70 Cinéma & DVD - juillet 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 25 juillet 2008

La trilogie de la jeunesse


La Trilogie de la Jeunesse (3 dvd Carlotta) est un triptyque formé des trois premiers films de Nagisa Oshima : Une ville d'amour et d'espoir, Contes cruels de la jeunesse et L'enterrement du soleil. De film en film, le cinéaste japonais s'enfonce dans une noirceur extrême. Les jeunes héros s'enferrent dans une lutte désespérée contre la société qui les a engendrés. Tournés en 1959 et 1960, ces films qui ont marqué les débuts de la nouvelle vague japonaise montrent le pays du soleil levant incapable de se relever de la guerre dont le terrible échec restera inavouable jusque très récemment. C'est le combat des traditions ancestrales contre de nouvelles aspirations encore inaccessibles, d'une indépendance revendiquée et de la domination américaine, des générations précédentes qui se sont perdues et de celle qui ne s'est pas encore trouvée, des rêves d'amour et de la cruauté de la misère. Le décor est celui des bidonvilles de l'après-guerre, des sans-travail et sans-logis, avec à l'horizon lointain la vague silhouette d'une nouvelle classe moyenne urbaine. On sera bouleversé par cette critique sociale qui montre les miséreux s'entretuer. La prochaine révolution pourrait être plus brune que rouge. Alerte. Se vendre ou mourir, se vendre et mourir. La critique politique est tout aussi saignante. La même année, le réalisateur tournera Nuit et brouillard au Japon (article à venir) marquant la fin de sa collaboration avec la production Shochiku pour devenir indépendant.
Les bonus sont absolument remarquables : Une histoire du cinéma japonais par Oshima lui-même, des entretiens lumineux avec Donald Richie et Yoichi Umemoto, les carnets d'Oshima pour Contes cruels de la jeunesse...


Carnet 1 : Les voir tirer un pigeon au fusil de chasse ne leur fait rien. OK. Cette fois-ci je leur balancerai une bombe... Carnet 2 : Prendre le sexe comme objet, c'est observer tous les personnages du point de vue du sexe... Rebellion fondée sur une anarchie sexuelle populaire, effondrement de la morale établie, nature marchande du sexe... Histoires de parents qui font payer leur sort à leurs enfants... Carnet 3 : Drame de la conscience de soi. En est-ce bien un ? Rencontre, blessure, séparation, réconciliation. Sinon, tout se passe contre leur volonté, puis conformément à leur volonté, dépravation progressive. Monde où il faut vendre et se vendre... Leur ennemi, le système lui-même, ceux qui l'incarnent... Carnet 4 : Subjectivité de la caméra, rapports de position entre personnes, composition, panoramiques multiples, couleurs sombres de peinture à l'huile, mouvements juste avant que ça coule, les personnages disparaissent en traversant l'avant-plan, utilisation percutante du son, y penser si modification du scénario, mouvements des gros plans, filmer les choses longuement, la lumière minutieusement, plans dont les personnages débordent, au moment où très gros plan dézoomer, ne jamais faire entrer le moindre morceau de ciel... Croire ou ne pas croire en la solidarité... Les distorsions de la société c'est que les hommes se vendent et s'achètent, c'est ça qui les oblige à commettre de tels actes... Les hommes sont les seuls à conférer de la valeur à ce qui n'en a pas, alors il faut les respecter, alors il ne faut pas mourir... C'est l'histoire de jeunes gens qui ne peuvent laisser éclater leur colère que sous une forme distordue... À travers la tragédie de cette distorsion qui réduit cette belle jeunesse qui devrait être la leur à une défaite cruelle je veux exprimer ma colère contre la situation dans laquelle est prise la jeunesse contemporaine. No comment !

La bande-annonce de ce second volet de la Trilogie la résume parfaitement : Abruti ! Ce n'est pas une façon de se comporter... OSHIMA FRAPPE FORT... Je dis ça pour votre bien. Vous devriez rompre avant qu'il ne soit trop tard... C'est parce que tu étais lâche que tu as échoué... Tu es certaine de leur fidélité ?... Dis pas n'importe quoi ! Nous, on ne se laissera pas déshonorer comme vous. DISPARAISSEZ, BANDE DE LÂCHES ! ON CHOISIT LA JEUNESSE ASSOIFFÉE DE SANG ! C'est vrai, on a consacré notre jeunesse à essayer de changer la société. Mais il est impossible de casser ce mur. DEUX GÉNÉRATIONS S'AFFRONTENT. DE VIOLENTS DÉSIRS. UN FILM SANGLANT !

samedi 19 juillet 2008

La bataille d'Alger


Nous avons enfin regardé ''La bataille d'Alger'' de Gillo Pontecorvo. Le résumé et les notes de Wikipédia sont suffisamment remarquables pour que je n'ajoute rien. On trouve le film en 9 parties sur DailyMotion (que vous soyez pour ou contre ces petites reproductions illicites, ne m'en voulez pas de le signaler : chaque fois que je fais ce type d'annonce, la copie est retirée le jour-même, j'en deviens parano), mais rien ne vaut l'acquisition du dvd (Studio Canal ; on le trouve à 10 euros, 2 dvd dont les passionnants entretiens réalisés par Jonas Rosales avec le réalisateur, Jean Martin qui joue le rôle du Colonel Mathieu, l'historien Benjamin Stora et, pour finir, Yacef Saadi, l'un des chefs historiques du FLN interprétant son propre rôle, producteur du film et auteur du livre qui l'a inspiré).
Si le film sur l'insurrection armée de 1957 et sa répression date de 1966, il ne sera réellement visible en France qu'en 2004. Comme chez Eisenstein, on a l'impression d'assister à un documentaire exceptionnel auquel le sublime noir et blanc donne une étonnante impression de vérité. Tourné à la fois avec de gros moyens, caméra à l'épaule, avec des acteurs non professionnels, cet épisode historique est réalisé sans aucun manichéisme, même si le propos est objectivement anti-colonialiste. Retour de bâton, les Américains s'en sont inspiré pour analyser les guérillas urbaines, en particulier pour comprendre leurs difficultés pendant la guerre en Irak. La musique de cette coproduction italo-algérienne, signée par Ennio Morricone (c'est sa période la plus prolifique) et Pontecorvo lui-même, dicte le rythme des scènes et joue d'effets dialectiques confondants. Acquisition vivement conseillée.

