Hier matin, Libération titrait "6,8 millions de pauvres". La rédaction et le service marketing du quotidien à l'agonie feraient bien d'accorder leurs violons, car le numéro de jeudi est accompagné du supplément "Fooding". Et que lit-on en haut de la page 3 de ce guide des restaurants parisiens ? "Quand on veut flamber... en débouchant un pétrus 99 à 1440€ au Versance, en commandant sans grimacer 250g de sevruga à 520€ au Cristal Room Baccarat, en choisissant le menu surprise du mystérieux Barbot à 250€ à l'Astrance, sur un pigeon qui atteint des sommets au Sensig, avec, pour les plus petits joueurs, un filet de bœuf à 28€ au Severo..." Quel cynisme ! Libération a beau faire sa une de "la pauvreté gagnant le monde des salariés" et souligner que "l'insécurité sociale a augmenté", il dévoile sa face rougeaude de bourgeois nanti parisien. Dans son édito au supplément, Alexandre Cammas sait seulement s'insurger contre les 35 heures qui condamnent le gigot de sept heures et l'interdiction de fumer dans les lieux publics. La confrontation des deux unes est fatale. Après s'être fait arnaqué par July, Rothschild, le mouton de Sarko, peut s'empiffrer de ces pâturages glissants.
Si le quotidien disparaissait, comme il est partout annoncé, on pourrait toutefois regretter le pluralisme des pages culturelles, l'imagination et l'à propos de certains titres et les grandes illustrations, photographiques ou dessinées. J'avoue le feuilleter chaque matin aux premières heures de l'aube, après qu'il soit tombé dans ma boîte aux lettres... Les petits caractères du Monde, l'autre quotidien centriste mais du soir, m'ont toujours paru illisibles et, ouvrant Le Parisien, je continue de trouver qu'il ressemble à n'importe quel gratuit populiste. Reste heureusement Le Monde Diplo, une fois par mois, feuilleton à ne consommer qu'à dose homéopathique pour ne pas sombrer dans la neurasthénie.