70 Cinéma & DVD - septembre 2011 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 14 septembre 2011

Françoise Romand - radio 17h - film 20h30


Comme déjà annoncé dans le Carnet de vendredi, Françoise est aujourd'hui sous les projecteurs. Deux évènements complémentaires illuminent cette journée, d'une part l'émission de France Culture Sur les docks lui est consacrée (écoute libre et podcast), d'autre part son dernier film Thème Je (The Camera I) est projeté en avant-première ce soir à 20h30 au Cin'Hoche, Bagnolet, en la présence de la réalisatrice (entrée gratuite, venez avec vos amis, mais pas avec les enfants !). On peut d'ailleurs enchaîner les deux, l'émission pouvant inciter celles et ceux qui ne connaissent pas le travail de Françoise Romand à prendre le métro jusqu'à la station Gallieni. Le Cin'Hoche, qui appartient à la municipalité, possède deux salles et une excellente programmation, premières exclusivité avec films en version originale.
Frédéric Aron a donc composé un "documentaire" pour France Culture avec un soin tout particulier, en collaboration avec Vincent Abouchar qui s'est chargé de la réalisation. Après plusieurs repérages, Aron a choisi de tourner son émission dans les différentes pièces de notre maison, la salle de montage pour interroger Sylvie Najosky, l'une des organisatrices du Festival Face à Face du film gay et lesbien de Saint-Étienne (Françoise vient de publier le DVD Gais Gay Games autour des jeux olympiques LGBT de Cologne), la salle de projection pour Noël Burch, célèbre théoricien du cinéma et réalisateur qui fut l'un des formateurs de Françoise à l'Idhec et a suivi son parcours depuis Mix-Up ou Méli-Mélo, au salon pour moi (en plus de partager sa vie, j'ai composé la musique des derniers films de Françoise, dont les trois derniers sortis en DVD, Ciné-Romand, Gais Gay Games en collaboration avec Sacha Gattino et Thème Je avec Bernard Vitet). J'y raconte la rencontre avec Françoise qui peut être considérée comme une petite mise en scène typique de sa fantaisie. L'émission est passionnante, avec un petit bémol à la clef, l'utilisation anecdotique de musiques exogènes qui n'ont absolument rien à voir avec le monde sonore de Françoise qui jusque là avait collaboré avec les compositeurs Nicolas Frize et Bruno Coulais, ou l'ingénieur du son François de Morand... On croirait avoir soudain zappé sur une station radio privée. Dommage, on frisait la perfection.
Par contre, aucune réserve sur le cinquième DVD de Françoise dont on fêtera ce soir la sortie puisqu'elle est sa propre productrice. Elle y raconte d'ailleurs comment elle dut vendre son appartement pour financer ce projet intime commencé en 1999 et terminé cette année. Si le film est une comédie, parfois dramatique, les passages "sexe" excluent le public enfants. À l'issue de la projection on trouvera les cinq DVD parus, ainsi que le CD Carton, composé avec Bernard Vitet, dont les chansons accompagnent Thème Je.

vendredi 9 septembre 2011

Carnet de Françoise Romand


Avec le développement du numérique grand public il est devenu banal de raconter que chacun peut aujourd'hui faire un film, un disque, un livre ou devenir photographe. C'est sans compter le budget de promotion et la soumission des organes de presse aux grands groupes industriels qui les possèdent. L'argent appelle le commentaire. Si les petits producteurs ont du mal à imposer leurs productions que dire des indépendants qui travaillent dans le luxe de leur liberté de création ? Devant la paresse des journalistes spécialisés les blogueurs ont la place de s'exprimer, même si leur impact est moindre dans un premier temps.
J'en sais quelque chose pour avoir produit une trentaine d'albums depuis 1975 sur mon propre label, GRRR. Mon dernier en date, duo avec Michel Houellebecq, n'a pas atteint les 500 exemplaires alors que le poète (il s'agit de textes issus du Sens du combat et de La poursuite du bonheur) avouait "quelque chose d'assez rare dans ma vie : une collaboration avec un musicien, réussie." Aucun média littéraire ou généraliste ne l'a évoqué, ni en bien, ni en mal. Seuls les magazines de musique l'ont chroniqué. L'objet a beau être superbe (pochette et livret d'Étienne Auger), il n'atteint pas sa cible.
La même mésaventure touche les DVD de Françoise Romand. Si ses deux premiers, Mix-Up ou Méli-Mélo et Appelez-moi Madame furent chroniqués, elle les attribue au fait qu'ils furent produits par Antenne 2, TF1 et l'INA. Le suivant, entièrement financé par la réalisatrice, Ciné-Romand, passa presqu'inaperçu. Aussi s'inquiète-t-elle pour la sortie cette semaine des deux nouveaux, Gais Gay Games et Thème Je, qui souffrent des mêmes qualités tant cinématographiques (saluées par le célèbre critique américain Jonathan Rosenbaum) que graphiques dans leur habillage stylé (pochettes de Claire et Étienne Mineur, ou de Caroline Capelle). Un site Internet présente l'ensemble avec le même soin, et ils sont tous distribués par Lowave.


