70 Humeurs & opinions - octobre 2013 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 29 octobre 2013

N'en jetez plus !


Mon dos se redresse doucement. Les yeux de Françoise retrouvent une nouvelle jeunesse. Scotch miaule sans que l'on sache pourquoi, mais tout va bien. Le temps me manque juste pour raconter tout ce qui se passe autour. USA 1968, mon second roman augmenté, est sur les rails : Mathias code, Mika dessine, Sonia vidéote et nous testons, testons, débuguons, corrigeons, retestons, etc. Idem avec Baiser d'encre, le nouveau long métrage de Françoise dont j'assure la production exécutive en plus de la partition sonore. Aujourd'hui Antoine et moi installons les lapins de Nabaz'mob à l'ENSAD pour les représentations de la soirée privée de demain où une centaine de philosophes réunis à l'ENS seront confrontés à notre clapier. Pendant ce temps, les films, les disques, les livres s'accumulent sur les étagères et j'oscille entre remplir et vider le frigidaire. Oui je sais, on dit réfrigérateur, mais ça rime moins bien et plus personne ne possède cette marque. À la Cité des Sciences l'exposition sur le jeu vidéo dont Sacha et moi avons signé le design sonore est commencée, alors je travaille sur un projet de programmation de spectacles avec des plasticiens interactifs et de jeunes affranchis pour l'année qui s'annonce. C'est sans compter les concerts, enregistrements, publications qui se bousculent... Quand je pense que je me plaignais de ne pas savoir où j'allais... Mais, comme dit Pierre Oscar, je n'ai rien vu à Fukushima...

jeudi 17 octobre 2013

Pôle-Emploi, dernière étape ?


Il y aura de nombreux points d'exclamation dans l'histoire que je vais raconter aujourd'hui. Pour arriver au bout de mes peines, du moins je l'espère, il m'aura fallu beaucoup de courage, d'entêtement, de patience, d'humour, de persévérance, de résistance et du temps, beaucoup de temps qui l'eut été plus intelligent et productif de passer autrement.
Espérons donc que c'est le dernier billet que j'écris sur mes aventures d'intermittent du spectacle voué à la retraite dans un avenir plus ou moins proche. J'aurai comptabilisé les trimestres nécessaires le 1er avril 2015. Ce n'est pas une blague. J'ai déjà publié quelques épisodes de cette Passion des temps modernes : La retraite au flan bof, Overdose d'incompétence, Assez d'hics !, Rebelote à Pôle-Emploi. Il semble que je sois enfin tombé sur un salarié compétent de cette officine. Cela se termine toujours ainsi, mais il faut s'accrocher !
J'ai déjà expliqué ici que mes courriers ne parviennent jamais à mon agence locale: comme ils sont filtrés par l'agence régionale qui ne les fait pas suivre, je les dépose dans leur boîte aux lettres ! D'où d'indispensables visites que je commets régulièrement le mercredi matin dès 9h (en arrivant une demi-heure plus tôt) pour ne pas me coltiner des queues de quarante personnes. Le mercredi est le jour le moins fréquenté, remercions les enfants en âge scolaire ! La question épineuse concernait le maintien de mes allocations à l'approche de la retraite. En effet il est important de savoir qu'à partir de 60 ans et des poussières nous pouvons bénéficier des allocations, jusqu'à l'obtention du nombre suffisant de trimestres pour bénéficier de sa retraite à taux plein, sans avoir besoin de réunir les sempiternels 43 cachets minimum de 12 heures (ou 507 heures). Il suffit de continuer à pointer et cela devrait aller comme sur des roulettes.
Sauf que Pôle-Emploi m'écrivait systématiquement, vous allez comprendre que cet adverbe est le seul correct, que je devais justifier de 9000 heures de travail dont 1521 dans les 3 dernières années ou d'au moins 15 ans d'activité, et, seconde condition, d'au moins 100 trimestres d'assurance vieillesse tous régimes confondus (cette condition a déjà été abordée lors de mes précédents articles et résolue !). Réunissant toutes ces conditions, et bien d'autres mais je vous fais grâce de moult détails de taille, je fus surpris que l'on me réponde à quatre reprises que non, sans pour autant m'en expliquer la raison. Car je totalise plus du double d'heures requises et près de 40 ans d'activité salariée ! Je réclamais, on me répondait toujours la même chose. J'ai fini par avoir une personne diligente au 3949 pour m'apprendre que Pôle-Emploi n'avait trace de moi que depuis juin 1999, soit 25 ans de carrière égarés ! Pour une fois je pris l'absurde nouvelle avec le sourire puisque j'avais consciencieusement conservé toutes mes feuilles de salaire, classées année par année. Comme il n'y a aucun contact possible entre le service téléphonique de Pôle-Emploi et leurs agences il me fut conseillé de faire des photocopies des années manquantes et de m'y déplacer. Vu le nombre inimaginable de feuilles, j'y suis allé avec mes originaux dans une brouette. En me voyant arriver avec un énorme carton la jeune fille de l'accueil me demanda ce que je venais livrer. Je clamai haut et fort que c'était les 25 ans de carrière que Pôle-Emploi avait perdu. Devant le scandale évoqué je fus reçu illico et l'on me donna un double rendez-vous, soit deux fois 45 minutes qui se suivent. Trois quarts d'heure est l'unité de rendez-vous à Pôle-Emploi.
Si vous avez réussi à me suivre jusqu'ici c'est maintenant le plus savoureux. Un logiciel informatique (qui ne fait toujours pas les additions, c'est au préposé de compter sur ses doigts) a remplacé le précédent que les plus jeunes employés sont incapables d'utiliser. Or celui-ci ne remonte pas au delà de 1999, le suivant non plus évidemment ! Les archives sont inaccessibles à l'un comme à l'autre. Si vous avez le sens des chiffres vous comprendrez qu'un système qui doit vérifier que l'intermittent a bien 15 ans d'ancienneté, mais qui ne peut remonter que 14 ans en arrière, provoque des crises, d'hilarité ou dramatiques selon les dispositions du sujet. J'aimerais savoir qui a réalisé les deux systèmes informatiques et combien ils furent facturés. Cela sent le scandale à plein nez...
Il ne reste donc qu'une solution, apporter suffisamment de feuilles de salaire antérieures à la date absurde. Le préposé aura la gentillesse de les rentrer une par une dans sa machine et de les photocopier. Heureusement il me manquait seulement 500 heures pour arriver au compte et ma brouette s'avéra exagérée en regard des exigences administratives. Si aucun de mes employeurs ne remplit de manière fantaisiste les AEM je ne suis plus susceptible de retourner jamais faire la queue à Pôle-Emploi, ce qui est un peu triste puisque je ne pourrai plus faire rire mes camarades en leur détaillant ses rouages kafkaïens. Heureusement l'administration française a d'autres ressources !

