70 Cinéma & DVD - avril 2019 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 26 avril 2019

La société du spectacle par Sidney Lumet


Le visuel très réussi, créé par Joachim Roncin pour l'édition Ultra Collector de Network : Main basse sur la TV, rappelle graphiquement René Pétillon et méchamment Massimo Mattioli, deux excellents auteurs de bande dessinée. Mais ce film de Sidney Lumet est avant tout une extraordinaire préfiguration de ce que deviendra la télévision et, par extension, notre société. Tout est déjà en place en 1977, mais nous n'étions pas à ce point conscients de l'énormité de la catastrophe, ou nous espérions que le monde se ressaisirait. Le livre La société du spectacle de Guy Debord date de 10 ans plus tôt. Sidney Lumet entrevoit le danger en révélant la manipulation de masse, que ce soit celle de la télé-réalité, mais aussi au niveau-même du Journal de 20 heures...
N.B.: Les extraits suivants peuvent figurer des spoilers pour certain/e/s lecteurs et lectrices. Je préfère prévenir car j'ai l'habitude de me livrer à de complexes acrobaties dans mes articles pour éviter de vous gâcher le plaisir de la découverte...


Lumet prévoit également l'affaiblissement des États qui tomberont sous la férule d'une mafia d'ultrariches à la tête de la finance internationale grâce à des lobbies et un entrisme brutal capable de générer des lois qui mèneront à l'ultralibéralisme, mettant la planète à sac...


Même la scène célèbre où les gens se penchent à leur fenêtre criant leur colère, et qui inspira probablement une pub pour le parfum Égoïste, préfigure le ras-le-bol des Gilets Jaunes. Sauf qu'aujourd'hui le peuple se passe de gourou, ou il n'en trouve plus à sa mesure. L'élan collectif supplante la délégation, ce qui pose les véritables questions sur l'avenir. La démocratie telle qu'elle s'est pratiquée depuis un siècle s'avérant une odieuse manipulation de masse, quelles formes prendront les prochaines manifestations ? Tout reste à inventer...


Les extraits glanés sur YouTube sont certes des spoilers, mais le film est suffisamment puissant pour que vous ayez le désir irrépressible de le regarder dans son entier, en particulier grâce aux superbes interprétations de Faye Dunaway, Peter Finch, William Holden et le reste de la distribution. Lumet connaît parfaitement le monde de la télévision pour y avoir probablement autant œuvré qu'au cinéma. Même si le public français connaît mieux ses films sortis en salles comme 12 hommes en colère, Le prêteur sur gages, Le dossier Anderson, Serpico, Un après-midi de chien, Contre-enquête, Jugez-moi coupable, 7 h 58 ce samedi-là, etc., il n'a jamais fait de distinction entre les deux. Ce ne sont que des questions de budget ou de taille d'écran. Dans Network chaque personnage exprime la faiblesse de sa force et la puissance de ses faiblesses. La schizophrénie que déclenche un burn out entraîne les foules. L'immaturité fait accoucher une workaholic d'idées brillantes. Mais on a beau être sage, la tentation est parfois plus forte que la prudence...
L'entretien de deux heures avec Sidney Lumet, tourné en 2011, soit trois ans avant sa mort, est un bonus formidable. Le cinéaste revient chronologiquement sur les 44 longs métrages qu'il a filmés en 50 ans. Ajoutez Fou de rage, le livre de 200 pages de Dave Itzkoff qui semble tout aussi passionnant, mais je n'ai pas encore eu le temps de m'y plonger, les journées n'ayant que 24 heures, même les miennes !


→ Sidney Lumet, Network, coffret Ultra Collector limité à 3000 exemplaires, Blu-Ray+DVD+Livre, ed. Carlotta, 50,16€

mercredi 24 avril 2019

Ruben Brandt réussit son art-thérapie !


