie pimpante au scénario surprenant. J'ai depuis reçu des États Unis les DVD de deux autres films, Your Friends and Neighbours (Entre voisins et amis, 1998) et The Shape of Things (Fausses apparences, 2003). Nous sommes en présence d'un véritable auteur, auteur de théâtre d'abord, car Neil Labute adapte souvent ses propres pièces à l'écran, comme Bash: Latter-Day Plays transposé pour la télévision. En recherchant des informations sur le Net, je découvre que le réalisateur est très imprégné de son appartenance à l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, un culte américain qui échappe certainement aux lecteurs français comme moi. En essayant de comprendre en quoi consiste les croyances des Mormons, on s'aperçoit que Neil Labute est un sacré rebelle qui fait exploser les fondements mêmes de son église comme la loi de chasteté, l'homosexualité et surtout "l'abstinence de rapports sexuels sauf entre un homme et une femme légalement mariés" ! Il semble en effet peu probable que ses films soient des dénonciations de la liberté sexuelle ; ils montreraient plutôt, et de façon extrêmement critique, la différence entre les hommes et les femmes. Je les vois comme des blasphèmes, provocateurs aussi bien pour sa congrégation que pour qui que ce soit, même les spectateurs les plus athées. Cela vaudra évidemment au réalisateur d'être mis à l'écart par ses Mormons. Aux USA, ses films ont toujours été controversés, certains voyant par exemple dans In the Company of Men une apologie de la misogynie, d'autres du féminisme. Ses œuvres suivantes ne laissent aucun doute de ce côté là, mais interroge la cruauté de son regard sur la faiblesse des hommes et la puissance des femmes. Les hommes restent des petits garçons, assez lâches, tandis que les femmes gardent la tête froide, manipulatrices libérées de leur désir. Le sado-masochisme semble sous-jacent. Les jeux de l'amour mis en scène par Labute sont sans hasard. Les parties carrées n'y sont pas rares. Ses personnages ont du mal à trouver leur équilibre dans une société hypocrite qui a faussé la donne.
Si Your Friends and Neighbours est dépourvue de musique et que tout se joue dans une espèce de silence morbide, chaque nouvelle séquence de The Shape of Things est ponctuée par les chansons d'Elvis Costello. Ici, pas de sirop à l'américaine. Ni dans la bande-son, ni dans les propos. Si Nurse Betty reste mon préféré (le seul dont il n'a pas écrit le scénario et le plus drôle), je suis resté abasourdi par The Shape of Things. Les scénarios sont toujours riches en rebondissements (j'évite toujours ici de les déflorer), les acteurs formidables. Il me reste maintenant à découvrir son premier long métrage, In the Company of Men (En compagnie des hommes, 1997, en coffret avec Maria pleine de grâce et Les flambeurs sur le site de la Fnac) et Possession (2002, disponible sur Amazon.fr), et courir au cinéma découvrir The Wicker, avec Nicolas Cage, si jamais il sort en France...

lundi 4 septembre 2006

Weeds, future coqueluche


Si vous recevez Canal+ et que vous avez aimé la série télévisée Six Feet Under, ne manquez surtout pas les deux premiers épisodes de Weeds qui passent jeudi prochain à 22h15, juste après la nouvelle saison de Desperate Housewives. La barre est haute pour les futures séries américaines qui doivent s'affranchir de leurs aînées. Par son invention scénaristique et sa critique de la société américaine, Weeds réussit superbement son pari. Ça vole haut.
Weeds signifie l'herbe, la marijuana. Dis Tonton, pourquoi tu tousses ? Lors de sa présentation au MIP-TV à Cannes, la douane française avait saisi tous les T-shirts et casquettes promotionnels sous prétexte qu'y était imprimé "Weeds High on Season 2" (la saison 2 vous fera planer) ! Pour en dévoiler le moins possible, sachez simplement que c'est l'histoire d'une jeune mère de famille, qui, après la mort accidentelle de son mari, deale du cannabis dans son quartier de Los Angeles pour ne pas renoncer à son train de vie. Comme d'habitude, le travail des acteurs est remarquable. C'est peut-être parfois tourné un peu trop télé (je n'ai, pour cette raison, jamais pu entrer vraiment dans Les Sopranos - lumière mochedingue, un peu claustro...), mais l'auteur, Jenji Kohan, manie avec la plus grande dextérité provocation, humour, sexe et politique.
La première saison compte dix épisodes de trente minutes, écrits et tournés chaque fois par un scénariste et un réalisateur différents. C'est court, mais c'est dense. Les dialogues fusent, les situations rebondissent, les allusions à l'actualité sont efficaces, ça défonce. Rien à voir avec la gentille comédie anglaise, Saving Grace, où Brenda Blethyn interprète une veuve qui passe à la culture en serre pour payer ses dettes. Dès le générique, formidable encore cette fois, on comprend que Weeds s'attaque au conformisme et à l'hypocrisie d'une société impitoyable, enfermée dans "des petites boîtes".
Acquis sur Amazon.com, le coffret de deux DVD Zone 1, rempli de bonus amoureusement réalisés (enquête sur le chanvre et la marijuana, sur les lotissements en banlieue, des entretiens amusants, 12 recettes de cuisine précieuses, etc.), ne comprend pas de sous-titres français, mais il est évident que cela sortira en France d'ici l'été prochain, le temps que ça pousse.