P.S.: conservez précieusement toutes vos feuilles de salaire en les classant année par année ;-)

lundi 7 octobre 2013

Non, je ne suis pas journaliste


Non, je ne suis pas journaliste. Mais que suis-je alors pour tenir cette chronique quotidienne depuis 9 ans, soit près de 2700 articles au compteur. Et quid des autres casquettes qui me coiffent un jour sur l'autre ? Les véritables journalistes ont coutume de m'affubler du terme de touche-à-tout, je préfère quand les flatteurs ajoutent "de génie" pour que leur qualificatif n'apparaisse pas trop dépréciateur. Il est certain qu'après quarante ans d'activité, vivre de mon travail atypique peut laisser penser aux sceptiques qu'il doit tout de même y avoir quelque chose de bien dans ma musique bizarre ou mes innommables créations !
J'adore la réponse de Jean Cocteau qui en face de profession écrivait "sans (toutes)". Suis-je vraiment cinéaste pour ne repasser à la réalisation que tous les vingt ans ? Écrivain pour n'avoir écrit que deux romans ? Producteur pour n'avoir jamais produit que mon travail ou celui de mes proches ? Difficile d'en dire autant de mon travail sonore. J'ai composé plus de mille œuvres, publié des dizaines d'albums, composé la musique de centaines de films, CD-Rom, sites Internet, œuvres interactives, spectacles, etc., et réalisé un nombre incalculable de travaux aujourd'hui assimilés au design sonore. En octobre 2009 j'avais rédigé un billet d'autosatisfaction intitulé Orgueil, histoire de me remonter le moral dans un moment de doute ? Ou au contraire, comme aujourd'hui, soulagé que les affaires reprennent ! Je ne manque jamais de travail, mais parfois les projets rémunérés ou les retours sur investissement se font attendre.
En tout cas, je ne suis pas journaliste. Encore que Cocteau, toujours lui, parlait de poésie de journalisme comme il disait poésie de cinéma ou de théâtre. Peut-être en avais-je assez de lire des inepties ou simplement rien du tout sur les sujets qui me passionnent ? J'évite ce dont tout le monde parle et que les pros traitent avec zèle, à moins d'avoir un point de vue personnel ou différent, et n'écris que lorsque l'inspiration se présente. Si je passe trois heures par jour à tenir ce journal extime en tentant d'être le plus sincère possible c'est avant tout pour transmettre à mon tour ce qui me fut légué par mes maîtres et par la vie expérimentale que j'eus la chance de mener jusqu'ici. À mon âge partager est devenu plus indispensable que jamais. Après avoir accumulé tant de trésors je sais maintenant que je n'aurai plus le temps d'en profiter. Relire ma bibliothèque, réécouter ma discothèque, revoir tous les films... J'ai gardé des vêtements que je ne remettrai jamais, conservé des machines que je ne rebrancherai pas... Donner est aussi agréable que recevoir.

Photo © Gérard Touren