Petit survol récurrent de quelques films projetés depuis le précédent compte-rendu, en marge de ceux ayant fait l'objet d'un article particulier dans cette même colonne et que l'on retrouvera évidemment en rubrique "Cinéma et DVD". Je crois que le dernier datait du 2 février 2012.

D'abord ceux qui nous ont emballés et qui auraient mérité que je m'y attarde si je n'avais tant de boulot...

Sport de filles de Patricia Mazuy (2012), la lutte des classes et des sexes dans le milieu du dressage hippique et de la compétition, intelligent, original, avec Marina Hands, Bruno Ganz, Josiane Balasko...
The Angels' Share (La part des anges), le dernier Ken Loach (2012), presqu'une comédie, très sympa, invisible sans sous-titres anglais ou français, c'est ce qui fait aussi son charme...
Mio fratello è figlio unico (Mon frère est fils unique) de Daniele Luchetti (2007), indiqué par ma fille comme le précédent, portrait rare de l'Italie coincée entre fascisme et communisme au travers de l'histoire de deux frères, amis, ennemis...
Voir L'école du pouvoir (2009) à la télévision (en fait sur Arte+7 grâce à Internet) nous a donné envie de voir d'autres films de Raoul Peck. Le profit et rien d'autre (2001) est un formidable documentaire sur la situation économique planétaire jouant sur les idées plus que sur les chiffres ou les anecdotes, sa poésie critique en constituant un modèle pédagogique. Lumumba (2000) est plus classique, trop démonstratif en comparaison des deux autres, mais tout aussi passionnant.
Auf der anderen Seite (De l'autre côté) de Fatih Akin (2007) m'a également donné envie de voir ses autres. Les récits imbriqués des personnages et du temps sont élégamment maîtrisés pour résoudre les drames qui se répondent. Fatih Akin sait jouer des aller et retours entre ses origines turques et l'Allemagne pour mettre en scène l'immigration tout en fustigeant leurs carcans réciproques. Je suis heureux d'y retrouver Hanna Schygulla rencontrée pour un film que je ne tournerai probablement jamais.
The King of New York d'Abel Ferrara (1990), en DVD chez Carlotta, n'a rien perdu de sa force. Christopher Walken y est épatant de sobriété sans perdre une once d'énergie cathartique. Le bien et le mal y sont retournés comme des gants.
Polar plus récent, Hodejegerne (Headhunters) du norvégien Morten Tyldum (2011), sur un scénario de Jo Nesbø, est palpitant et plein de rebondissements.
Alpeis (Alpes) est le troisième film (2011) de Yórgos Lánthimos qui avait réalisé le bouleversant Canine. Avec un scénario aussi original, heureusement moins éprouvant, le cinéaste grec continue de nous étonner. Les membres d'une société secrète, apprentis acteurs du réel, offrent leurs services à des familles en deuil pour remplacer les défunts selon des règles draconiennes...
J'avais ajouté ici un couplet sur Cosmopolis et Holy Motors, mais vu la longueur de ce billet je le reporte à demain.

Suivent quelques films agréables comme L'enfant d'en haut d'Ursula Meier (2012) qui avait signé Home. J'écris agréables, parce que nous avons eu du plaisir à les regarder, mais ce sont des films qui reflètent la dureté sociale et économique de notre époque. Il en va ainsi du dernier des frères Dardenne, Le gamin au vélo (2011). Dans ce registre, De bon matin de Jean-Marc Moutoux, lourd et prévisible, n'a hélas pas la force de Violence des échanges en milieu tempéré.
Excellente surprise, par contre, avec L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz (2011) sur la prise d'otages d'Ouvéa en Nouvelle Calédonie. Aucune démonstration d'hémoglobine, mais un film politique sévère et remarquablement monté, probablement le meilleur de son auteur, révélation d'un scandale étouffé de l'armée française comme on croit que seuls les Américains osent le faire. On comprend mieux la cabale dont il a été victime et la colère de Kassovitz.
J'ai regardé l'excellent thriller inuït On The Ice de Andrew Okpeaha MacLean (2011) le même soir que le suspense baleinier à l'eau de rose Big Miracle (Miracle en Alaska) de Ken Kwapis (2012). À l'entr'acte j'ai dégusté deux boules de glace de l'inégalable Berthillon !
Sympathique hommage familial, bien qu'assez pervers à y regarder de près, de Mathieu Demy avec Americano (2011).
La comédie L'amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder (2012) se laisse voir parce qu'elle est dans l'air du temps.
La vie d'une autre de Sylvie Testud (2012) ne laisse pas un souvenir impérissable, l'amnésie de Juliette Binoche étant peut-être contagieuse, mais c'était chouette.
Dark Horse (2011) n'est pas le meilleur de Todd Solondz, mais c'est tout de même un jalon de plus dans sa chronique dépressive de l'Amérique.
Le quai des brumes de Marcel Carné (1938) va ressortir au cinéma grâce à une restauration époustouflante de l'éditeur Carlotta. Dialogues formidables de Prévert. Le réalisme poétique au service du mélo. "T'as de beaux yeux, tu sais ?"

