Nous recevons régulièrement d'épaisses enveloppes nous exhortant à contribuer à de bonnes œuvres. De petits "cadeaux" accompagnent souvent ces campagnes de recherches de fonds : cartes du monde, carnets, stylos, etc. Lorsque mes parents étaient sollicités par des démarcheurs en porte-à-porte, ils avaient l'habitude de répondre qu'ils avaient "leurs œuvres" pour se débarrasser des importuns. Aujourd'hui il n'y a plus que les Témoins de Jéhovah, les vendeurs de pommes et patates soi-disant directement du producteur au consommateur (attention, arnaque !), les élagueurs de haies, les couvreurs et les militants du journal L'Internationaliste (branche française de Lotta Continua) pour sonner à notre porte. Je ne compte pas les éboueurs (en évitant les faux) et les postiers pour lesquels je contribue à leurs étrennes, mais je me passerais bien de leurs calendriers qui sont heureusement de plus en plus minces. Surtout je suis sidéré par l'argent que doit coûter ces épais dossiers au profit de Médecins Sans Frontières, Amnesty International, Stop à la Souffrance Animale, Apprentis d'Auteuil, etc. Pas question de jeter ce qui est "recyclable", donc je n'affiche ici qu'une petite partie des stylos récupérés, mais ce sont des tonnes de papier et de plastique qui partent à la poubelle. À ce gâchis s'ajoute mon inquiétude légitime de savoir où va l'argent. Où trouver des informations fiables détaillant ce qui revient réellement aux défavorisés ? Lorsqu'on connaît les salaires de certains responsables d'ONG et la réalité du terrain, on est en droit de s'inquiéter, voire de se révolter. Les organisations humanitaires sont devenues un business.
Dans le Figaro (!) Bruno-Georges David, auteur d'ONG : compassion à tous les rayons ? explique : L'essentiel des communications ne consiste pas en des postures politiques ou des plaidoyers, mais fait appel aux émotions, à la bien-pensance compassionnelle, à la culpabilité. C'est une discussion entre gens du Nord qui se parlent à eux-mêmes en prenant le Sud comme prétexte. (...) Les ONG ne mesurent pas la dévastation que leur dépolitisation et le marketing sont en train de produire dans l'opinion publique et auprès de leurs soutiens. De structures militantes et engagées, les ONG sont devenues des organisations de gestionnaires et financiers dépolitisés. Dans Libération (!!) Sylvie Brunel, auteur de Famines et Politique, raconte sa démission de la présidence d'Action contre la faim (ACF), après avoir été responsable de la recherche à Médecins sans frontières. Dans Télérama, Frédérique Chapuis évoque les 10 000 ONG présentes en Haïti et le scandaleux tourisme humanitaire. Etc.
La plupart des ONG sont devenues les soupapes de sécurité de l'oppression et de l'exploitation. Sans elles les situations révolutionnaires exploseraient. Certaines de ces Organisations "Non Gouvernementales" sont même financées directement par les pays les plus puissants, exploiteurs de main d'œuvre à bon marché, fomentateurs de coups d'État.
Mes parents, encore une fois, ne faisaient pas l'aumône, mais militaient pour que le gouvernement assume ses responsabilités vis à vis des défavorisés. Alors chaque fois que j'écris quelques mots avec leurs stylos "gratuits" je sens monter ma colère. Ils me servent à ne pas oublier les inégalités, les injustices, les crimes dont nos gouvernements sont responsables alors qu'ils tentent de nous culpabiliser. Peut-être avons-nous des raisons de nous sentir coupables puisque nous acceptons cet état de fait et que nous ne renversons pas le système inique et cynique qui gère nos vies et celles de ceux qui en meurent !