70 Cinéma & DVD - octobre 2009 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 19 octobre 2009

Ali Baba et les 40 voleurs


The Auteurs proposent des films récemment diffusés par exemple dans des festivals et de plus anciens dans de belles copies disponibles en streaming sur Internet. Certains sont gratuits, mais le coût de 5 euros par film pour la plupart reste encore trop élevé pour un film à voir chez soi sur un petit écran. Si votre choix vous déplaît et que vous arrêtez la projection dans les vingt premières minutes, vous ne serez pas crédité. La liste des films disponibles dépend également du pays où vous êtes localisé. L'offre de la VOD (Video On Demand) grandit de jour en jour, mais elle repose essentiellement sur la peur de se faire prendre en téléchargement illégal ou sur la morale des usagers qui jugent indécent de profiter des œuvres sans rien payer.
La loi Hadopi ne profite hélas absolument pas aux auteurs dont les droits sont bafoués, que ce soit au profit des majors qui signent des accords avec certains acteurs du Net ou des pirates qui passent de la publicité sur leurs plateformes. Il est délirant d'apprendre que ThePirateBay facture 5 euros le brouillage de votre IP pour ne pas être identifié par la police du Net plutôt que de verser ces 5 euros aux sociétés d'auteurs, à leur charge de les redistribuer aux ayant-droits, comme un système type licence globale l'aurait permis. Avec les applications sur iPhone, on constate que lorsque les sommes demandées sont basses, les utilisateurs habitués pourtant à pirater passent facilement à la caisse, participant au développement d'un nouveau modèle économique. Ce que les contradicteurs avancent le plus souvent, c'est l'opacité du système de rétribution et les sommes prohibitives exigées. Je passe sur l'aspect répressif qui n'a jamais moralisé qui que ce soit et ne profite même pas aux caisses de l'État si on met en rapport les sommes dépensées et celles qui sont engrangées, sans parler de l'impossibilité physique de faire appliquer la loi. On pourra tout au plus sanctionner quelques boucs émissaires, comme ce fut pratiqué honteusement dans le passé.
Pris en étau entre des lois qui ne profitent qu'à l'industrie culturelle et aux fantasmes liberticides du pouvoir, avec à leurs basques une cohorte d'artistes aveuglés par la peur et des gains illusoires, comment ne pas être troublé par les sites où circulent des œuvres invisibles partout ailleurs ? Car si la survie des auteurs dépend bien de la protection de leurs droits, qu'en est-il de la circulation des œuvres souvent empêchée par des producteurs indélicats ou le manque d'imagination des diffuseurs, télévision et édition DVD comprises ? La plupart des films ne sont diffusés qu'en de rares occasions, pendant un festival très ciblé, une fois tous les dix ans à la télé, ou pendant une ou deux semaines à 14h dans une salle parisienne ! Sur certain illi-site, ce sont 65000 films excluant Hollywood, Bollywood et tout le mainstream courant sur les sites pirates qui sont en Peer to Peer, comblant les rêves les plus fous des cinéphiles et des amateurs de cinéma expérimental ou simplement différent ! La caverne d'Ali Baba et les 40 voleurs est en général inaccessible sans parrainage et les règles y semblent terriblement strictes, une morale en valant une autre, beau débat en perspective... On est loin des 200 films proposés par The Auteurs dont la démarche est louable et à suivre sérieusement, mais dont les choix reste conformiste (excellent article de Nicholas Elliott dans Les Cahiers du Cinéma de septembre). Je paierais sans hésiter un abonnement fort-fait-taire à l'un de ces sites où des cinéphiles du monde entier, venus de pays dont on ne sait souvent pas qu'ils produisent des œuvres cinématographiques, mettent en ligne des centaines de chefs d'œuvre inconnus et de films ne ressemblant pas aux grosses daubes américaines qui encombrent le Web et les salles, échappant ainsi au sacro-saint plan promo avec budget pub obscène pour arriver à égalité devant le spectateur ébahi et ravi.
Les indépendants n'ont rien à attendre des lois hadopistes qui se votent sur leur dos. Il leur faut impérativement s'organiser pour imaginer de nouvelles formes de distribution et de rétribution qui rangent aux oubliettes des méthodes qui ont fait long feu et qui risquent de les faire grimper sur le bûcher au soulagement d'une industrie cynique et arriérée. Leur loi aboutit à laisser dévorer les petits par les gros, pour concentrer entre quelques mains la production internationale. Mais d'autres schémas sont envisageables et ce avec le soutien d'un nouveau public, jeunes gens qui, en grandissant, ne pourront que désirer une offre large, intelligente et respectueuse des auteurs et des artistes.

vendredi 2 octobre 2009

La série interactive d'HBO est "plus que vous ne l'imaginiez"


Pour l'instant HBO Imagine n'est qu'en anglais, mais l'expérience vaut le détour. Le cinéma interactif est une aberration car il va à l'encontre de cet art du temps dont le montage a le secret. Cela ne signifie pas que toute narration exclut l'interactivité, loin de là ! Ce n'est simplement pas du cinéma, mais autre chose. Le principe d'une série télévisée où les différents personnages, leurs motivations et les évènements se découvrent au fur et à mesure des épisodes a été appliqué par les spécialistes de la chaîne américaine HBO à une histoire complexe où l'ordre de la découverte est choisie par le spectateur. Les séquences sont reliées entre elles par des fils permettant d'orienter ses choix. Cerise sur le gâteau de cette toile d'araignée qui se confond avec celle de l'écran, certaines scènes sont présentées sous quatre angles complémentaires sur les quatre faces d'un cube permettant de regarder chacune des scènes, voire deux simultanément. Jouer sur le même écran du champ et du hors-champ recèlent de possibilités ici encore balbutiantes, mais très excitantes. Des liens renvoient à des discussions sur FaceBook ou des messages sur Twitter. La réalisation est à la hauteur de la chaîne qui a produit Six Feet Under, Sex and the City, Les Soprano, Deadwood, The Wire, True Blood, Generation Kill, etc. HBO est celle du cinéma, modèle de Canal + à son lancement. À sa propre création l'idée était de ne pas faire de la télévision : la chaîne de télé sans télé ! Jusque là aux USA, les annonceurs étaient les patrons et décidaient des programmes comme on le voit dans la série Mad Men. Je ne suis pas allé assez loin dans l'histoire pour comprendre de quoi il s'agit : un banquier enlevé dans une galerie d'art, un quinquagénaire infidèle, un enfant fuyant des malfrats, des meurtres, etc.


Je reviendrai dessus lorsque j'aurai pu jouer suffisamment avec l'intrigue, mais à l'hôtel strasbourgeois d'où j'écris ces lignes la liaison est un peu lente et je suis censé travailler ! Tout à l'heure j'ai répondu à un entretien radiophonique en direct depuis la voiture qu'Antoine conduisait en dévalant la spirale d'un parking, c'était très rock'n roll... À peine la dernière note de notre opéra venait-elle de s'éteindre, nous démontions le clapier pour faire trois représentations ce vendredi pour la Nuit Blanche à Metz (19h, 21h, 23h à l'Arsenal dont l'architecte est Ricardo Bofill) et nous devons être revenus à Strasbourg samedi à 14h pour lancer à nouveau les lapins salle de l'Aubette. Notre marathon vient insérer ses propres séquences parmi celles d'HBOimagine tant que j'en perds le fil de la Toile...