Pour visionner quantité de films, cela fait du bien de tomber par hasard sur un chef d'œuvre. Autant vous prévenir tout de suite, j'ignore quand il sortira en France. Ruben Brandt, Collector est un long métrage d'animation hongrois réalisé et dessiné par un Serbe né en Slovénie, Milorad Krstić, né en 1952 et installé à Budapest depuis 1989. Également peintre, sculpteur, documentariste et artiste multimédia, Milorad Krstić, qui a l'habitude de travailler seul, conduit cette fois un orchestre d'une centaine de personnes pour captiver son public. Essentiellement dessiné à la main sur ordinateur avec TVPaint en cherchant à donner l'impression d'un monde en 2D, il fait aussi appel aux logiciels Anime Studio, After Effects, Maya et Blender. Ruben Brandt, collectionneur est un film d'action dans le monde de l'art en forme de thriller sur fond de psychanalyse ! Tout en préservant un style graphique extrêmement personnel, Krstić enchaîne les références picturales, tout autant que cinématographiques et musicales. Cette accumulation incroyable pourrait être vaine, or elle sert toujours l'intrigue d'une manière ou d'une autre. Parfois une phrase célèbre peut trouver son interprétation dans un accessoire. Parfois la musique se réfère au décor ou fait un clin d'œil aux érudits. Celle composée par Tibor Cárl joue le même rôle que le dessin de Krstić, enveloppant l'ensemble des citations dans la course folle des quatre voleurs dévoués à leur psychanalyste au point de sillonner le monde pour lui rapporter les 13 toiles qui le font cauchemarder. Et les images de se métamorphoser légèrement en Boticelli, Holbein, Gauguin, Van Gogh, Hopper, Magritte, Manet, Picasso, Velázquez, etc., quand les protagonistes ne se battent pas à coups de Warhol et de Spoerri ! Si l'action ne vous hypnotise pas, si les voix anglaises de Iván Kamarás, Gabriella Hámori, Zalán Makranczi ne vous envoutent pas, peut-être aurez-vous le temps d'apprécier les coups de chapeau à Bergman, Buñuel, Chaplin, Eisenstein, Fellini, Hitchcock, Huston, Kubrick, Kurosawa, Lumière, Méliès et bien d'autres... Ou vous comprendrez le sens des emprunts à Honegger, Penderecki, Stravinsky, Schubert, Puccini, Mozart ou Thom Yorke ! On n'est pas si loin du travail de digestion d'un Godard, car jamais on ne quitte le plateau qu'offre Krstić. Les références font partie de sa grammaire et de sa syntaxe.


Milorad Krstić n'avait réalisé aucun fil depuis 1995 où son court-métrage d'animation copulatoire My Baby Left Me avait gagné l'Ours d'argent à Berlin et le Prix du meilleur premier film à Annecy. Entre temps il avait créé le CD-Rom Das anatomische Theater, écrit des scénarios, conçu des décors de théâtre, publié des bandes dessinées. Vingt-cinq ans plus tard, chaque plan de Ruben Brandt, collectionneur fascine par le traitement des visages et des corps qui s'adaptent discrètement aux différentes scènes tout en conservant un cousinage avec Brauner et Picasso. Entre le thriller et le fond psychanalytique, avec son style graphique complètement barré et la fluidité de mouvements digne d'un blockbuster d'action, ce film marque une date dans l'histoire du cinéma d'animation.

mardi 23 avril 2019

After My Death, vague de suicides


Lors de mes séjours en Corée, invité pour des installations artistiques interactives, j'avais été surpris par la chape de plomb qui recouvrait la société et en particulier la jeunesse, plus lourde encore qu'au Japon. Partout des écrans diffusaient des soap operas lénifiants de jeunes gens en fleurs, plus cul-cul-la-praline tu meurs. Or, dans ce pays qui s'est héroïquement reconstruit après la guerre, le taux de suicides est énorme, la pression sociale le poussant à près de 40 par jour ! Le film After My Death met en scène ce fléau au travers d'un thriller aux rebondissements psychologiques où la culpabilité de chacun et chacune est le moteur de l'histoire. Ce n'est pas un hasard si les pays du nord de l'Europe partagent cette morbidité, le confucianisme et le protestantisme s'appuyant largement sur cette culpabilité. Dans le film, dont la traduction du titre coréen est une fille dans le péché, l'étudiante disparue écoutait d'ailleurs du black metal scandinave ! Le passionnant entretien en bonus avec Juliette Morillot précise les efforts de travail exigés aux Coréens poussés à leurs extrémités et la honte qui retombe potentiellement sur les familles.


La publicité du film de Kim Ui-seok insiste sur son cousinage avec Virgin Suicides de Sofia Coppola, mais les causes sont quelque peu différentes, même si elles conservent une part de mystère que le scénario révèle petit à petit. J'y décèle surtout une bonne dose de misogynie que la plupart des critiques semblent avoir escamotée. Au delà de l'ambiance lourde et nauséabonde que dégage l'absence de réelle solidarité entre les filles d'une part, et les adultes d'autre part, les ressorts de l'intrigue aiguillent chaque fois l'énigme vers une révélation qui, faute de reconnaître l'origine du mal, livre des indices sur les fausses routes qui demeurent toutes plausibles dans une sorte de puzzle où les faux-coupables portent tous et toutes la responsabilité du drame.

