70 Expositions - juillet 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

lundi 8 juillet 2013

Arles est derrière nous


Les expositions durent jusqu'au 22 septembre, mais nous avons repris la route, nourris grassement par cette semaine arlésienne où la profusion de photographies laisse à chacun/chacune le choix de faire son petit marché des plaisirs pour mirettes. Les dernières Soirées des Rencontres de la Photographie au Théâtre antique se sont terminées dans la joie et l'allégresse, scènes de comédie où il fut délicieux de rire, parfois à gorge déployée, en particulier avec la prestation d'Erik Kessels. Le Hollandais présenta son travail de publicitaire, ses photos trouvées, collection de ratés ouvrant sur tant de spéculations scénaristiques que son humour éclairait d'un regard caustique et bienveillant.
Deux jours plus tôt la Tramontane faillit nous faire annuler le spectacle. C'eut été une première depuis douze ans où nous bravons la canicule et la tempête. Tandis que le vent risquait de faire exploser l'écran géant, le petit film sur Gilbert Garcin fut une bouffée d'air frais. Le retraité octogénaire expliqua son parcours et ses méthodes originales pour réaliser ses fables morales surréalistes où son personnage en papier découpé erre sur des aires désertes à la recherche de questions sans réponse.


Sacha Gattino accompagna en direct les projections des lauréats du Prix Découverte avec la précision et la fantaisie qui dessinent sa marque de fabrique. Il interpréta ses compositions au clavier/échantillonneur, à la cithare jouée aux baguettes et à la guimbarde.
De mon côté j'avais choisi le Kronos Quartet et Homayun Sakhi pour illustrer les cinq saisons afghanes de Simon Norfolk pour le Prix Pictet. En Afghanistan la cinquième est celle de la catastrophe !
Vendredi douze autocars conduisirent les festivaliers jusqu'à Salin de Giraud pour une nuit étoilée exceptionnelle. Quatorze écrans éparpillés dans le village déversèrent le flot d'images choisies par les agences. Encore une agréable surprise, surtout que les moustiques n'avaient pas reçu leur accréditation. Reste à espérer que l'argent n'aura pas le dessus sur l'intelligence et que les Rencontres de la Photographie se perpétueront dans les années à venir, malgré les travaux urbanistiques et les intrigues qui risqueraient de faire disparaître le plus grand festival mondial du genre si les pouvoirs publics n'y prenaient garde.

N.B.: on peut voir les enregistrements de ces Soirées sur le site des Rencontres.
Shadows de Hiroshi Sugimoto accompagnée par la harpiste Hélène Breschand
Transition, paysages d'une société, douze photographes en Afrique du Sud, accompagné par le batteur Edward Perraud
Lauréats du Prix Découverte accompagnés par le claviériste Sacha Gattino
Simon Norfolk
In Almost Every Picture d'Erik Kessels… Et même la prestation de l'an passé d'Elliott Erwitt avec la vibraphoniste Linda Edsjö rejointe par le saxophoniste Antonin-Tri Hoang and myself (1 2)...

mardi 2 juillet 2013

Ouverture des Rencontres de la Photographie, Arles


Que pouvons-nous espérer de la photographie ? En attend-on une vision nouvelle ou la reconnaissance de ce que nous pressentions déjà ? Devons-nous immanquablement faire le grand écart entre nous rassurer d'un "ah c'est bien lui !" ou nous exclamer "c'est incroyable !" ? Quel rôle entend jouer le photographe par sa présence sur les lieux du crime ? Là où l'afro-américain Gordon Parks reprenait le pouvoir volé à son peuple en affirmant magistralement son identité, le chilien Alfredo Jaar joue sur les deux tableaux, dénonçant la responsabilité de sa profession tout en insistant sur le pathos que ses clichés produisent. Le collectionneur Erik Kessels s'interroge sur les millions d'images produites par le passé et sur leur exponentielle prolifération ; les imperfections qu'il traque sur les marchés aux puces sont le lot des amateurs, étymologiquement ceux qui aiment, et sa psychanalyse de l'absence, de l'effacement, des taches ou du flou en dit plus long que toutes les légendes justificatrices. Les autoportraits de Gilbert Garcin forment un recueil de fables surréalistes dont la morale est laissée au spectateur et Guy Bourdin savait que la mode réfléchit les facéties de son temps tandis que le regard de Sergio Larrain aiguise notre troisième œil pour saisir les causes sociales de ce que nous pensons connaître. Partout dans Arles l'accrochage est particulièrement réussi cette année, les labyrinthes révèlent des trésors cachés et nous n'en sommes qu'au premier jour.


Si les revendications politiques, très présentes dans cette nouvelle édition des Rencontres de la Photographie, ont la pertinence de l'urgence, les vues de Mars bouleversent notre rapport à l'univers, bien au delà de la mort. Ici comme ailleurs les visions à long terme laissent poindre l'espoir. La délicate partition de Dominique Besson nous met en condition pour admirer les invraisemblables images de la planète rouge, ici photographiée en noir et blanc, Arles in Black oblige, et rassemblées par Xavier Barral. Du cristal du vent et des crépitements de l'eau émerge finalement un éclair métallique. Est-ce la sonde de la Nasa passant à 300 km au-dessus de ces matières dont la taille serait difficilement évaluable (infiniment petite ou grande ?) si l'on ne savait que chaque image projetée a une base de 6 km ? La variété et le détail des paysages, leur profondeur, leurs cicatrices, laissent entrevoir une histoire insoupçonnée.


Le plus beau voyage de cette longue journée dont je ne peux énumérer toutes les stations sans devenir fastidieux, mais qui se poursuivra jusqu'au 22 septembre, et pour nous qui nous occupons des Soirées au Théâtre antique jusqu'à samedi.

Illustrations : 1. Erik Kessels, 24h de photographies (détail) 2. Mars (4 écrans) 3. Barkhanes dans une zone de cratère. Avec l’aimable autorisation des éditions Xavier Barral/NASA/JPL/University of Arizona