dimanche 3 septembre 2006

Name Dropping


Hier, après avoir mis en ligne mon billet, je me suis souvenu du passage de relais de mon Nikon relativement discret au Nokia quasi invisible. C'était l'année dernière à New York. Françoise faisait partie du jury des longs métrages de fiction au TriBeCa Festival fondé par Robert De Niro au lendemain de 9/11 pour redonner un peu d'éclat à son quartier ravagé par la catastrophe. Au premier étage du TriBeCa Grill, autour de notre table étaient réunis l'acteur le plus timide que j'ai jamais rencontré (copropriétaire du restau et de quelques autres du quartier où nous mangerons les jours suivants dont le célèbre Nobu), à sa gauche la chanteuse Sheryl Crow, le réalisateur Darren Aronofsky (Requiem for a Dream), Françoise (Romand), Griffin Dunne (acteur principal d'After Hours), Peter Scarlet (ex-directeur de la Cinémathèque française et actuel directeur du TriBeCa Film Festival), le producteur Mitch Glazer (Lost in translation), Mirsad Purivatra (directeur du festival de cinéma de Sarajevo), son épouse et deux autres pièces rapportées, Grace Hightower (Mme De Niro) et Bibi fricotant avec son petit appareil... Ce sont les trois premiers que l'on voit sur la photo, devant des toiles de Robert De Niro Senior qui encerclent la cinquantaine de convives répartis autour des autres tables. Ce sont évidemment les deux dernières avec qui j'ai discuté tout au long du déjeuner. Nokia, principal sponsor du festival, offrit ce jour-là à chacun d'entre nous un 7610 ! Les jurys devaient concourir eux-mêmes en réalisant un petit film collectif et Françoise fut la lucky winner, gagnant le 6682, resté, semble-t-il, à l'état de prototype. Son portable (3 millions de pixels) lui permet de tourner jusqu'à 45 minutes de film, ce dont elle ne se prive pas.
Comme je suis le seul inconnu de la tablée, De Niro s'adresse à moi pour briser la glace qui gèle l'ensemble des célébrités assises avec lui. J'évite soigneusement tout sujet cinématographique et ne parle que des très beaux tableaux de son papa, de nos enfants, et de musique puisqu'il a l'amabilité de s'adresser à moi. Comme Apple (encore un cadeau, c'est dingue le nombre de trucs que Françoise a rapportés, les plus chouettes étant le siège de massage qui trône au milieu de notre salon et les paires de Nike que nous avons customisées !) sollicite nos goûts musicaux par un petit questionnaire à remplir, je me permets une indiscrétion en découvrant que "Bob" a choisi en n°1 la musique du Dernier Tango à Paris composée et interprétée par Gato Barbieri. Magnifique B.O. en effet, qui bouge le cœur pour peu qu'on le sollicite ! Revenu à Paris, je commençai à prendre des photos avec mon téléphone.
J'ai omis de raconter que j'étais moi-même à New York pour travailler sur le mixage d'un disque du chanteur mahorais Baco et que cela se passait dans une banlieue 100% noire où je jouais l'unique rôle du blanc avec Nico. Le contraste entre les fastes de Manhattan et le rap de Brooklyn était saisissant, mais ça c'est une autre histoire...