70 Multimedia - juillet 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 8 juillet 2006

Les dessins de Vercors


Heureusement qu'approchent les vacances. Il y a des matins où il est difficile de rédiger mon article. Je ne sais pas toujours par quel bout commencer. Souvent le sujet s'impose de lui-même. Parfois une image m'entraîne. Ce matin, j'ai pensé proposer les incunables qui hantent ma bibliothèque : Cover to Cover de Michael Snow, Bonjour Cinéma de Jean Epstein, Essays before a Sonata de Charles Ives, un rouleau de piano mécanique de Conlon Nancarrow, des partitions des années 20 magnifiquement illustrées, des 33 tours devenus introuvables... Je me suis arrêté sur deux livres de Jean Bruller dit Vercors, hérités de mon père et dont j'ignore le cheminement. Silences date de 1937, les vingt aquarelles de La nouvelle clé des songes de 1934.

Avant d'entrer en résistance et de publier clandestinement Le silence de la mer en 42, écrit l'année précédente, Vercors était le caricaturiste Jean Bruller. Je ne l'ai appris qu'en 1983 lorsque nous avons choisi le Rêve de l'incompétence inopportune (ci-dessous) comme pochette du deuxième disque du grand orchestre d'Un Drame Musical Instantané, Les bons contes font les bons amis. Recherchant l'autorisation de Jean Bruller, je tombai sur Vercors ! Symbole de la résistance à l'occupation nazie, pacifiste prônant la résistance civile, compagnon de route du Parti Communiste jusqu'à l'invasion de la Hongrie en 1956 (nationalité de son père), cofondateur des Éditions de Minuit alors clandestines, Vercors avait eu une autre vie, avant. La guerre a tout changé, son mode de vie, sa conscience, son métier. Il est devenu écrivain. Et là encore, il y a deux Vercors, le résistant (Le piège à loup, Armes de la nuit, La puissance du jour, Les yeux et la lumière, La bataille du silence) et l'humaniste (Les animaux dénaturés, Sylva, la traduction de Pourquoi j'ai mangé mon père de Roy Lewis...). En 1990, Rita Vercors m'écrivait en parlant de lui, « mon mari - Vercors et Jean Bruller », et lui signait simplement Bruller. Il mourra un an plus tard à l'âge de 89 ans.


Invité à l'émission Apostrophes, comme Bernard Pivot lui demande pourquoi il n'est jamais passé à la télévision depuis trente ans, Vercors lui retourne ironiquement la question. C'est un homme intègre, un philosophe qui défend ses idées par le biais de la littérature. Chargé d’établir la « liste noire » des écrivains collaborateurs, il plaide pour la responsabilité de l’écrivain. N’acceptant pas l’intransigeance partisane d’Aragon et ne voulant plus jouer le rôle de la « potiche d’honneur », il démissionne de la présidence du Comité National des Écrivains. Il s’éloignera de toute participation à la vie publique tout en restant fidèle à ses idéaux, s’engageant contre la guerre du Vietnam. Il avait déjà été l'un des signataires de l’Appel des 121 réclamant le droit à l’insoumission pendant la guerre d’Algérie.


La qualité des gravures est exceptionnelle, les couleurs tranchent avec les impressions habituelles. Bruller les réalise chez lui, à Villiers-sur-Morin au cours de l'été 1937, et précise que « le tirage, dépendant des loisirs de l'artiste et de son courage, s'est fait par tranches... » Un dernier détail dont je me souviens, c'est la taille de ses oreilles, je n'en ai jamais vu d'aussi grandes.

mercredi 5 juillet 2006

Version espagnole


Nicolas m'envoie l'adresse d'un site argentin qui relate nos aventures interactives sur Flyingpuppet.com. Grâce à ce billet moulte commenté depuis Buenos Aires, je découvre la version hispanophone des entretiens et articles de Turbulence sur la Paris Connection (Servovalve, Antoine Schmitt, Jean-Luc Lamarque, Frédéric Durieu, Nicolas Clauss et moi-même), le tout en français, anglais, espagnol et portugais ! Le 22 février 2003, Annick Rivoire avait écrit une page dans Libération sur ce remarquable travail de coproduction (Turbulence / CoriolisWeb / Dichtung-Digital.org / Museo do Essencial e do Além Disso) coordonné par Jim Andrews. Ainsi je commence à surfer sur des blogs sud-américains et découvre leurs sujets de préoccupation, plus politiques qu'anecdotiques. On est loin des vidéo-gags qui font fureur sur la plaNet. Je ne parle pas du tout espagnol, alors de temps en temps je passe par Sherlock, le traducteur automatique du Mac. C'est comique mais ça reste digne...
En écrivant mes billets quotidiens, je me pose régulièrement la question de la langue. Le site drame.org offre depuis ses débuts en 1996 une version anglaise. Dois-je continuer dans la langue que je maîtrise ou continuer en anglais pour profiter d'un lectorat évidemment beaucoup plus large ? Si c'est la qualité du texte qui le rend lisible, mon anglais n'est hélas pas à la hauteur. Devrais-je traduire les billets les plus importants et les publier sur un nouveau site ? Mon blog est la version de proximité du site, on s'y promène au quotidien, tandis que le site relate seulement les hauts faits professionnels ! J'hésite devant le travail colossal que cela demande. Je passe déjà entre un quart d'heure et deux heures à pondre chaque matin au réveil un texte auquel il faut adjoindre une image et trouver un titre. Je dors peu, je travaille beaucoup, mais je ne pourrai pas continuer ainsi dans les périodes de rush, c'est certain. Déjà les vacances approchent...