Tous ces films ont le mérite de ne pas être horripilants contrairement à Starbuck de Ken Scott (2012) qui ne tient pas la distance malgré une idée marrante, le lourdingue 38 témoins de Lucas Belvaux (2011), les étirés D'amour et d'eau fraîche d'Isabelle Czajka (2010) ou 17 filles de Delphine et Muriel Coulin (2010) qui n'en finissent pas de filmer leurs héroïnes pendant qu'elles réfléchissent, le vicieux Etz Limon (Les citronniers) d'Eran Riklis (2008) qui, sous couvert d'ouverture, est aussi machiste que pro-israélien, toute demie mesure faisant le jeu du colonialisme.
Double déception avec le saignant The Countess (La Comtesse) de Julie Delpy (2009) dont je venais de voir Two Days in New York (2012), bien mieux qu'on en a parlé, et avec Two days in Paris réalisé selon le même schéma avec nombreux acteurs communs cinq ans plus tôt. J'ai préféré de loin les romances Before Sunrise (1995) et Before Sunset (2004) de Richard Linklater, tournés à dix ans d'intervalle avec l'actrice et Ethan Hawke.

Quant à l'enthousiasme de la critique pour Damsels in Distress de Whit Stillman (2012), certainement pas ! Ampoulé, suranné, aussi potache que du Wes Anderson. Loin de la réussite de Metropolitan (1990).
Idem avec Compliance de Craig Zobel (2012) qui n'a plu que parce qu'il est annoncé que c'est une histoire vraie. Tant de crédulité laisse pantois. Quel ennui lorsqu'on anticipe les plans à venir. Un peu comme avec Gone (Disparue) de Heitor Dhalia (2012).
Il y a pire : deux Blanche-Neige, un de Tarsem Singh (2012), l'autre avec chasseur de Rupert Sanders (2012), John Carter de Andrew Stanton (2012), The Raven (L'ombre du mal) de James McTeigue (2012), The Avengers de Joss Whedon (2012), là je sombre dans les blockbusters amerloques, encore que Captain America The First Avenger de Joe Johnston (2012) soit plus supportable, et que Men in Black 3 de Barry Sonnenfeld (2012) soit une surprise plutôt rigolote. Pour en prendre plein la vue, ajoutez la trépidante action de Sherlock Holmes A Game of Shadows de Guy Ritchie (2011) et ne boudons pas Chronicle de Josh Trank (2012), plus malin qu'il n'en a l'air, avec des super héros immatures qui remettent les fantasmes de l'Amérique à leur place.

Pardonnez ces jugements à l'emporte-pièce qui n'engagent que moi. Pour qu'un film me plaise j'ai besoin que son scénario surprenne, que ses plans soient réfléchis et opportuns, que la direction d'acteurs soit à la hauteur, que les idées qu'ils suscitent n'enfoncent pas le spectateur dans ses convictions tout en défendant celles pour lesquelles je me bats. Ce ne sont que des pistes pour celles et ceux qui me font l'honneur de me lire quotidiennement. À chacun ensuite de tracer son chemin !