Les mondes virtuels se répètent en abyme. J'ai mis quinze jours pour me décider à faire le grand saut. Aurais-je dû laisser un autre écrire à ma place ? Celui qui aurait su me dicter ce que je dois penser ? Mais comment être certain qu'il était lui-même l'homme qu'il prétend être ? Que sais-je des raisons qui me poussent à ne pas déflorer l'histoire ? On raconte que Le monde sur le fil est un thriller d'anticipation préfigurant Matrix, Existenz et Avatar. Ne serait-ce pas plutôt une première manifestation tournée en 1973 de ce qui nous attend demain ? Le cinéaste Rainer Werner Fassbinder avait adapté avec Fritz Müller-Scherz un roman de Daniel Francis Galouye intitulé Simulacron 3. Pourquoi leurs noms sont-ils tous composés de trois termes ? Le mien n'échappe pas à la règle et pourtant je n'ai rien fait. Seulement regardé un film tourné pour la télévision par un maître du mystère, le plus profond, celui des âmes. On connaît ses films de cinéma. Il en a pourtant tourné une quinzaine pour le petit écran, espérant faire entrer la psychanalyse dans les foyers allemands. J'avais adoré Berlin Alexanderplatz qui durait 15h30. Les deux parties du monde sur le fil ne totalisent que 204 minutes, une broutille. Ils ont choisi Paris comme décor parce qu'à l'époque rien n'existait d'aussi moderne en Allemagne. Je n'ai rien osé écrire avant d'avoir vu le making of de Juliane Lorenz, bonus indispensable comme souvent avec les DVD édités par Carlotta. Mais je suis toujours aussi coincé dans ce monde étroit et vertigineux. Malgré ma résistance je le partage. La paranoïa se construit derrière des jeux de miroir et des écrans de fumée. La métaphysique cherche à identifier vainement notre marge de manœuvre. Comment interagir avec notre univers ? Quelles en sont les causes ? Quelle expérience de laboratoire sommes-nous prêts à construire pour simuler les possibles ? N'est-il pas dangereux de jouer avec le temps ? La langue allemande participe à l'énigme, comme si les personnages parlaient une langue informatique. J'aurais aimé être assez matheux pour mettre le film en équations. L'élégance du code tient dans sa concision. Je suis trop bavard. Mieux vaut laisser chacun se faire sa petite idée. Le monde sur le fil ne présage rien de bon. C'est grave et, pire, incontournable.