→ Kim Ui-seok, After My Death, dvd Capricci, 16€

jeudi 18 avril 2019

Dans l'immédiat, Jean-Luc Godard


Les entretiens dépendent souvent de la qualité des interviewers. Il est certain qu'Olivia Gesbert a une sensibilité, une intelligence ou un aplomb qui faisaient défaut à la plupart des interlocuteurs des Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard "réalisés" par Alain Fleischer et qui duraient 9h30. Pour l'émission La Grande Table elle est allée rencontrer Godard chez lui à Rolle en Suisse. France Culture le diffuse en deux parties de 27 et 39 minutes, Je suis un archéologue du cinéma et Godard ouvre le Livre d'image. À 88 ans le cinéaste semble ainsi plus vif qu'il y a quelques années, peut-être parce que c'est une jeune femme. À la lecture de sa biographie par Antoine de Baecque on sait qu'il n'y est pas insensible. Et Godard ne mâche pas ses mots, que ce soit sur ce que sont devenues les écoles de cinéma (les 3/4 des étudiants sont des jean-foutre), la notion d'auteur avec ses droits et ses devoirs (À l’époque, l’auteur était le scénariste, c’est-à-dire le fabriquant de texte. A Bout de souffle, je n’en suis pas l’auteur pour la loi. C’est Truffaut parce que j’avais repris un ancien scénario. A un moment, je lui ai demandé de me le redonner, et il ne pouvait pas : c’est inaliénable en France. Pour Le Livre d’image, il y a beaucoup d’auteurs qui sont réunis par un ami), sur sa Palme d'Or "spéciale" à Cannes qu'il considère avec mépris comme un prix de consolation, sur la langue et le langage, sur la politique, sur ses rêves, sur l'âge, etc.



Sur sa tombe il imagine qu'on pourrait écrire "Au contraire", sur celle d'Anne-Marie Miéville, sa compagne, "J'ai des doutes". Pour le titre de cet article j'aurais pu le singer en écrivant L'hymne aux média pour l'immédiat, c'est du moins ce que j'entends, une médiathèque de Babylone qui recracherait son contenu (j'arrête avec les jeux de mots ?) en musique, en vers et contre tout.



Lors de sa dernière conférence de presse à Cannes, transmise par Skype, il disait : "Aujourd’hui lors d’une conférence de presse, les trois-quarts des gens ont le courage de vivre leur vie, mais ils n’ont pas le courage de l’imaginer. J’ai de la peine à vivre ma vie mais j’ai le courage de l’imaginer".


Après "150 films en comptant les petits", Jean-Luc Godard a monté Le livre d'image que j'ai chroniqué dans cette colonne en décembre dernier, sorte d'épilogue à ses Histoire(s) du cinéma, de mon point de vue son chef d'œuvre, dont je possède les versions japonaise et française en DVD (la version japonaise en 5 DVD au lieu de 4 offre une nomenclature thématique interactive, encore faut-il savoir lire le japonais ! Il me semble qu'elle est plus complète, due à des questions de droits), la bande-son remixée pour le label ECM en 5 CD, et l'édition papier chez Gallimard/Gaumont. Ce n'est nullement du fétichisme, mais une manière d'appréhender une œuvre unique sous des angles différents.
Depuis hier Arte.tv diffuse gratuitement Le livre d'image et ce jusqu'au 22 juin, avec un passage TV le 24 avril, mais il ne sortira pas au cinéma. Godard préfère le montrer dans les musées et les théâtres dans son format audio original, un 7.1 plus polysémique qu'immersif ! En attendant, il faut absolument voir et entendre la réduction phonique de cette œuvre fondamentale toutes affaires cessantes. Il est difficile de l'évoquer pour elle-même, parce qu'elle suscite en chacun/e de nous un vertige, des interrogations, ouvrant des portes vers un après qui biologiquement se profile.

mardi 16 avril 2019

L'héritage des 500 000


En prologue à la rétrospective en salles de onze films d'Akira Kurosawa avec Toshirō Mifune (restaurés à l'origine par Wild Side à partir d'une numérisation HD de la Toho), Carlotta exhume l'unique film réalisé, produit et interprété par son acteur fétiche, L'héritage des 500 000, inédit en France. 500 000 est le nombre de soldats japonais victimes de la politique impériale dans le Pacifique. Après une première victoire en 1941-42 aux Philippines où l'action du film se déroule, ils seront décimés par la contre-offensive américaine et locale. Bien qu'il relate une aventurière chasse au trésor, pourquoi ce drame me rappelle-t-il Anatahan, le dernier chef d'œuvre de Josef von Sternberg ? D'une part, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale les Japonais ont du mal à faire une croix sur leur honteuse défaite. D'autre part, là où la seule femme sur une île était convoitée par tous les survivants, ici l'appât du gain joue le même rôle meurtrier. L'or a toujours été un révélateur des pires instincts humains. Dans le film de Mifune, auquel Kurosawa aurait donné moult conseils et confié une grande partie de son équipe habituelle (scénariste, chef op, compositeur, scripte...), l'expédition consiste à retrouver après la guerre un des trésors perdus par l'armée nippone. Si le suspense est fortement entretenu et les rebondissements comme il se doit, on sait évidemment d'avance comment tout finira pour ces hommes en quête des milliers de pièces d’or enfouis dans la jungle...


