70 Humeurs & opinions - juillet 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 29 juillet 2016

Promesse de vie éternelle contre peine de mort


Pour éviter la tentation du quart d'heure de célébrité désigné par Andy Warhol, nombreux médias ont décidé de ne plus donner le nom des assassins suicidaires qui se livrent à des crimes aveugles sur la population. Rien d'exceptionnel, car a-t-on jamais eu l'idée de révéler au grand public celui des pilotes de chasse qui larguent des bombes sur des cibles civiles anonymes ? Ce fantasme absurde anéanti, et comme il est difficile de lutter contre des attentats commis par de jeunes personnes fragiles et manipulées, ne pourrait-on aller plus loin dans la gestion de la psyché de ces kamikazes ? Par exemple, lorsqu'il s'agit de crimes perpétués par des fous de Dieu à qui l'on a fait croire qu'ils seront récompensés au paradis par 72 vierges, les houris évoquées dans le Coran selon certaines interprétations, pourquoi exaucer leurs vœux au lieu de les laisser pourrir en prison ? Il existe des armes non létales capables d'immobiliser instantanément un gros gibier ou d'autres utilisées par les services secrets de quantité de pays. D'autant qu'en France la peine de mort a été abolie en 1981.
Est-ce par vengeance que l'on abat systématiquement les preneurs d'otages ou ceux que les médias appellent terroristes, ou bien pour éviter qu'ils ne révèlent au grand jour des éléments risquant d'impliquer des états à l'origine des opérations, des états avec qui nous commerçons par ailleurs ? Les services secrets de tous les pays ont du sang sur les mains. La raison d'État les protège, d'autant que reconnaître ce genre de faits revient à confirmer leur usage par ses propres services. Beaucoup de questions en suspens, alors que n'importe quel illuminé peut commettre un attentat en se sacrifiant sans même avoir recours à une arme ! En écoutant Boris Cyrulnik on comprend qu'il est pratiquement impossible d'empêcher ce genre de crimes par les moyens traditionnels, de ceux qu'emploient les différents services de police. L'état d'urgence est d'une inefficacité totale quant à ce pourquoi il a été officiellement institué. Il sert par contre à restreindre les libertés fondamentales des citoyens et à faire passer des lois iniques à coups de 49.3.
Dans Politis, Roland Gori explique très bien que la réponse ne peut être que politique. L'Histoire l'a montré. Nous sommes confrontés à des systèmes psychotiques, qu'ils soient induits par tel ou tel État, particulièrement en situation de crise économique. La solution est entre les mains des diplomates, eux-mêmes soumis aux contraintes financières de ceux qui cherchent à s'enrichir sur le dos des populations. C'est le lot de toutes les guerres. L'argent, ici le gaz ou le pétrole, est la clef de tout conflit de cette envergure. Les énergies fossiles polluent tout ce qu'elles touchent, les hommes comme la nature ! Il est néanmoins indispensable d'intervenir d'une part sur le terrain de la misère, psychique et matérielle, et d'autre part d'informer la population des intérêts en jeu au lieu de jouer sur les émotions qui débouchent fatalement sur des positions extrêmes et des actes que nous ne pourrons que regretter plus tard.
Nos médias, pour la très grande majorité aux mains des financiers et des marchands d'armes, ne font que jeter de l'huile sur le feu en évoquant les faits sans les analyser, faisant résonner la corde sensible plutôt que celle de l'intelligence. À l'heure des désinformations on pleure, on s'émeut, on dit "je suis" plutôt que l'on est incité à penser. Le cogito ergo sum du Discours de la Méthode de Descartes est pourtant basé "sur le doute méthodique, afin de conduire à la recherche de vérités". Mais aujourd'hui douter revient à être taxé de conspirationnisme. Suivre le dogme médiatique en défilant sous tel ou tel drapeau, c'est accepter de ne plus être. S'interroger est mal vu. Pourtant être est bien la question.

Illustration : dernière image de Cet obscur objet du désir avec au son La Walkyrie de Richard Wagner, dernier film de Luis Buñuel, dernier attentat perpétué par le Groupe Armé Révolutionnaire de l’Enfant Jésus, fiction traitée sur le mode de la banalisation par le cinéaste en 1977 !

