Sur la chaîne Euronews l'émission emblématique No Comment montre, depuis 1993, les images sans le commentaire envahissant du Journal télévisé. La manipulation n'est pas forcément absente, mais il y a au moins quelque chose à voir et à entendre. De son côté, le photo-reportage a toujours été à cheval entre le rapport et l'évocation. Sur Boston.com (Boston Globe), The Big Picture propose une sélection de photographies, toujours exceptionnelles, ayant trait à l'actualité et rassemblées thématiquement. Allez vous y promener et vous y trouverez certainement un sujet qui cadrera avec vos aspirations. Que cela les amuse, les irrite ou les questionne, la France en grève passionne les étrangers car nos révoltes figurent toujours un baromètre pour le reste du monde. La sélection proposée pointe néanmoins la distance entre la réalité et sa représentation. Si la France y semble à feu et à sang, il est facile d'imaginer que cette transposition spectaculaire peut s'appliquer à chacun des thèmes abordés. Je me souviens qu'en mai 1968, des amis américains, ultra-réactionnaires au demeurant, avaient téléphoné à mes parents pour leur dire que nos chambres étaient prêtes puisqu'au vu de leurs actualités nous avions sombré en pleine guerre civile. Ou encore, au plus fort de la guerre du Liban, les bijoutiers de Beyrouth continuaient leur petit business dans certains quartiers sans que cela semble les affecter. Pour avoir couvert certains moments chauds de notre histoire en Algérie, en Afrique du Sud ou pendant le siège de Sarajevo, j'ai pu constater que nous ne vivions jamais les événements comme ils étaient relatés par la presse, et ce dans les deux sens. Car si certains faits sont magnifiés, d'autres sont sciemment tus. La véritable horreur est souvent immontrable parce que, trop étendue géographiquement, elle ne rentre pas dans le cadre de l'appareil. L'objectif captera donc ce qui est cernable et les meilleurs résultats feront soit apparaître un sous-texte révélateur, soit permettra au lecteur de s'évader et de se faire son propre cinéma. Aucune image ne peut jamais montrer la vérité, car elle servira toujours un discours ou un fantasme, le cadre ne permettant que de voir sous un seul angle. L'appareil à filmer le hors-champ reste à inventer, et la vérité ne sera jamais qu'une illusion.