Le 17 avril ressortent donc en salles L'ange ivre, Chien enragé, Vivre dans la peur, La château de l'Araignée, Les bas-fonds, La forteresse cachée, les salauds dorment en paix, Yojimbo, Sanjuro, Entre le ciel et l'enfer, Barberousse, avec l'immense Toshirō Mifune. Ces fresques historiques et films noirs sont tous de magnifiques drames, authentiques héritiers d'une longue tradition, avant qu'Akira Kurosawa ne devienne le plus américain des cinéastes japonais, les films grandioses de sa dernière période, bien que fascinants, empruntant beaucoup aux sirènes hollywoodiennes !

jeudi 11 avril 2019

Perconte en DVD et Blu-Ray


Il y a dix ans j'écrivis mon premier article sur les films de Jacques Perconte : "Sous quel angle le prendre ? Par quel bout commencer ? Quelle route choisir ? Filmant les paysages en accéléré, à la campagne ou à Paris, en bus, en train ou en voiture, Jacques Perconte montre les changements de vitesse de nos vies. En faisant virer les couleurs, il leur trouve une âme, active des perceptions qui nous étaient interdites et nous offre une nouvelle vision du monde. Comme si nous étions quelque insecte lacanien pour qui le réel est tout autre, Perconte joue du cristal de l'œil pour retourner l'impossible. Parfois les pixels tordent la perspective. Le temps n'est pas le même pour tous, l'espace non plus. Les trajets deviennent des explorations où le quotidien prend un autre sens. Sur Viméo, le vidéaste propose 46 extraits de films qui nous font voyager en restant sur place. À moins qu'ils nous fassent prendre conscience de notre place, immuable, en nous faisant bouger ? En regardant par la fenêtre je vois les arbres se pencher vers moi, ils me parlent, les couleurs de l'automne virent aux flammes et je vais me passer un peu d'eau froide sur le visage."
En 2012 j'ajoutai Les erreurs font le style et Errare humanum est, puis je lui proposais qu'avec Antonin-Tri Hoang et Vincent Segal nous jouions sur ses images dont il improviserait comme nous les modifications en direct. Nous avons plusieurs fois renouvelé le spectacle Dépaysages. Il collaborera ensuite avec d'autres musiciens. En 2013 je composai la musique de son film L'arbre de vie pour un ensemble de cordes. J'ai continué à écrire des articles sur ses nouvelles expérimentations. Nicole Brenez s'est entichée de son travail, le présentant, entre autres, à Leos Carax et Jean-Luc Godard qui ont intégré chacun un court extrait à leur dernier ouvrage. Ce n'est pas tous les jours qu'un réalisateur de cinéma expérimental, de cinéma non narratif comme l'appellent plus justement les Américains, intègre les nouvelles technologies et surtout la matière qu'impose l'informatique. La plupart refusent même que leurs œuvres paraissent en DVD ! Jacques a voyagé, multipliant les points de vue, les palettes de couleurs, les mouvements, variant les compressions, faisant valser les pixels...


