Feuilletant le passionnant catalogue du Cinéma du réel dont la programmation se termine au Centre Pompidou, je dévore la sélection de films invisibles choisis par une cinquantaine de cinéastes, historiens, critiques, etc., œuvres "perdues, détruites, censurées, interdites... peu vues, mal vues, jamais réalisées..." qui me font rêver comme jadis l'Anthologie du Cinéma Invisible : 100 scénarios pour 100 ans de cinéma, rassemblés par Chistian Janicot (ed.Arte).
Si Jonathan Rosenbaum y encense Mix-Up ou Méli-Mélo de ma compagne Françoise Romand (dont aucun des films n'a jamais été programmé au Réel, mais auxquels les éditions DVD offrent une seconde vie !), j'épluche consciencieusement les articles des autres pour déterrer quelques raretés que mes meilleurs limiers sauront bien débusquer. J'évite de m'épuiser sur La mouette de Josef von Sternberg séquestré par Chaplin qui l'a produit, les mythiques director's cuts d'Orson Welles, les inachevés d'Eisenstein, les neuf heures de la version complète de Greed (Les rapaces) d'Erich von Stroheim, etc. Heureusement la planète cinéphile, aussi ronde qu'une bobine ou un disque, révèle d'autres trésors cachés.
Ainsi je mets la main sur une piètre copie de Fear and Desire (1953), le premier long métrage de Kubrick interdit par le réalisateur qui a tenté d'en effacer toute trace, Une partie de plaisir (1975), un Chabrol bloqué pour des questions de droits, First Contact (1982) de Bob Connolly et Robin Anderson d'après les rushes de Michael Leahy sur le choc de civilisations entre lui et un million de Papous inconnus du reste du monde dans les années 1930, Dialogue with a Woman Departed (1980), montage poético-politique de Leo Hurwitz, Thomas l'imposteur (1965) de Georges Franju d'après Cocteau, Stars in My Crown (1950) soi-disant considéré par Jacques Tourneur comme son meilleur, Young Soul Rebels (1991) et Frantz Fanon: Black Skin, White Mask (1996) d'Isaac Julien... Les autres n'ont jamais existé, sont pour l'instant inaccessibles ou ne sont disponibles qu'avec sous-titres italiens. Ce ne sont pas forcément ma tasse de thé, mais toutes les pistes se valent sur le terrain de la curiosité. Il n'y a pas d'autre méthode pour découvrir des chefs d'œuvre méconnus.
Pour dégotter les plus belles perles il faut se lever de bonne heure et recouper les informations. Le blog de Jonathan Rosenbaum est le mieux étayé si on parle anglais et que l'on n'a pas peur de lire de longues et remarquables analyses. Je vais de temps en temps jeter un œil à celui de Bertrand Tavernier consacré aux DVD sur le site de la Sacd. Le plus efficace est de posséder suffisamment de contacts en ville et sur le www pour faire soi-même son petit marché, mais cela prend évidemment un temps fou, alors qu'il faut que je travaille ma trompette, expérimente de nouveaux alliages électroniques, termine mon roman et m'occupe des charges administratives qui affluent en fin de trimestre...