La chute du Mur de Berlin et le démantèlement de l'URSS par Gorbatchev, que la plupart des Russes considèrent comme un traitre, ont laissé les États Unis seuls maîtres du monde. Sans ennemi fantasmatique, leur arrogance n'a plus aucune limite, car l'invention du monstre islamique n'a pas remplacé l'hypothétique équilibre des forces. Ils l'ont encouragé en Afghanistan contre les Soviétiques, favorisé la création de l'État Islamique, entretenu des rapports troubles avec l'Arabie Saoudite, et avec l'aide de leurs alliés occidentaux ils ont supprimé les leaders arabes laïques, dictateurs qui n'avaient rien à envier à la puissance de nuisance de leur impérialisme criminel. Ils n'ont de cesse de renverser les états assimilés au communisme tant craint, en particulier en Amérique du Sud. Cuba est toujours sous embargo depuis 1962 ! Le dollar est le maître étalon, l'anglais est définitivement devenu l'espéranto grâce à Internet, le soft power impose ses produits culturels. Ils titillent la Chine sur le Tibet, mais les Chinois ayant largement dépassé les Saoudiens par leur investissement économique sur le territoire américain, ils ne peuvent pas faire grand chose sans risquer de se saborder. Pour l'instant la Chine et l'Inde acceptent le rôle de sous-continent avec leur main d'œuvre à bon marché, attendant probablement que le système capitaliste à l'ancienne s'écroule de lui-même. Les anciennes grandes puissances sont dans les choux. L'Empire Britannique ressemble à la Rome antique, ses citoyens totalement anesthésiés comme le préfigure la récente série TV Years and Years. Nos gouvernements successifs ont réussi à détruire l'image de la France, autrefois considérée pays des droits de l'homme et fief de la culture, dévoilant la petitesse de son pouvoir réel. Nous empruntons doucement mais sûrement le chemin de l'Italie, ou de la Grande-Bretagne. Tout cela n'est que fiction contrôlée, le dollar est gonflé à l'hélium, la planche à billets s'activant chaque fois que le danger se profile. Les ressources énergétiques, dont évidemment le gaz et le pétrole, guident les choix états-uniens, le commerce de la drogue ou l'industrie militaire alimentent leurs caisses, mais partout les conditions de vie des populations se désagrègent, sous le coup de réformes iniques et cyniques.


J'ai grandi avec la menace d'une guerre nucléaire entre l'U.R.S.S. et les U.S.A. Mes parents disaient qu'ils n'auraient pas dû faire d'enfants dans ces conditions. J'ai pris ma carte de citoyen du monde en 1963. J'avais 11 ans. Mon père arborait le sticker Europe Unie à l'arrière de sa voiture, avec ma mère ils allaient aux conférences de Jean Rostand, président du M.C.A.A. (Mouvement contre l'armement atomique). Je suis resté pacifiste jusqu'à mon séjour à Sarajevo pendant le siège en 1993, non-violent jusqu'à ce que je comprenne que jamais les ultra-riches qui gouvernent réellement la planète ne lâcheront jamais d'eux-mêmes leurs prérogatives criminelles et suicidaires. J'ai toujours su qu'un mouvement d'indépendance, la résistance à la dictature ou la famine remettraient en cause mon point de vue sur la violence révolutionnaire.
Visitant l'été dernier un bunker d'une usine d'armement "désaffectée" en Roumanie, je suis saisi par des cartes destinées à la formation des ouvriers. On nous laisse prendre des photos, liées à un projet que notre équipe entreprend sur deux ans et dont je dois composer la musique. Chacune expose la diversité des armes chimiques, biologiques, nucléaires, etc. L'humanité n'a pas cessé d'obéir à la loi des cycles comme tout ce qui vit sur Terre. Des périodes de paix succédaient à des passages très violents. Par exemple, le Moyen-Âge avait été somme toute assez stable, la Renaissance avait été une période extrêmement cruelle. Les bonnes et les mauvaises nouvelles alternent sans cesse. Mais une chose a changé, terrible, inadmissible, la possibilité d'empêcher tout retour en arrière dans la destruction totale de la planète. Nous assassinons systématiquement les autres espèces animales, mais aussi végétales, et nous nous préparons à commettre un génocide qui est déjà entamé sur les populations qui ne sont plus exploitables. Il est difficile de comprendre comment les élites économiques peuvent penser commettre un crime sélectionné sans imaginer qu'il s'agit d'un suicide collectif auquel aucun de leurs enfants ne pourra échapper. Contrairement à mon enfance où nous imaginions des îles désertes, des peuplades inconnues, des pays de rêve, il n'existe plus aucun lieu où fuir, même en pensée. Nous sommes prisonniers d'un système monstrueux qui explosera de lui-même, générant des bouleversements dramatiques incalculables. Saurons-nous évoluer malgré cette folie qui excite les uns et anesthésie les autres ? Y aura-t-il des survivants ? Des mutations en découleront-elles ? Je doute vivre assez longtemps pour participer à cette révolution. Ma curiosité restera vaine. Je ferai néanmoins tout ce que je pourrai à mon niveau pour lutter contre le pire en continuant à me battant pour un monde meilleur où l'exploitation de l'homme par l'homme et des autres espèces se dissipe. Hélas il semble que nous ne soyons pas capables d'évoluer sans subir au préalable des catastrophes qui nous y obligent. Espérons seulement que les prochaines ne soient pas irréversibles !