70 Multimedia - août 2007 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 21 août 2007

La grande illusion


Doris nous confie Suite française d'Irène Némirovsky dans sa traduction anglaise qu'elle vient de lire lors de son séjour à Paris. Jonathan s'en saisit pour le dévorer avant son retour à New York et nous offre l'original en français. Après Françoise, je me presse de le terminer avant de quitter La Ciotat pour le laisser à ses parents à qui l'époque de l'exode et de l'occupation parlera plus qu'à moi. Jean-Claude adore l'histoire et Rosette me raconte le flot des réfugiés qui se déversait du nord sur les boulevards des Maréchaux Porte de Montreuil avec leurs vaches, leurs cochons et tout leur barda, impressionnant défilé à qui les Parisiens offraient du pain sur leur passage.
Le plus émouvant sont les notes et les lettres en annexes, mais il faut avoir lu le roman pour apprécier ces documents inestimables qui accompagnent le manuscrit oublié toutes ces années dans une valise, l'éclairant d'un jour nouveau très moderne. L'écriture était minuscule, comme la page du manuscrit de Georges Arnaud que j'ai retrouvée chez mon père. Pour l'une et l'autre le papier était rare ! L'histoire de 1941-42 est vécue par des personnages de fiction, récits parallèles qui dessinent une période fragile avec la plus grande délicatesse. Irène Némirovsky, écrivaine réputée avant guerre, fut déportée, comme son époux Michel Epstein, à Auschwitz. Russes blancs émigrés, ils auraient peut-être échappé à la mort si leur conscience de classe avait été plus critique. Ces grands bourgeois juifs partageaient avec les Nazis la haine du bolchévisme ! Le récit posthume a été publié grâce à la découverte récente de leurs deux filles qui avaient fui la capitale.
La peur fit sombrer la France dans l'absurdité, la collaboration et l'horreur. L'Histoire se répète. La peur est mauvaise conseillère.

jeudi 9 août 2007

You don't know Jack ?


En faisant le ménage dans mes archives, je retrouve le CD-Rom You Don't Know Jack que j'installe sur un Mac pouvant encore ouvrir des documents OS9 avec Classic. Les nouvelles machines équipées d'une puce Intel envoient toute ma collection aux oubliettes et je ne possède aucun PC qui puisse faire tourner mon jeu ou ses déclinaisons récentes sous Windows. Peut-être devrais-je installer Windows sur mon MacBook Pro ? Sinon je risque de ne plus jamais pouvoir regarder Puppet Motel de Laurie Anderson, Les machines à écrire d'Antoine Denize, Immemory One de Chris Marker et notre Alphabet qui ont tous marqué une époque où l'interactivité laissait entrevoir de nouvelles pratiques artistiques très prometteuses. Hélas, en 2000, l'explosion de la bulle Internet a entraîné dans sa chute l'édition de cd-Roms sans que la création sur le Web ne remplace jamais ce que l'off-line offrait. Aujourd'hui, les utilisateurs ont perdu l'habitude de se servir d'une souris autrement que pour ses fonctions basiques et seuls les jeux dits "vidéo" ont trouvé grâce aux yeux des joueurs. L'interactivité est passée de mode, les utilisateurs préférant la prise en charge façon télé (YouTube, etc.), les forums et les déclinaisons communautaires du Web 2.0 (MySpace, etc.) et les jeux dédiés au joystick frénétique. La création artistique exploitant le médium se raréfie, Internet devenant progressivement un lieu de commerce et de services.
Bien que You Don't Know Jack prétende faire rencontrer la culture avec un grand C à la culture avec un petit cul, le CD-Rom ne fait pas partie des Zœuvres évoquées plus haut, mais c'est un des jeux les plus drôles et les plus déjantés qui soient, croisement de jeu de plateau et de quizz dans l'esprit loufoque des débuts de Nulle part ailleurs sur Canal +, "irrévérencieux et décalé" (fortement corrosif, il est déconseillé aux coincés et aux cardiaques), cocaïnomaniaque et si dingue que l'on se moque de perdre ou de gagner. Le secret de sa réussite provient du nombre étonnant de fichiers son qui vous accompagnent, vous guident et vous taquinent, et de la manière qu'a le programme de réagir à vos gestes et vos hésitations. Pierre prétendait que YDKJ était hanté : le 25 décembre, une voix s'exclama "alors, on joue le jour de Noël ?". Une autre fois, la meneuse de jeu se moque des joueurs B et C qui se bécotent, sic ! Chaque fois qu'on le lance, les dialogues sont différents, les questions sont sans cesse renouvelées. La version française n'a jamais été sérieusement commercialisée, bien qu'elle ait été pressée et packagée. Hyptique le vend(ait) sur son site, mais, attention, mieux vaut une machine pas trop récente pour le faire fonctionner correctement (spécifiée sur la boîte pour Windows 95 ou Mac Power PC système 7, ça marche très bien jusqu'au système 9). Vous m'en direz des nouvelles ! La démo d'une version récente anglaise (Episode 23) est en ligne sur le site de YDKJ.

P.S. du 20 octobre 2016 : Yann Le Brech a, depuis cet article, mis une version française en ligne. Elle n'est pas complète, mais c'est en cours. Il a même ajouté un entretien passionnant ponctué d'effets sonores avec Luc Mitéran, dit Walther Pépéka, le comédien qui a fait la voix de Jack !
Sur son site, Frédéric de Foucaud dit Fred de Fooko, l'un des auteurs avec Steve Austin et Jean-Christophe Parquier, livre quelques pistes. « The Quizz » contient 737 questions, 30.000 fichiers sons (20 000 phrases) représentant 900 mn (15 heures) de sketchs ! Chaque question englobe une douzaine de réparties. Alicia Alonso est la voix féminine, Roddy Julienne a fait les effets sonores. Jacqueline Ehlinger, Julien Loron, Christophe Leroy, Aline Bonnefoy et David Coiffier forment le reste de l'équipe.