Avant d'aller déjeuner West Queen West dans un restaurant tibétain, nous avons visité le Ship O' Fools de Janet Cardiff et George Bures Miller, jonque échouée à l'entrée du Trinity Bellwoods Park, avec à son bord tout un capharnaüm de matériaux recyclés constituant un orchestre brintzingue qui s'anime automatiquement pour recréer une ambiance de tempête. L'installation ressemble à la fois au Mécanium de Pierre Bastien et au spectacle d'Un Drame Musical Instantané, 20 000 lieues sous les mers, créé à la Péniche Opéra en 1988. Sur un premier bateau amarré à Jaurès, nous avions réalisé un musée de vitrines animées par les prestidigitateurs James et Liliane Hodges tandis que nous jouions en direct, Bernard faisait passer la tête des spectateurs sous une énorme cloche de verre qu'il frappait, Francis jouait de la guitare, j'avais encore mon ARP 2600. La seconde partie se déroulait sur une autre péniche. Les spectateurs étaient assis sur de faux rochers de part et d'autre d'une scène ressemblant à un long podium étroit de défilé de mode sur lequel évoluaient les danseuses. Les marionnettistes et les régisseurs étaient obligés de ramper sous le public et de diriger les personnages avec des fils juste au-dessus d'eux. Nous jouions respectivement les rôles de Némo, du harponneur Ned et du journaliste Arronax pour cette adaptation du roman de Jules Verne où le Capitaine incarne l'impérialisme colonisateur. Il ne reste bizarrement aucune image, mais la musique fit l'objet d'un disque chez GRRR. Ship O' Fools est une plongée sonore amusante, surtout quand les éléments se déchaînent.


Plus tard nous avons recherché des galeries d'art, mais rien n'eut grâce à mes yeux. Je suis trop difficile. Ça me déprime. Je photographie le mur peint au-dessus du parking du Musée d'Art Contemporain qui en dit plus long sur les fantasmes de notre civilisation que pas mal d'?uvres exposées, par exemple, au 401. M'interrogeant sur l'urgence, la révolte ou l'inéluctabilité, je m'inquiète de savoir ce que deviendront tous ces artistes en herbe. Émotion ou questionnement sont les deux qualités que je recherche dans une ?uvre d'art.


Au Women's Art Ressource Centre (WARC) qui y est situé, le public peut improviser sur The Emotion Organ d'Amanda Stegell. Encore un projet sympathique, mais qui ne me nourrit pas assez. Le jeu au clavier d'un harmonium déclenche des couleurs projetées sur les pals d'un ventilateur en mouvement. Il est aussi censé produire des odeurs, mais nous n'avons rien senti. Il y a un nombre incalculable de structures gérées par les artistes eux-mêmes. L'autodiscipline permet au système d'autogestion et de cooptation de parfaitement fonctionner. Nous découvrons beaucoup d'autres ?uvres dont j'ai oublié les titres. Urgence et inéluctabilité ? Je me rabats sur la bouffe ! Après un dîner hongrois-thaï (!), nous terminons la soirée au 43ème étage et à la bière. Je descends taper mon article au radar.