mercredi 13 juillet 2016

Le piège


De temps en temps je signe une pétition qui passe à ma fenêtre. Je prends le train en marche, cela ne mange pas de pain. J'ignore si cela sert à quoi que ce soit, comme j'ai des doutes plus que sérieux sur le nombre de fois où j'ai glissé un bulletin dans l'urne. J'aurais pissé dans un violon le résultat aurait été le même. De plus, je me suis privé d'un enregistrement original. Je ne l'aurais pas fait non plus avec mon Albert Blanchi de 1921 qui est toujours en vente chez Laurent Paquier et cela ne m'arrange pas. Parmi les pétitions censées donner bonne conscience j'ai signé un truc pour sortir de l'OTAN. Me voilà harcelé au téléphone par une bonne femme qui voudrait me la tourner mauvaise sous prétexte que je ne fais rien pour agir en ce sens. Elle agite le spectre de la bombe atomique qui pourrait nous tomber sur le coin de la figure si les Américains et leurs alliés s'avisaient d'attaquer la Russie, une idée comme une autre. Il est certain que les va-t-en-guerre sont légion et que la moindre explosion nucléaire, même à l'autre bout de la planète n'arrangerait pas nos affaires. On n'a pas besoin de cela, les centrales sont suffisamment dangereuses pour nous pourrir la vie. En la faisant parler, vu qu'elle n'écoute pas ce que je lui dis, je découvre que la dite pétition est conduite par Jacques Cheminade ! Elle est bien bonne celle-là. La dame devenant de plus en plus désagréable j'ai fini par lui raccrocher au nez. Je pense que je vais arrêter de cocher des trucs sur change.org, entreprise commerciale qui essaie de me faire cracher des sous de plus en plus souvent. J'imagine qu'on en serait arrivés là si je n'avais pas coupé le sifflet à la dame au ton de plus en plus menaçant. Il ne suffisait pas qu'on essaie régulièrement de me vendre des fenêtres, j'en ai déjà une si vous avez suivi cette histoire depuis le début...

jeudi 7 juillet 2016

Hommage à Charles Bitsch


Les Cahiers du Cinéma m'apprennent le décès de Charles Bitsch survenu le 27 mai dernier à l'âge de 85 ans. Charles était connu pour avoir été directeur de la photographie et cadreur de Jacques Rivette pour Le Coup du berger et Paris nous appartient, puis assistant réalisateur de Claude Chabrol, Jacques Demy, Jean-Pierre Melville et, à plusieurs reprises, de Jean-Luc Godard, et il était passé à la réalisation. C'était un homme sérieux qui avait toujours le sourire, un sourire grave et bien intentionné. J'avais moi-même été son assistant en 1975, à ma sortie de l'Idhec, en particulier pour un vinyle 33 tours 30 cm réalisé pour le Parti Communiste Français à l'occasion de l'Année internationale de la femme. Cela ne s'invente pas. Ou plutôt si. Tout était à inventer. C'est ce qui m'avait plu. D'autant que personne de l'équipe ne savait comment fabriquer un disque. Comme je viens de produire mon premier album avec Francis Gorgé et le percussionniste Shiroc intitulé Défense de, Jean-André Fieschi, alors directeur de production d'Uni/ci/té, la boîte d'audiovisuel du PCF, me propose de seconder Charles Bitsch. L'autre assistante, chargée de la documentation, est Charlotte Latigrat qui deviendra plus tard directrice de France Bleu Alsace, puis des programmes musicaux de France Culture et créera le Festival d'Île de France. On l'entend chanter Le temps des cerises passé à la moulinette de mon ARP 2600 en face B ! Je me souviens que le mixage aura lieu la veille de mes "trois jours" et que je prendrai des pilules pour m'empêcher de dormir pendant les 48 heures qui les précèdent, espérant me faire réformer, mais ça c'est une autre histoire qui faisait bien rire Charles.


En hommage à l'homme exquis et délicat qu'était Charles Bitsch je me suis décidé à numériser les deux faces du 33 tours. Il est absolument passionnant d'entendre ce qui se disait alors du monde du travail et du combat des femmes. J'avais engagé Bernard Lubat comme arrangeur d'une chanson de Claude Réva.
Mais je me rappelle surtout ma colère lorsque le Comité Central du PCF refusa que nous insérions la phrase d'Engels "La femme est le prolétaire de l'homme". Rien de surprenant pour moi qui n'étais que compagnon de route, fondamentalement critique de la politique du Parti que nous appelions "révisionniste", se fourvoyant dans le Programme Commun avec le PS, association qui le coula d'ailleurs progressivement et définitivement. Pourquoi soutenir un parti qui suivait les positions des sociaux-démocrates ? La question reste hélas d'actualité.
C'est grâce aux séances de variétés avec Lubat que je prends contact avec le monde du jazz, Bernard m'emmenant à un concert de Michel Portal après notre enregistrement en studio. Comment me retrouverai-je dans un placard à balais avec le clarinettiste expliquant à tour de rôle à J-F Jenny-Clarke, Daniel Humair, Lubat, Joseph Dejean ce qu'il attend de chacun d'eux ? Mystère et boule de gomme ! Je le raccompagnerai plus tard chez lui en voiture, car il a la jambe dans le plâtre. Un an plus tard je ferai la connaissance de Bernard Vitet, marquant mon entrée en tant que musicien dans ce monde fermé et élitiste.

Je vous distrais alors que je voulais vous faire écouter le disque... Face A vous entendrez des témoignages de l'époque, Louise Labbé chantée par Hélène Martin, Mireille Bertrand, la Berceuse de Mère Courage par Germaine Montéro, des témoignages sur la maternité, Demande aux femmes de Claude Réva.

Face B : Comme une blessure de Joan-Pau Verdier par Francesca Solleville, Rimbaud dit par René Bourdet, Paul Éluard par Hélène Martin, une évocation de Danièle Casanova, la voix d'Elsa Triolet, Aragon par Monique Morelli, Madame Nguyen Thy Binh, Jean Ferrat, Valentina Térechkova, Georges Marchais, Maïakovski dit par Amélie Prévost. La pochette est de Claude Fillion et Alain Le Bris d'après Fernand Léger.