Consécration de l'édition vidéographique, Re:voir édite un DVD d'œuvres de 2002-2003 et un Blu-ray pour celles de 2010-2012. Perconte a choisi le DVD pour les films tournés en basse-définition et le Blu-ray pour ceux en haute-définition. Cela m'apparaît assez conceptuel, car sur mon grand écran je ne distingue en général que difficilement la différence entre les deux supports quel que soit le film ! Peut-être est-ce ma vue qui a baissé, je m'interroge depuis des années. J'ai l'impression que la qualité dépend plus des films et de leur mastering que du support. Je ne perçois franchement la différence que sur les blockbusters. L'excessive netteté n'est pas toujours ce qu'il y a de plus poétique. Il n'empêche que revoir les films de Perconte chez soi sur grand écran c'est quelque chose, une sorte de trip psychédélique du XXIe siècle. Perconte profite de la notoriété de ses films récents (pas si récents puisqu'il aurait ensuite décidé d'arrêter d'éditer des films sous forme physique) pour remonter dix ans en arrière en montrant ses compressions et saturations assez roots sur le DVD Corps. Ils exposent néanmoins la démarche, d'ailleurs bien expliquée dans le petit supplément discrètement révélé à l'insertion des galettes. Mais c'est avec le Blu-ray Paysages que l'on est esbroufé par la peinture en mouvement de ce nouvel impressionniste. Perconte est bien le digne héritier d'une tradition du film expérimental non narratif qui joue sur la contemplation et l'hypnose. On peut se demander néanmoins comment son œuvre plastique qui d'année en année se multiplie sans à-coup évoluera dans le futur. S'attaquera-t-il au son comme il le fit pour l'image ? Les ambiances naturalistes ou les musiques qui accompagnent ses films sont hélas toutes illustratives et redondantes, les simili drones emphatiques finissant par tous se ressembler quel qu'en soit le compositeur, comme si Perconte craignait qu'elles fassent de l'ombre à ses sublimes lumières. L'absence de dialectique audio-visuelle me manque comme elle fait défaut à presque tout le cinéma narratif. Ici comme ailleurs, dans l'esprit des créateurs et du public, le son est en retard sur l'image. Justement, dans son récent Livre d'image, Jean-Luc Godard, cinéaste expérimental et narratif, reste un des rares à interroger cette partie négligée du support.

→ Jacques Perconte, DVD Corps, 77', contient 3 films (SNSZ, UAOEN, ISZ) et un livret de 44 pages, ed. Re:voir, 19,90€
→ Jacques Perconte, Blu-Ray Paysages, 77', contient 4 films (Uishet, Après le feu, Impressions, Chiuva) et le même livret de 44 pages, ed. Re:voir, 22,90€

mardi 9 avril 2019

Dernières séries avant l'autoroute


La colline aux lapins (Watership Down) est une mini-série d'animation de 4 épisodes au suspense aussi prenant qu'un thriller, sauf qu'ici les protagonistes sont des lapins de garenne ! Les images 3D sont très réussies, et d'autant pire car ce n'est pas pour les tout-petits, donc les autres se régaleront ! Préférez évidemment la version originale en anglais...


L'anthologie Love, Death & Robots comporte 18 courts métrages indépendants réalisés chacun par une équipe différente. Ces films d'animation, qui oscillent entre 10 et 16 minutes, sont pour certains beaucoup plus éprouvants que les histoires de clapiers, voire carrément gore. C'est inégal, mais toujours intéressant. Il y a tout de même peu d'amour, beaucoup de morts, pas mal de robots et cela se regarde sans faim.



De la science-fiction au fantastique, on passe à Russian Doll en soulignant que ces genres portent évidemment toujours une critique forte de notre société et des fantasmes qu'elle engendre. Cette série de 8 épisodes de 26 minutes, plus psychanalytique que fantastique, est une excellente surprise. À la fin du premier on se demande sérieusement si Nadia Vulvokov va répéter en boucle sa mort et sa renaissance, mais l'histoire évolue très bien jusqu'au bout...


Excellente série policière islandaise, Trapped mêle simultanément plusieurs intrigues policières à des enchevêtrements familiaux ou domestiques comme c'est souvent la règle, mais le froid, la nuit et la neige donne à ce huis-clos en extérieur une couleur personnelle dont j'ignore si la seconde série que je n'ai pas encore regardée saura aussi bien se servir...


Avec deux saisons, Happy Valley est une sympathique série policière par son intrigue, mais plus basique TV dans sa réalisation. Les rôles principaux tenus par des comédiennes en font l'un des intérêts majeurs comme pas mal de séries britanniques récentes.
Comme le disait Christophe "il faut vraiment aimer les histoires de super-héros pour apprécier Umbrella Academy" dont je me suis lassé aussi vite que des provocations potaches de Sex Education. Dans le genre et en plus abouti Elsa me suggère évidemment Girls. Quant à la troisième saison de True Detective, si les acteurs sont formidables l'intrigue est lente, poussive et prévisible.


Heureusement c'est le printemps et vont débouler quantité de séries attendues ou toutes nouvelles, à commencer par la saison 2 du totalement déjanté Happy ! (il faut avoir le cœur bien accroché tant c'est drôle et gore à la fois) et le faux-documentaire néo-zélandais sur les vampires What we do in the shadows de Jemaine Clement et Taika Waititiun qui fait suite à leur long métrage sorti en 2014. En tout cas les deux premiers épisodes de Happy ! décoiffent, ses auteurs décidés à aller toujours plus loin dans le délire...