Amateur des Beach Boys, mais peu friand des biopics romançant la vie d'artistes, j'ai été bouleversé par Love & Mercy, le film de Bill Pohlad, producteur à succès (Brokeback Mountain, Fur, Into The Wild, Fair game, The Tree of Life, 12 Years a Slave, Wild) dont c'est le second comme réalisateur vingt-cinq ans après Old Explorers. Si l'histoire de Brian Wilson est étonnante et pathétique, j'ai été happé par l'invention de la bande-son, tant par les idées d'arrangement du leader des Beach Boys, que je connaissais déjà, que par la concrétisation 5.1 de ses hallucinations vocales qui le hantent et l'assomment. Les aller et retours entre deux époques de sa vie sont interprétés par John Cusack et, plus jeune, par Paul Dano qui l'incarne de manière fascinante. Sortis des séances de studio (Brian Wilson craignait les tournées) et de ses périodes de dépression qui le torturent jusqu'à le clouer au lit pendant trois ans, nous assistons au duel de sa future (seconde) femme interprétée par Elizabeth Banks et du terrible Dr Landy dont Paul Giamatti endosse parfaitement le rôle de pervers narcissique plus fou et dangereux que son patient.


Brian Wilson est sourd d'une oreille depuis que son père, sévère figure de l'éternel rival incapable de donner l'amour que son fils lui réclame, l'a jeté contre un mur. Son désintérêt pour la stéréo s'en explique très bien. Or la réussite du film tient justement à la personnalité musicale de Brian Wilson, au son qui l'entoure et à celui qu'il entend malgré tout dans sa tête et le fait souffrir. Oreille absolue, précision quasi maladive du détail, recherche de sonorités inouïes, goût pour des instruments peu usités, voire des bruits et cris d'animaux intégrés dans les enregistrements, les sons le font vivre et l'épuisent. Les drogues participant au dérèglement de tous les sens ont aussi leur part dans le délire qui lui fera accoucher du chef d'œuvre des Beach Boys, l'album Pet Sounds. Le film Love & Mercy me donne envie d'écouter The Smile Sessions (5 CD), l'album solo dont il a rêvé longtemps et qu'il n'a finalement publié qu'en 2011, empêché par les rivalités internes au groupe, ainsi que les Pet Sound Sessions (encore 4 CD !), matériel exceptionnel qui a grandement motivé Bill Pohlad. La personnalité complexe de Brian Wilson est à l'image de ses inventions musicales, loin de celle de surfers de la côte ouest que cherchaient à donner ses camarades.