70 Cinéma & DVD - mars 2015 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 11 mars 2015

Intimidation


Ce n'est pas la première fois qu'une tentative d'intimidation nous est envoyée par un tiers prétendant avoir des droits sur une vidéo ou une musique diffusée par nos soins sur YouTube.
L'année dernière quatre différentes sociétés prétendaient que nous avions mis en ligne des musiques leur appartenant (la même d'après les quatre pour l'un des films, ce qui est d'autant plus cocasse !) pour accompagner plusieurs des 23 films de la collection Révélations, une odyssée numérique dans la peinture. Or d'une part j'en étais le compositeur avec dépôt en bonne et due forme à la Sacem et d'autre part il s'agissait, pour plusieurs réclamations, d'un enregistrement de petits oiseaux que j'avais réalisé moi-même ! Notre contestation suffit à faire taire les vautours probablement spécialisés dans ce type d'arnaque.
Avec la sonorisation du film L'homme à la caméra de Dziga Vertov par Un Drame Musical Instantané créé en public en 1983 la contestation fut cette fois refusée par les prétendus ayants-droits, bloquant mon compte YouTube en plus de l'effacement du fichier jugé hors-la-loi. C'est relativement grave, d'autant qu'au troisième avertissement le compte peut être totalement éradiqué. Il était étrange qu'une dizaine d'autres sonorisations intégrales du film, toutes postérieures à la nôtre, ne subissaient pas cet abus de pouvoir, ni la diffamation et le préjudice dont nous nous retrouvions victimes.
N'ayant aucun contact avec la société indépendante prétendument spécialisée dans la chasse aux pirates, j'avais répondu par un formulaire à YouTube que l'on ne peut joindre autrement : "La copie qui nous a été fournie par La Cinémathèque Française en 1982 ne peut certainement pas appartenir à Mental Overdrive (ce nom apparaissait en lien du premier mail envoyé par YouTube, avant trois suffixes intrigants dont -sport !) qui est un compositeur norvégien né en 1966 (il avait alors 16 ans). Nous comprenons qu'il souhaite s'arroger l'exclusivité de la partition, mais nous sommes très nombreux à avoir mis en musique ce film muet. Un Drame Musical Instantané furent les premiers avant Biosphere, The Cinematic Orchestra, Gilles Tynaire, Yann Le Long, Pierre Henry (depuis, j'ai trouvé également celles de l'Alloy Orchestra, de Michael Nyman, Daniele Pozzovio, White Night Riga, El Sagrado Familión, Document 02, du Corvini Bros Estemporaneo Band, etc. et constaté que le site Archive.org le considère comme appartenant au domaine public). Voyez d'ailleurs Wikipédia… En outre notre partition a fait l'objet d'un LP en 1983 diffusé dans le monde entier…"
Comme nous étions surpris de la réclamation je cherchai à joindre, hélas sans succès, des spécialistes de Vertov comme Bernard Eisenschitz, mais entre temps je reçus un nouveau mail : "Bonne nouvelle ! Votre contestation n'a pas été examinée dans un délai de 30 jours, ce qui signifie que DeepMiningCorpAssoc a retiré la réclamation pour atteinte aux droits d'auteur concernant votre vidéo YouTube." J'avoue n'y rien comprendre, mais je suis soulagé que mon compte soit rétabli, même si à l'heure actuelle notre version que nombreux critiques considèrent comme la plus inventive, donc la plus cohérente avec le film réalisé par l'inventeur du Laboratoire de l'Ouïe, ne soit toujours pas revenue en ligne. J'ai également remarqué que je ne suis pas le seul scandalisé par cette société sur laquelle plane plus d'un soupçon sur sa démarche consistant à clamer des droits qui ne lui appartiennent nullement. YouTube ferait mieux de s'intéresser à tous ces vampires du Net qui tentent le coup tant que l'on ne se rebelle pas. Cela me fait penser aux spécialistes du dépôt de noms de domaines qui trustent le dictionnaire pour revendre ensuite très cher leur investissement honteux, sorte de marché noir du virtuel.


Post-scriptum avec nos remerciements à la concurrence ;-)

jeudi 5 mars 2015

Tiens-toi droite


Sorti en novembre, le film de Katia Lewkowicz avec Marina Foïs, Noémie Lvovsky, Laura Smet aurait dû faire bondir la critique. La plupart des journalistes sont passés à côté de cette comédie dramatique originale qui dessine un portrait des femmes oppressées par notre société, des poupées qui se révolteront à force de répéter des lieux communs. Tiens-toi droite est un film godardien qui ne doit rien à Jean-Luc Godard parce qu'il invente ses propres références en les sortant, comme lui, d'un réel qui n'a rien d'imaginaire. L'éclatement du récit sous l'apparence d'un film choral chaotique déstabilise de prime abord pour mieux exposer les tirs tendus que le quotidien assène façon puzzle, détruisant systématiquement les velléités des femmes à s'épanouir sans obéir aux lois patriarcales. Le travail de montage exceptionnel recompose les pièces que la fantaisie de la réalisatrice explose en un feu d'artifices où les décalages entre le son et l'image ne sont jamais conventionnels. Le moindre détail fait sens et leur profusion accouche d'une dialectique où l'humour rivalise avec l'absurde. Dans cette usine à poupées la cruauté et la provocation sont franches et gonflées. Ni l'affiche ni les bandes-annonces ne réfléchissent hélas ce film remarquable qui ne ressemble à aucun autre.

→ DVD Wild Bunch Distribution, sortie le 1er avril