mercredi 16 juillet 2008

Dans le regard omnipotent des mâles


En voyant le documentaire de Rosanna Arquette, À la recherche de Debra Winger (Ed. des Femmes / Ed. Montparnasse), je me suis demandé pourquoi toutes les actrices qu'elle interroge évitent le sujet en soulignant essentiellement qu'il n'y a pas de rôle à Hollywood pour les femmes qui atteignent la quarantaine, qu'être à la fois mère et comédienne est presque incompatible dans les règles que le métier a fixées. Le seul homme interviewé est un producteur qui révèle la cible du cinéma américain, les moins de 25 ans pour qui les femmes "mûres" ne sont évidemment pas leur truc. Heureusement que tous les scénarios n'obéissent pas à cette loi. Ce qui n'est pas dit, c'est que la motivation principale des réalisateurs à faire des films est de coucher avec des actrices, et accessoirement d'en tomber amoureux. La chair fraîche des jeunes femmes leur renvoie une image plus flatteuse que leurs bedaines ou leurs rides. Ensuite la défaillance des mâles à imaginer des histoires qui mettent en scène des femmes "âgées" est en effet stupéfiante. L'une des nombreuses stars (Melanie Griffith, Salma Hayek, Jane Fonda, Meg Ryan, Sharon Stone, Tracey Ullman, Robin Wright Penn, Holly Hunter, Frances McDormand, Emmanuelle Béart, Charlotte Rampling, Chiara Mastroianni, Debra Winger...) qui peuplent ce film très people souligne que les actrices spécialisées dans les rôles de composition s'en sortent généralement mieux avec le temps que les bimbos dont la plastique est le nerf de la guerre. Whoopi Goldberg est une des rares à ne pas tricher parce qu'elle s'est fixée une fois pour toutes le but de rentrer dans le lard du "politiquement correct" et qu'elle parle comme tout le monde le langage de la rue. On aurait aimé que l'engagement politique de Vanessa Redgrave soit creusé, car il n'y a pas que les années qui marquent une personne et l'éloignent des studios.
De même, le choix draconien entre nombreuses professions et une vie de famille équilibrée ne touche pas seulement les stars féminines d'Hollywood. La passion de son métier entraîne souvent des sacrifices, dans un sens ou dans l'autre, et pas uniquement dans le monde glamour du spectacle. Il existe aussi des hommes qui, pour voir grandir leurs enfants, choisissent de faire évoluer leurs activités vers une vie plus sédentaire. Si les scénarios de film offrent peu de beaux rôles aux actrices "mûres", le monde du spectacle, comme le reste de la société, obéit toujours aux lois du machisme, trop souvent entretenu tant par les femmes que par les hommes. Certaines actrices décideront heureusement de passer derrière la caméra (voir le très beau film d'Helen Hunt, Then She Found Me, dont la sortie française a été bizarrement ajournée), et l'on peut espérer que le cinéma change de visage, sans que cela ressemble à un simple lifting ou à un effet de "transexualité scénaristique".

vendredi 4 juillet 2008

Valse avec Bachir


Nous n'étions que deux dans la salle n°2 du Lumière à la séance du soir. Valse avec Bachir fait la une du programme de la salle d'art et essai, mais le public préfère aller voir Le monde de Narnia 2 ou Seuls Two. À côté de ces deux niaiseries, il y a aussi le film d'épouvante de Romero, Diary of the Dead, mais pas à cette heure-là. Le film de Ari Folman est à rapprocher du Tombeau des lucioles, l'animation produisant une distance avec l'évocation troublée de la mémoire et de l'oubli. Le réalisateur aborde le massacre de Sabra et Chatila sous l'angle du refoulement. Les images d'ombre et de Lumière enrobent le cauchemar. Cet incontournable documentaire d'animation n'a hélas rien ni de la fiction ni du rêve. On prend cette enquête en pleine figure, parce qu'elle chatouille nos propres traumas. J'ai vu Beyrouth dévasté, les immeubles grêlés de millions d'impacts, j'ai vu la mer imperturbable, le soleil et la nuit. Valse avec Bachir me fait découvrir ce que je pouvais deviner, le contre-champ.

mercredi 2 juillet 2008

L'Eden-Théâtre à La Ciotat, face à la mer


Entrée gratuite d'une petite exposition avec vue sur la salle mythique de 17h à 20h du lundi au samedi. On se demande ce qu'attendent la municipalité et le syndicat d'initiative. Pas une seule carte postale des frères Lumière, pas un objet dérivé. On croit rêver, ou plutôt, ici on ne rêve plus. La salle aurait bien besoin d'une rénovation et la ville de mettre l'accent sur son patrimoine (je me répète : précédents billets ici et ).


Rien non plus sur l'invention ciotadène de la pétanque telle qu'elle se pratique aujourd'hui, "les pieds tanqués". Pas grand chose sur le magnifique chantier naval... Parallèlement à cette absence, les projets immobiliers commencent à s'étendre de façon inquiétante dans cette ville épargnée par les barres de la Côte d'Azur. Le long de la plage, pas un immeuble ne dépasse trois étages.