Mais rien ne vaut la projection en salle. Ainsi la première de Thème Je aura lieu au Cin'Hoche à Bagnolet mercredi prochain 14 septembre à 20h en présence de Françoise Romand. Vous y êtes cordialement invités, d'autant que la séance sera exceptionnellement gratuite ! Venez nombreux (la salle est grande) et faites honte aux professionnels qui manquent furieusement de curiosité...
Si vous désirez vous mettre en appétit, le même jour à 17h, France Culture diffuse son émission Sur les docks dédiée au travail de la réalisatrice avec, en guest stars, Noël Burch, Sylvie Najosky et votre serviteur.

P.S.: le choix du photogramme illustrant cet article n'est pas innocent. Qu'inventer pour attirer l'attention ?!

jeudi 8 septembre 2011

Mildred Pierce de Todd Haynes


Les mini-séries apparaissent comme de très longs métrages diffusés en plusieurs parties à la télévision américaine. De plus en plus de metteurs en scène de cinéma y viennent, attirés par des formats et une liberté que Hollywood ne permet pas. Si Boardwalk Empire initié par Martin Scorcese est un ratage à l'image de tous ses deniers films, Mildred Pierce de Todd Haynes, qui se passe dix ans plus tard en pleine Dépression, soulève d'intéressantes questions sur le statut des femmes, aujourd'hui comme hier, comme il l'avait déjà abordé avec Safe et Loin du paradis. Fidèlement adapté du roman de James M. Cain, également auteur du facteur sonne toujours deux fois, Haynes s'affranchit de la magnifique version de 1945 de Michael Curtiz avec Joan Crawford en confiant le rôle omniprésent à Kate Winslet et en creusant pendant quatre heures trente les fantasmes de la classe moyenne et le malaise de la "femme au foyer" dans un mélodrame qui rappelle Douglas Sirk et Fassbinder.


Vouloir le meilleur pour ses enfants les gâte souvent, tout en leur fournissant le moyen de s'éloigner quand le but était de se les attacher. Le conflit entre la mère et la fille interprétée adulte par Evan Rachel Wood naît de leur émancipation à toutes deux. La lâcheté des hommes est un handicap qui ne leur facilite pas les choses, que ce soit Bert l'ex-mari de Mildred, l'ami de la famille Wally Burgan ou le playboy Monte Beragon, respectivement interprétés par Brían F. O'Byrne, James LeGros et Guy Pearce. Seules sa voisine (Melissa Leo) ou les serveuses de son restaurant montrent une véritable solidarité avec elle.
Le film prend son temps, les neuf ans du drame se déroulant au fil des cinq parties produites par HBO (ce ne sont pas des épisodes comme dans les séries proprement dites). La musique est un peu trop illustrative, à l'image de la reconstitution historique soignée, sauf lorsque Veda, la fille de Mildred, s'acharne sur son piano ou, mieux, lorsqu'elle chante l'Air des Clochettes de l'opéra Lakmé de Léo Delibes, dont les paroles réfléchissent parfaitement son désespoir à elle, "fille de parias, rêvant de douces choses"... C'est bien le nœud de toute l'histoire, le désir d'ascension sociale que le statut de femme rend d'autant plus complexe. Et les meilleures évocations historiques prennent tout leur sens à la lumière de notre actualité.