Après la cure de jouvence du précédent Orchestre National de Jazz effectuée par Daniel Yvinec et la levée de boucliers des habituels intégristes la présentation des dix musiciens passés au crible par le guitariste Olivier Benoit, son nouveau directeur, avait aiguisé notre curiosité. Pour souligner qu'il n'y a cette fois pas que des jeunes on dira que l'ensemble est intergénérationnel. La rythmique d'enfer est assurée par deux anciens, le bassiste Bruno Chevillon qui double aussi à la direction artistique et le batteur Éric Échampard. La jeunesse est toute relative, mais on considérera qu'elle sied au clarinettiste Jean Dousteyssier et au saxophoniste Hugues Mayot, au trompettiste Fabrice Martinez et au trombone Fidel Fourneyron, au claviériste Paul Brousseau et au violoniste Théo Ceccaldi. La pianiste Sophie Agnel et la saxophoniste Alexandra Grimal sont les seules filles, une de plus que la fois passée ; à ce rythme on aura un orchestre intégralement féminin en 2054 !
D'emblée le son d'ensemble est excitant, pêchu et varié. Les ayatollahs en mal de swing à la papa vérifieront évidemment leurs craintes. Olivier Benoit et ses dix camarades font partie de ces affranchis qui se sont débarrassés des étiquettes cloisonnantes pour s'intéresser à toutes les musiques, du moment qu'elles leur excitent les méninges et les agitent physiquement. Le nouvel Orchestre National de Jazz réfléchit l'éventail des musiques contemporaines, du jazz (il y en a aussi) au rock, du minimalisme répétitif aux ircameries les plus digestes, de l'écriture instantanée aux formes préalablement fixées. L'improvisation et la liberté individuelle qui manquaient un peu dans sa précédente mouture refont surface, mais on n'évite pas les mouvements du rock progressif où tous et toutes marchent comme un seul homme et s'arrêtent pile sur la ligne d'arrivée.


À vouloir tout marier, la musique finit néanmoins par faire bouillir une cocotte où les formes les plus diverses fusionnent au détriment des ingrédients séparés. Des choix plus tranchés permettraient de mieux identifier les intentions et les enjeux. Cette cuisine trop riche convient évidemment parfaitement à nos plats nationaux. Autre question, le sujet "capitale", ici Paris et ses merveilleuses architectures est peu identifiable. Les futurs voyages annoncés vers d'autres capitales européennes permettront certainement de préciser les lignes en assumant plus franchement les idées dramatiques et musicales, interrogeant les différentes cultures dont nous sommes pétris. La profusion de timbres ne nous transforme pas pour autant en autistes philatélistes, car l'énergie communicative de cette formidable machine humaine nous transporte. Ce très beau double album (ONJAZZ Records, dist. L'autre distribution) laisse présager des concerts excitants dont les premières auront lieu les 26 et 27 juin au Carreau du Temple à Paris.